Louis Rossel

Louis ROSSEL (1862), 1844–1871

Dossier : Le Grand Magnan 2017Magazine N°727 Septembre 2017
Par Serge DELWASSE (X86)

Depuis 222 ans les X sont dans la guerre. C’est l’occasion de vous réunir, de nous réunir, autour des trois piliers de la cama­ra­de­rie : l’attachement aux anciens, l’attachement à l’École et enfin l’attachement à la France.

Nous aurons l’occasion, au cours de cette jour­née, d’évoquer grâce aux pages de la pré­sente bro­chure, à l’exposition du groupe X‑Résistance dans le grand hall, à l’amphi de 15 heures, de nom­breuses figures de nos cama­rades qui, de l’expédition d’Égypte à la lutte anti-ter­ro­risme, se sont bat­tus pour notre pays.

Par­mi ces cama­rades, il en est un dont je sou­haite décrire rapi­de­ment le par­cours. Il s’agit de Louis-Natha­niel Ros­sel. Je ne détaille­rai pas sa bio­gra­phie, plu­sieurs ouvrages le font très bien. Je recom­mande par­ti­cu­liè­re­ment le Ros­sel, 1844- 1871, d’Édith Thomas.

Par ailleurs, une grosse par­tie de ses écrits – cor­res­pon­dance et minutes de ses pro­cès com­prises – ont été publiés à plu­sieurs reprises. Je me conten­te­rai de quelques éclairages.

Louis ROSSEL en Grand Uniforme de l'École polytechnique
Louis Ros­sel (1862). © col­lec­tions École polytechnique

Le refus de la défaite

Il est capi­taine du génie en 1870, lorsque l’armée de Bazaine se fait enfer­mer dans Metz.

Il s’était fait connaître aupa­ra­vant en affron­tant par médias inter­po­sés un vieux géné­ral auquel il a démon­tré qu’il se trom­pait. C’est une sombre his­toire d’écrit apo­cryphe de Napoléon.

Déjà Ros­sel démon­trait qu’il avait une cer­taine capa­ci­té à se faire des « amis » par­mi des supé­rieurs. À peine arri­vé à Metz, Ros­sel va voir Bazaine et l’exhorte à se battre. La contra­po­sée étant que, ce der­nier pré­fé­rant se rendre, il aban­donne Metz, tra­verse les lignes enne­mies et rejoint Gambetta.

Ce der­nier, cou­ra­geux mais fin poli­tique, se méfie visi­ble­ment de ce jeune capi­taine qui pré­tend diri­ger l’armée, le repasse à Frey­ci­net qui, pour s’en débar­ras­ser, lui donne un poste de colo­nel dans l’armée auxi­liaire. Ros­sel se résigne.

Képi d’élève polytechnicien offert à Louis Rossel par sa sœur.
Képi d’élève offert par sa sœur. © Col­lec­tions École polytechnique

Ministre de la guerre de la commune

Il se résigne, jusqu’à la Com­mune. Ni une ni deux, il retra­verse les lignes, et va se mettre au ser­vice de la Com­mune. Chef d’état-major de Clu­se­ret, il le rem­place 25 jours après, et finit donc sa car­rière comme ministre de la Guerre de la Commune.

J’écris « finit la car­rière » puisque, à peine un mois après avoir été nom­mé, il explique à ladite Com­mune qu’elle va dans le mur (des fédé­rés !) – ce qui n’était pas faux d’ailleurs, sur­tout si le lec­teur me par­donne le jeu de mots dou­teux – et démis­sionne. Recher­ché par ladite Com­mune, il reste néan­moins dans Paris, et se cache pen­dant la semaine san­glante, mais finit par se faire prendre par les Ver­saillais qui le jugent deux fois, le condamnent à mort deux fois éga­le­ment et le fusillent le 28 novembre 1871 !

En atten­dant la mort, tel Éva­riste Galois la nuit pré­cé­dant son duel mor­tel, il écri­vait des trai­tés de stra­té­gie mili­taire… Ros­sel est donc par­mi les rares X à avoir été fusillés. La ren­contre entre une per­son­na­li­té excep­tion­nelle, mélange d’intelligence ful­gu­rante, d’esprit fron­deur, de capa­ci­té de tra­vail, de rigi­di­té intel­lec­tuelle, de convic­tion et d’amour et des cir­cons­tances non moins excep­tion­nelles a été détonnante.

Un caractère trempé

Quelques anec­dotes pour mon­trer qu’il était un vrai poly­tech­ni­cien : il a failli se faire ren­voyer du Pry­ta­née pour avoir par­ti­ci­pé à une grève. Et il avait pris 8 JAR (jours d’arrêt de rigueur) pour avoir fait le bêta alors qu’il était consi­gné. Rien que de très normal…

Mémoires et correspondance de Louis Rossel
Mémoires et cor­res­pon­dance de Louis Ros­sel, exem­plaire offert par la sœur de Louis Ros­sel à l’École poly­tech­nique. © Col­lec­tions École poly­tech­nique (Palai­seau)

Son affec­tion pour l’École semble réelle, car il a gar­dé le képi d’élève que lui a offert sa sœur dont la repro­duc­tion figure ci-contre.

Je ter­mine par quelques cita­tions qui décrivent bien le personnage :

« Je remer­cie bien Père de me gron­der. J’ai eu le tort jusqu’à pré­sent de ne jamais prendre mes chefs au sérieux, ni leurs puni­tions non plus. J’espère que cela me vien­dra » (1863). Cela ne lui vien­dra pas…

« Dans un seul cas, l’armée peut quel­que­fois faire mieux la police que la police elle-même. C’est dans le cas d’une guerre civile » (1868).

« Tout va bien. Je n’ai pas le temps d’écrire. Nos géné­raux sont des andouilles. Je vous embrasse et je vous aime » (4 août 1870).

« Sacri­fier son devoir de sol­dat à son devoir de citoyen » (dans Metz assié­gée). « Ce qui vous a man­qué, c’est l’intelligence mili­taire […]. La déci­sion et l’audace dont vous étiez rem­pli ont hon­teu­se­ment fait défaut à vos géné­raux : ce sont là pour­tant les vraies qua­li­tés des hommes de guerre.

Je n’ai jamais com­pris, pour moi, ce que vous fai­siez dans votre cabi­net. Napo­léon […] fai­sait la guerre, et vous, vous la lais­sez faire » (à Gambetta).

« Si j’avais eu 3 000 francs lorsque je suis sor­ti de l’École poly­tech­nique, j’aurais ache­té ma vie ailleurs que dans le métier de sol­dat que je déteste aujourd’hui plus que jamais » (14 mars 1871).

« Ins­truit par une dépêche […] qu’il y a deux par­tis en lutte dans le pays, je me range sans hési­ta­tion du côté de celui qui n’a pas signé la paix et qui ne compte pas dans ses rangs de géné­raux cou­pables de capi­tu­la­tions […]. J’ai l’honneur d’être, mon géné­ral, votre très obéis­sant et dévoué ser­vi­teur » (19 mars 1871).

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