EURAZEO : accélérateur de croissance
Patrick Sayer, pouvez-vous nous expliquer en quelques mots le métier du capital investissement tel que vous le concevez chez Eurazeo ?
Détecter des potentiels de croissance est la première étape de notre métier. Eurazeo investit dans des entreprises évoluant dans des secteurs porteurs bénéficiant de tendances sous-jacentes favorables, mais aussi dans des sociétés dotées d’un potentiel de transformation pour devenir les champions de demain.
Nos équipes sont ensuite aux côtés des entreprises et de leur management en soutien de leur transformation : digitalisation, internationalisation, intégration des pratiques responsables, etc. Actionnaires actifs et responsables, nous activons tous les leviers de croissance financiers et humains nécessaires à l’accélération de la transformation.
Nous avons en effet la conviction que c’est en alliant nos compétences et nos ressources à la vision entrepreneuriale de nos participations que nous pouvons ensemble créer de la valeur dans la durée.
De par son modèle — absence de dette structurelle, ressources propres —, Eurazeo reste maître du timing de cession. Un atout qui lui permet de céder ses participations au moment le plus opportun pour nos actionnaires comme pour nos sociétés.
Être implanté à l’international, c’est une nécessité pour une société de capital investissement comme Eurazeo ?
La mondialisation, qui tient à la rapidité des moyens de transport et de communication, est une tendance absolument irréversible, même si elle peut connaître des paliers. Dans ce cadre, notre objectif à long terme est de mieux équilibrer notre portefeuille entre Europe et États- Unis.
Notre implantation américaine nous permet d’y accompagner les entreprises qui ne veulent plus jouer au « jeu de l’oie » de la construction européenne : « J’essaie l’Italie, puis l’Allemagne, mais si je rate, je recule de deux cases… ».
Elles accèdent ainsi directement à un marché de 325 millions de consommateurs avant d’aborder le reste du monde. Eurazeo est aussi active en Asie et en Amérique du Sud pour accompagner nos entreprises au plus près des grands marchés.
En déployant notre dimension internationale, nous ouvrons le champ des possibles pour les sociétés que nous accompagnons, comme pour nos propres investissements et nos partenariats.
L’INTELLIGENCE
ARTIFICIELLE VA
S’IMPOSER PARTOUT
ET DOIT EFFECTIVEMENT
ÊTRE MAÎTRISÉE
PAR L’INTELLIGENCE
HUMAINE. C’EST DANS
CETTE LOGIQUE AUSSI
QU’EURAZEO INVESTIT
DANS L’ÉDUCATION.
Vous parlez même de capital-investissement « à la française », qui serait un atout aux États-Unis ?
Bien sûr ! Nous apportons à ce marché américain notre pratique du capital long terme et notre vision patrimoniale et familiale, qui est assez unique et qui résonne bien auprès de nombreux entrepreneurs américains. Nous proposons aux entreprises américaines une véritable « green card » vers l’Europe, car les fonds américains installés ici ne se sont pas réellement européanisés.
Et il est impératif pour nos économies du Vieux Continent de soutenir ce modèle du capital-investissement à la française qui permet de recycler des capitaux étrangers au profit du financement de notre économie.
Depuis plusieurs années, le modèle de création de valeur fondé sur la dette n’avait plus de sens pour nous. Nous avons orienté toutes les forces vives d’Eurazeo vers la croissance des entreprises — la détecter, la susciter — et notre nouveau modèle a fait ses preuves. Nous sommes des générateurs de croissance, fortement impliqués aux côtés de nos entreprises.
C’est un engagement économique et politique ?
Parler des entreprises européennes, c’est parler de l’Europe, c’est être acteur de la cité. Je suis européen de culture, mais aussi de circonstance, parce que je vois à quel point les modèles mondiaux — les GAFA et autres WAT (Weibo, Alibaba, Tencent) — écrasent le reste du monde en captant une richesse considérable. C’est un fait.
Et, malgré nos atouts, il n’existe pas une seule plateforme européenne capable de faire jeu égal. Cela provient du fait qu’il existe une collection de marchés nationaux, chacun avec ses réglementations, auxquelles s’ajoute la réglementation européenne. Cela asphyxie la croissance de nos entreprises au lieu de la libérer.
Il est grand temps que cela change. Et comme il n’y a pas de fonds de pension en France, il est évident qu’il faut redonner le goût de l’investissement en capital, comme l’a encore défendu récemment l’AFIC (Association Française des Investisseurs pour la Croissance).
Et par investissement en capital, j’entends l’investissement dans l’intelligence et la technologie qui rendent l’industrie française performante.
Que pensez-vous de l’intelligence artificielle ?
Quel rôle pour les entreprises ?
Les entreprises doivent plus que jamais jouer un rôle de vigie face à des changement s considérables. Les métiers de contrôle vont devenir prédominants.
On invente des systèmes d’information, après cela il faut contrôler les algorithmes, les adapter, protéger les données. C’est un développement semblable à une vague de fond.
Si on voulait prendre un exemple, Europcar, dont nous sommes actionnaires, évolue de façon intéressante. Sa force, c’est l’intelligence constituée en écosystème autour du véhicule. Peu importe si on le conduit ou s’il est autonome, s’il roule ou si, un jour, il vole.
Le service offert, c’est la flexibilité, l’agilité, la simplicité — et bien sûr la sécurité. L’intelligence artificielle va s’imposer partout et doit effectivement être maîtrisée par l’intelligence humaine. C’est dans cette logique aussi qu’Eurazeo investit dans l’éducation.
Vous êtes également un ardent défenseur de la responsabilité sociale des entreprises ?
C’est un sujet majeur. Eurazeo a le temps long dans ses gènes et nous avons une gouvernance responsable qui porte plus qu’un regard sur l’empreinte de nos entreprises dans le monde.
Tout en restant dans notre rôle, nous avons un réel pouvoir et donc le devoir d’agir avec responsabilité dans notre zone d’influence. Depuis dix ans, nous avons renforcé nos engagements pour une activité responsable et durable.
Investisseurs dans l’économie réelle, nous contribuons à une croissance dynamique et positive pour toutes nos parties prenantes. Nous sommes en première ligne pour identifier et réduire les risques liés à nos activités.
Au-delà des mots, les valeurs d’Eurazeo conduisent notre action et celles de chacun de nos collaborateurs. La responsabilité sociétale fait réellement partie de notre business. Nous l’intégrons dans toutes nos décisions, nous la partageons avec chacun dans notre zone d’influence.
Nous avons la conviction que pour créer de la valeur, une entreprise doit être alignée avec les intérêts de la société civile.
Avez-vous un message particulier pour nos étudiants ?
L’avenir de l’humanité passe par les technologies digitales, les mathématiques, la robotique, les nanotechnologies, les biosciences, l’espace, les sciences humaines et cognitives. Et j’en oublie !
Je ne saurai donc que vous inciter à vous engager dans ces voies. Consciente de ces bouleversements, Eurazeo encourage les transformations qui en découlent dans les sociétés dont elle est actionnaire et peut permettre à ceux qui le souhaiteraient d’accompagner des entrepreneurs dans ces domaines.
Par ailleurs, ne soyez pas carriéristes. On ne connaît rien au monde dans 20 ans. Alors, foncez ! Et éclatez-vous !