EDF mise sur la réalité virtuelle et la réalité augmentée
Rappelez-nous les missions de la R&D d’EDF ?
À son arrivée, notre PDG, Jean-Bernard Lévy (73), a souhaité mettre en place un nouveau projet « Cap 2030 », construit autour de plusieurs axes et dont le leitmotiv est « EDF, électricien responsable et performant, champion de la croissance bas carbone ». Parmi ces axes, on retrouve la production d’électricité décarbonnée, une utilisation optimale de la transition numérique dans la relation client et le développement à l’international.
Dans ce contexte, le rôle de la R&D est de casser les verrous scientifiques et techniques pour l’ensemble des divisions opérationnelles d’EDF pour leur faire gagner de la valeur.
Notre R&D est intégrée et transverse au groupe. Nous travaillons pour la production nucléaire, les énergies renouvelables, la commercialisation vers les utilisateurs finaux ou les réseaux de distribution…
Nous éclairons les perspectives offertes par les nouvelles technologies en termes d’applications pour le groupe en collaborant avec les start-ups, les PME, la recherche académique. Nous essayons de construire un écosystème qui peut nous apporter des solutions pour tous les métiers d’EDF.
La réalité virtuelle et la réalité augmentée sont de plus en plus utilisées dans de nombreux secteurs d’activités. Qu’en est-il dans le vôtre ?
Comment vous appropriez-vous ces nouvelles technologies ?
Nous avons assisté au cours des dernières années à de nombreuses ruptures technologiques. Aujourd’hui, la réalité virtuelle et la réalité augmentée se sont largement démocratisées avec l’accès à des périphériques bas coût comme les casques. La réalité virtuelle était traditionnellement utilisée par l’industrie automobile ou aéronautique, dans les phases de conception et de test de nouveaux produits.
Aujourd’hui, les périphériques de réalité virtuelle sont plus compétitifs, permettant d’envisager un usage rentable pour un spectre de cas d’utilisation bien plus large. Il y a également de fortes ruptures technologiques au niveau de la réalité augmentée, avec des produits comme le casque Hololens de Microsoft, qui permet de stabiliser le percept d’objets 3D dans un environnement sans marqueur.
Au niveau de la R&D, notre rôle est donc de faire de la prospection afin d’intégrer ces ruptures et ces technologies pour apporter de la valeur à nos métiers.
Comment cela se traduit-il concrètement ?
Sur le nucléaire, nous avons lancé un projet dès 2013 pour utiliser la réalité virtuelle pour la préparation des opérations de maintenance dans les réacteurs nucléaires, dans le cadre du programme Grand Carénage d’EDF, qui vise à allonger la durée d’exploitation des réacteurs de 40 à 60 ans.
© EDF / ADRIEN DASTE
Les bâtiments réacteurs, dans lesquels se situent les réacteurs nucléaire, sont complexes et difficilement accessibles notamment quand le réacteur est en marche. Les opérations de maintenance des 58 réacteurs français ne peuvent donc se dérouler que durant les phases d’arrêt qui doivent être courtes (un arrêt d’une journée équivaut à une perte d’exploitation d’environ un million d’euros).
Pour faire face à cet enjeu et gagner en fiabilité et en préparation, nous avons numérisé l’intégralité d’un bâtiment réacteur pour nous doter de plans, de photos panoramiques très haute résolution, de scans lasers, soit une véritable maquette numérique à jour, telle que construite, représentative de la réalité du terrain.
À partir de là, nous avons développé une application pour préparer les opérations de maintenance : concrètement, un chargé d’affaires via l’application va pouvoir faire un repérage des lieux, identifier les contraintes spatiales et préparer la logistique associée à son intervention, tout cela en amont de l’arrêt du réacteur pour gagner en agilité et en efficacité. Cette solution et la méthodologie associée sont actuellement déployées sur l’ensemble du parc nucléaire.
© EDF / ADRIEN DASTE
Pour les énergies renouvelables, nous avons développé une application de réalité augmentée pour étudier l’impact visuel des éoliennes onshore et offshore sur un environnement donné en vue des discussions avec les pouvoirs publics, les riverains et toutes les parties prenantes. Ce programme a été mené par notre centre de recherche au Royaume-Uni et a déjà été utilisé pour plusieurs projets.
Pour l’installation des panneaux photovoltaïques chez les particuliers, les commerciaux se déplacent chez les clients pour mesurer le potentiel d’ensoleillement et de production. Dans cette optique, nous avons aussi développé une application qui, à partir de photos de l’installation, va permettre de fournir un potentiel de production, mais également de donner aux clients une visibilité sur le rendu final une fois l’installation achevée. Ici, la réalité augmentée va faciliter et optimiser les démarches de vente.
Enfin, sur le volet commercial, il y a deux ans, nous avons développé un jeu sur smartphone, Cleanopolis, utilisant la réalité virtuelle pour le consommateur final pour promouvoir les gestes citoyens et écologiques.
À travers le nouveau laboratoire ConnexLab, vous travaillez sur l’intégration des initiatives numériques de l’ensemble de la filière nucléaire. Dites-nous-en plus ?
Que ce soit à l’ingénierie, à la production nucléaire ou à la R&D, il est important que nous travaillions, avec l’ensemble de la filière nucléaire. Collaborer avec nos prestataires et partenaires dans les phases de conception de nouveaux réacteurs ou pour les problématiques de conduite ou de maintenance nous permettra d’être bien plus efficaces que si nous fonctionnons en silotage.
Dans cette optique, ConnexLab est une initiative qui vise à ce que de nombreux acteurs de cette filière (SPIE, Areva, Technicatome, Corys, Ansys, …) travaillent ensemble en recherche et développement pour intégrer des innovations de chacun des partenaires dans un continuum numérique. Il sera possible dans ce laboratoire de démontrer la plus-value d’applications de réalité virtuelle ou augmentée dans les phases de conception, de conduite ou de maintenance des réacteurs nucléaires.
Quels sont néanmoins les enjeux qui persistent ?
S’il est facile de faire des preuves de concept en réalité virtuelle ou en réalité augmentée, il est bien plus complexe d’obtenir des gains métiers généralisés. Il y a, en effet, des verrous techniques au passage à l’échelle industrielle. À cela s’ajoute la nécessité d’intégrer les applications dans des systèmes d’information qui n’ont pas été conçus et pensés pour ce type d’usages (en mobilité par exemple).
Enfin, il y a aussi un challenge organisationnel et de conduite du changement pour venir intégrer ces nouvelles technologies dans des processus d’ingénierie et de production.
LA R&D D’EDF EN BREF
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9 sites, dont 3 en région parisienne — Saclay, Chatou et Les Renardières.
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2 000 chercheurs avec pour principales missions de contribuer à l’amélioration de la performance des unités opérationnelles du Groupe EDF, d’identifier et de préparer les relais de croissance à moyen et longs termes.
Vos perspectives ?
Sur un certain nombre de sujets, nous en sommes encore à l’étape de preuve de concept. Par exemple, sur le casque de réalité augmentée Hololens développé avec Microsoft, nous essayons de lever tous les verrous scientifiques, technologiques et organisationnels pour démontrer que son utilisation peut être généralisée, avec retour sur investissement positif, par exemple en formation ou en entraînement.