Éducation tropicale
J’ai attaqué ce livre avec appétit. Il déroulait son histoire dans une région, les côtes de l’Afrique de l’Est, que j’ai moi-même parcourue
Il évoquait par là même des souvenirs de lectures – Rimbaud, Conrad, Monfreid, Kessel, Nizan – et des souvenirs tout court.
Je m’attendais à un récit : celui d’un jeune polytechnicien tout juste sorti de l’École, qui avait la chance, malgré la disparition du service militaire, d’aller sur un gros bateau de la Marine découvrir des mondes inconnus.
Je m’attendais à des descriptions, elles existent. J’ai découvert surtout, avec le plus grand plaisir, des sensations.
Comment parler en effet de Djibouti, des côtes somaliennes, de Zanzibar, des îles éparses, sans évoquer les brûlures du soleil sur la mer et les sols brûlés de la terre, la vie dangereuse des hommes qui s’aventurent sur la mer, la vie parfois impossible de ceux qui essaient de survivre sur la terre !
Le livre a cependant une trame, dont on ne sait si, pour l’auteur, elle est essentielle ou dissimulée par pudeur, dispersée qu’elle est entre les chapitres.
La trame pourrait être cette aventure avortée de ces cinq jeunes Somaliens, devenus pirates dans l’espoir d’improbables rançons qui les aideraient à vivre, eux et leurs familles aussi : « La sagesse qui s’enseigne dans nos nations ne comprend pas que des hommes agissent ainsi. C’est que la sagesse ignore la faim. »
Un livre écrit pour « figer des sentiments que je me refuse de voir mourir ». Un livre qui souligne la beauté inhumaine du monde. Un livre à lire pour s’évader aussi.