Dominique MOYEN (57), l’homme qui plantait des arbres
Pour que le caractère d’un être humain dévoile des qualités vraiment exceptionnelles, il faut avoir la bonne fortune de pouvoir observer son action pendant de longues années. Si cette action est dépouillée de tout égoïsme, si l’idée qui la dirige est d’une générosité sans exemple, s’il est absolument certain qu’elle n’a cherché de récompense nulle part et qu’au surplus elle ait laissé sur le monde des marques visibles, on est alors, sans risque d’erreurs, devant un caractère inoubliable. »
C’est ainsi que Jean Giono commence son célèbre récit L’homme qui plantait des arbres. J’ai connu pour ma part deux camarades qui, en plus d’une rare intelligence, atteignaient ce niveau de dévouement. Ce sont Dominique Moyen, qui vient de nous quitter, et Yves Martin, disparu il y a quelques années, que je me permets d’associer à son nom.
En effet, ils ont ensemble défini et mis en œuvre une politique de l’eau, celle des agences de bassin qui, de française, est en train de devenir un modèle mondial.
LA LOI SUR L’EAU
À partir de 1966, pendant une dizaine d’années, Dominique Moyen a piloté au niveau national la mise en place de la loi sur l’eau, pendant qu’Yves Martin créait la première agence de bassin, l’agence « Artois Picardie ».
Malgré les réticences des industriels devant cette nouvelle forme de parafiscalité, ils ont tenu bon et nous pouvons constater, un demi-siècle plus tard, que cette nouvelle forme de gouvernance, est très exactement ajustée au problème à résoudre, à savoir la bonne gestion des cours d’eau, une question qui concerne tous les continents.
On sait maintenant que la construction d’agences transnationales est une nécessité, mais que la négociation de leur construction prend du temps. Dominique Moyen l’avait prévu. « L’homme qui plantait des arbres » travaille pour l’avenir, conscient qu’il ne sera plus là lorsque les germes qu’il a plantés donneront tous leurs fruits.
FORUM SOCIAL
Depuis la création de cette rubrique dans La Jaune et la Rouge en 2001, Dominique en a été un des plus constants soutiens, par ses articles, ses propositions et sa participation au groupe qui pilote la rubrique.
VINGT ANS À LA TÊTE DE L’INRS
En 1976, les six agences de bassin françaises étant devenues opérationnelles, Dominique Moyen prit la direction de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) chargé de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, une fonction qu’il a exercée pendant près de vingt ans.
Passionné par les questions d’enseignement, il a été parallèlement président du conseil d’administration de l’École des mines de Saint-Étienne de 1991 à 1998.
AU SECOURS DES SDF
Bien qu’il évitât d’importuner ses amis avec des démonstrations de foi, il était profondément chrétien. Porter secours à ceux que la vie a blessés était pour lui une vocation, ce qui l’a amené à devenir, de 1987 à 1995, président de l’Union centrale de communautés Emmaüs.
Je me souviens d’un soir où il a évoqué entre amis une question difficile : « Il y a des SDF qui meurent dans la rue, comment leur donner une sépulture ? » Il posait là une vraie question. Il s’agissait pour lui, non seulement de trouver une réponse, mais aussi de passer à l’action. L’absence de sépulture était intolérable. Il a fait en sorte que les SDF en aient une…
Homme d’une grande culture, amateur de poésie, philosophe, Dominique Moyen paraissait venir d’un autre monde, dans une société mue par les ambitions personnelles.
Souvent, à dîner, il se levait de table et allait, dans la pièce à côté, un bureau transformé en bibliothèque avec des livres jusqu’au plafond, pour chercher la citation illustrant le mieux sa pensée du moment.
C’est le dernier souvenir que je garderai de « l’homme qui plantait des arbres ». Il a maintenant quitté notre monde, mais il restera toujours présent dans nos mémoires.
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Condoléances
Dom Moyen était mon crotale en première année d’X, je garde de lui le souvenir d’un homme affable et attentionné, capable d’une énorme somme de travail.
Je tiens à transmettre à tous ses proches les sentiments de compassion de ma part ainsi que de la part des autres membres du casert.
Les années passent …
Francis Soulié de Morant (57)