Christoph Willibald GLUCK : Orphée et Euridice
Le Mythe d’Orphée a été le thème du premier opéra de l’histoire, au début du XVIIe siècle (laissons les spécialistes se battre pour savoir si c’est l’œuvre de Monteverdi ou de Jacopo Peri qui mérite ce titre).
C’est bien naturel, s’agissant d’un mythe qui raconte, entre autres, le pouvoir de la musique sur les forces de l’enfer.
On a compté, depuis, plus de quarante opéras sur ce thème. Si on fait abstraction de la brillante pochade d’Offenbach, c’est l’œuvre de Gluck qui se partage le firmament avec Monteverdi.
Gluck composa son opéra sur un livret en italien en 1762, puis publia une version en français en 1774. L’orchestration de Berlioz (et la prestation de la cantatrice Pauline Viardot) près de 90 ans après la création contribua à mettre l’œuvre à la mode en France…
« Gluck sait à peu près autant de contrepoint que mon cuisinier » disait Haendel à la fin de sa vie, à l’époque où le jeune Gluck lui faisait de l’ombre à la cour d’Angleterre. La boutade sévère montre bien comment le modernisme de Gluck eut du mal à se faire une place.
Pourtant, Orphée et Eurydice est une œuvre magnifique et variée. Le chaînon manquant entre les opéras de Haendel et Vivaldi et les chefs‑d’œuvre de Mozart.
Cette production filmée en 2011, dans le château XIVe de Paralada au pied des Pyrénées espagnoles, permet de bien réaliser l’apport d’une représentation scénique ou d’un DVD par rapport à un simple enregistrement sonore ou un disque. Ce que l’on voit attire autant l’attention que ce que l’on entend, et on ressort très marqué par une expérience totale, ce qui est très diffèrent d’avoir juste entendu une succession d’airs, de chœurs et de musique de ballet sur un disque.
Il faut dire que c’est l’habitude du collectif La Fura dels Baus de nous proposer des mises en scène et des productions originales, dérangeantes , marquantes. Ici l’orchestre et le chef, costumés comme les chanteurs, sont sur la scène et prennent part à l’action.
Par exemple, ils jouent le rôle des Furies lorsqu’ils tournoient diaboliquement autour d’Orphée à l’entrée des enfers, rendant cette scène très impressionnante. Ou bien ils représentent les ombres du fameux Bal des Ombres.
Il se passe toujours de multiples choses en scène, les yeux étant de plus préemptés par des projections vidéo vivantes et inventives continues. En DVD ou Blu-ray, donc en pouvant voir plusieurs fois la représentation, cette surenchère est bienvenue car on n’est jamais lassé.
Le personnage d’Orphée reste les deux heures de l’opéra, sans entracte, sur la scène. Chanté par une contralto, une mezzo, un contre-ténor ou un haute-contre, c’est naturellement lui qui a les plus beaux airs (dont le célèbre « J’ai perdu mon Eurydice »).
Là il est chanté par la mezzo-soprano géorgienne Anita Rachvelishvili, qui ne cache pas sa féminité (cheveux à la lionne laissés au vent, décolleté plongeant), très original !
Dernière originalité, la scène finale représente bien entendu les retrouvailles d’Orphée et Eurydice, mais aussi l’avènement de la musique comme un art, avec les notations médiévales des notes de musique projetées sur le décor.
Au total, vous l’aurez compris, un DVD très recommandé pour découvrir dans les meilleures conditions le chef‑d’œuvre de Gluck.