Pierre Michel (88), le bonheur de l’expression
Communicateur-né, clair et précis, de pensée réfléchie. Au tournant du vingtième siècle, ses arrière-grands-parents, en bons républicains, suivirent l’école normale d’instituteurs. Puis la famille se donna une ascension sociale continue, de milieux modestes vers, d’abord la petite bourgeoisie, puis la bourgeoisie, et à présent, la grande bourgeoisie.
Pierre Michel, grâce tant à sa formation qu’à ses talents personnels et à son travail, représente l’apogée sociale de cette famille.
UNE ENFANCE PARISIENNE
Il eut une enfance parisienne, dans le quinzième arrondissement. L’institutrice d’école primaire, Mme Martel, fut précieuse : « J’étais un enfant très introverti. Elle m’a aidé à m’intégrer dans la classe, de manière subtile. C’était quelqu’un d’une très grande finesse. »
“ Pas eu une seule fois la moyenne en maths ! ”
Ses études secondaires se firent aussi dans le 15e : le lycée Camille-Sée où il entra mérite une monographie, pour son emprise sociologique et pour son excellence.
Il y trouva des enseignants remarquables, s’intéressant à leurs élèves et stimulant leur développement personnel, comme Mme Monique Greiner, agrégée de lettres classiques, son prof de français en seconde ; parfois de façon paradoxale : son prof de maths en terminale le dissuada d’une prépa, ne l’estimant pas de taille à intégrer une grande école ; ce qui au contraire stimula Pierre Michel !
LA DURE LUMIÈRE DE LA PRÉPA
Il migra donc vers le lycée Louis-le-Grand, en classes préparatoires : « J’en garde un souvenir lumineux, j’en ai bavé, c’était dur. Pas une seule fois eu la moyenne en maths. Bien orienté par mes enseignants, en P’, où je me suis complètement épanoui.
Dessin : Laurent SIMON
Un bonheur ! Un choc intellectuel, j’étais très très loin d’être le premier de la classe. J’en retirai néanmoins une exigence, un aiguillon pour la suite.
Ma prof de maths, Mme Danièle Lino, me fit prendre conscience qu’il y avait quelque chose d’important dans ma vie, sut m’instiller l’intérêt pour cette forme de connaissance…
Ne jamais lâcher un objectif, surtout lorsqu’il est difficile à atteindre, savoir reconnaître honnêtement et simplement que l’on s’est trompé pour avoir infiniment plus de force lorsqu’on a raison, apprendre sans relâche et chercher à transmettre, comprendre que l’intellect met du piment dans la vie dès lors qu’il est, à un moment donné, mis au service de l’action. »
LE MONDE DES ASSURANCES
Il intégra l’X en 3⁄2, fit son service national dans l’armée de l’Air, à la base d’une escadrille de reconnaissance à Strasbourg. À la sortie de l’École, son classement lui ouvrait le corps des Ponts ; mais il choisit un corps peu nombreux qui n’existe plus, celui du Contrôle des assurances (fusionné en 2012 avec le corps des Mines).
Il se donna une formation d’actuaire, et obtint de plus les diplômes en économie-finance de Sciences-Po et en actuariat-finance de l’ENSAE.
Il devint en 1993 commissaire contrôleur à la Commission de contrôle des assurances. Puis il fut en 1995 détaché à la Commission européenne, à Bruxelles.
En 1998, il passa dans le privé, choisissant une société internationale de réassurance, PartnerRe, dont il dirigea de 2003 à 2007 la succursale canadienne, à Toronto : « J’étais, pour la première fois, le patron, sans autre patron localement : celui d’une petite entreprise d’une vingtaine de personnes. Le Canada était le plus grand marché en réassurance dommages pour le groupe PartnerRe, en dehors des États-Unis. »
ASSURER LES CATASTROPHES NATURELLES
Revenu en France, il dirigea de 2007 à 2009 le service des catastrophes naturelles de la Caisse centrale de réassurance (CCR). Cet organisme d’État, fondé en 1946, reçut mandat en 1982 de gestion du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles – ou régime cat-nat.
“ Ne jamais lâcher un objectif, surtout s’il est difficile à atteindre ”
Sécheresse et inondation sont les composantes majeures de cat-nat. Les primes atteignaient 1,3 milliard d’euros en 2012, pour des sinistres annuels durant la période 1989- 2012 dans une fourchette de 500 millions à 2,4 milliards d’euros 2012. Les 2,4 milliards relèvent de l’année 2003, du fait de la sécheresse exceptionnelle venue s’ajouter à la sinistralité « ordinaire » des inondations, celles-là ayant un montant annuel d’un milliard d’euros.
La période de retour d’un tel désastre est d’environ vingt ans : les Français en ont surtout retenu la vague de décès de personnes âgées dans les grandes villes. Mais chaleur et sécheresse délitèrent ou détruisirent de nombreuses habitations construites sur des sols argileux, de par l’aptitude des argiles au gonflement-retrait.
Le nombre moyen annuel de sinistres constatés au titre des sécheresses intervenues entre 1989 et 2002 était environ 21 800 ; la sécheresse de 2003 occasionna, à elle seule, 138 000 sinistres. Son coût total s’établit à 1 018 millions d’euros, contre un coût moyen annuel de 205 millions d’euros de 1989 à 2002.
En 2014, Michel fut appelé à la Fédération française des sociétés d’assurances, comme délégué général. En 2016, il entra dans l’équipe de direction du groupe Covéa, dont il est dorénavant (2017) le responsable des activités de réassurance.
Sa devise pourrait être « toujours prêt ». Il donne l’impression d’une rare maîtrise de son parcours, soigneusement fignolé bien à l’avance.