Faire entrer la lumière naturelle dans les espaces aveugles
La société ECHY, issue d’un projet scientifique collectif (PSC) de l’École, a été présentée il y a trois ans dans sa phase de recherche. Elle est maintenant dans la phase de lancement industriel de ses produits.
Quel est le métier d’ECHY ?
Chez ECHY, nous nous définissons comme des fournisseurs de confort et de bien-être grâce à la lumière naturelle. Nous apportons les rayons du soleil partout dans le bâtiment et principalement dans les espaces aveugles et mal éclairés.
Nos clients peuvent alors revaloriser ces espaces en leur redonnant vie, tout en profitant des bienfaits de la lumière naturelle. L’objectif de notre éclairage innovant : reconnecter les gens au soleil.
Comment t’est venue l’idée de créer cette société ?
Initialement l’idée vient d’un projet scientifique que l’on a mené à l’X en 2e année avec mon associé Quentin Martin-Laval.
Nous voulions remplacer l’éclairage électrique de plusieurs salles de cours qui étaient sans fenêtre en y apportant la lumière du soleil.
L’opportunité de créer la société s’est vraiment présentée à nous quelques années plus tard, lorsqu’on s’est associés à Stéphanie Le Beuze, au profil plus financier et commercial que nous.
Et c’est en 2012 que nous avons fondé ECHY, au sein de l’École des ponts et chaussées, quelques mois avant notre remise de diplôme.
Comment fait-on pour amener la lumière du soleil partout dans le bâtiment ?
Concrètement, on installe un panneau de capteurs en toiture du bâtiment qui va concentrer les rayons du soleil dans des fibres optiques.
Ensuite ce sont ces fibres optiques qui transportent la lumière naturelle jusqu’aux luminaires qui peuvent être installés partout dans le bâtiment.
Lorsqu’il n’y a plus suffisamment de soleil, un éclairage électrique LED prend automatiquement le relais. C’est le principe de l’éclairage hybride, d’où le nom ECHY. Ce système a l’avantage d’être très performant puisqu’il n’y a pas de conversion d’énergie, la lumière du soleil est simplement concentrée, transportée et diffusée. Tous ses bienfaits sont conservés.
Pourquoi personne n’y a pensé plus tôt ?
“ L’objectif de notre éclairage innovant : reconnecter les gens au soleil ”
Le concept d’utiliser la fibre optique pour transporter les rayons du soleil existe depuis les années 1980. Nous avons repris un concept existant mais peu connu et nous l’avons démocratisé.
Plusieurs solutions existaient mais étaient limitées. Nous avons eu la chance de ne pas les connaître lorsque nous avons commencé, ce qui nous a permis de partir de la feuille blanche.
Avec une nouvelle approche nous avons réussi à lever plusieurs verrous technologiques et à finaliser un produit complètement innovant, pouvant répondre à des applications beaucoup plus larges que ce qui existait jusqu’à présent.
Comment développe-t-on un tel projet ?
Le développement s’est fait par étapes. La première année, nous nous sommes focalisés sur la recherche et le développement. Il fallait valider l’idée et réaliser un premier prototype à montrer. À partir de ce moment-là, et alors que le produit était loin d’être finalisé, nous avons commencé la commercialisation.
Cela nous a permis d’avoir notre première installation dès 2013 et d’évangéliser le marché le plus tôt possible. En dépit de ressources limitées, nous avons mené commercialisation et développement technique de front.
Cela nous a permis de faire évoluer le produit directement à partir des retours utilisateurs et clients. Nous avons multiplié les références et aujourd’hui plus d’une vingtaine de bâtiments sont équipés de notre éclairage hybride. Nous préparons d’ailleurs la sortie de notre nouveau produit en début d’année prochaine, ECLYPSE, qui sera la 4e version de la technologie.
Seuls ou avec des investisseurs ?
Aujourd’hui, plus d’une vingtaine de bâtiments sont équipés de notre éclairage hybride.
Nous avons levé un peu plus de 1,5 M€ depuis la création de l’entreprise, auprès de business angels issus du monde industriel et du secteur du bâtiment. Nous avons couplé ce financement avec plusieurs subventions de la BPI France et de l’UE. Au-delà de l’aspect financier, nos associés nous accompagnent dans nos réflexions stratégiques et nous conseillent régulièrement.
Cela est tout aussi bénéfique à l’entreprise que l’investissement financier d’origine.
Cela passe-t-il par le dépôt de brevets ?
L’innovation est une de nos valeurs fondatrices. Nous avons mis en place une stratégie de propriété industrielle qui favorise d’abord le secret, puis le dépôt de brevets, de manière systématique. Aujourd’hui nous avons un brevet sur notre produit et l’avons étendu à l’international.
Pour notre nouveau produit ECLYPSE, nous envisageons le dépôt de plusieurs nouveaux brevets. Ces dépôts représentent un coût important pour une start-up mais heureusement en France nous sommes fortement incités financièrement grâce au crédit d’impôt recherche.
Les brevets nous permettent de conserver, voire d’accentuer, notre avance sur nos concurrents. Quand nous avons la possibilité de déposer un brevet, nous y allons systématiquement, juste avant la commercialisation du produit.
Et le développement international ?
Nous avons commencé l’international dès 2015, en recensant et contactant l’ensemble des distributeurs potentiels.
Aujourd’hui, nous avons un réseau de distribution international prêt à devenir opérationnel et allons le lancer réellement en début d’année prochaine. Contrairement au développement commercial en France, où nous avons été au contact des premiers clients très en amont, sur l’international nous avons préféré attendre d’avoir fait nos preuves en France et d’avoir finalisé le produit ECLYPSE, standardisé et plug-and- play.
Aujourd’hui, nous nous sentons prêts pour l’export et d’ici cinq ans nous pensons que l’international représentera la majorité de nos installations.
N’est-ce pas un peu original de créer une start-up industrielle ces jours-ci ?
Original, je ne sais pas, plus rare peut-être. Mais il y a quand même de nombreuses start-up industrielles en France, qui proposent des produits très intéressants et innovants. Nous ne sommes pas forcément sur les mêmes échelles de temps ni sur les mêmes besoins en financement que les start-up du numérique.
“ Nous avons mis en place une stratégie de propriété industrielle qui favorise d’abord le secret, puis le dépôt de brevets ”
Mais là où il y a un vrai jalon, c’est sur l’industrialisation, le passage du pilote, fabriqué en quelques dizaines d’unités sur l’année, à la série, avec plusieurs centaines par mois.
Nous avons réussi à appréhender cette phase d’industrialisation en signant un partenariat avec Michelin et en intégrant leur accélérateur industriel. C’est un outil d’accompagnement formidable, qui répond à une vraie problématique qui n’avait pas encore de solution pour les start-up industrielles dans l’écosystème français.
Que t’a apporté ton passage à l’X dans ton rôle d’entrepreneur ?
Mon passage à l’X m’a tout d’abord permis de rencontrer Quentin et de faire naître le projet ECHY. Ensuite nous avons suivi un cours sur la création de start-up technologique. C’est à ce moment-là qu’ECHY est passé d’un projet scientifique à un projet de création de start-up.
Puis nous avons participé au Prix Jean-Louis Gerondeau Zodiac Aerospace et avons été lauréats. Le prix remporté a été notre premier apport financier et a abouti au tout premier prototype.