Quatre tonnes pour compter les atomes
La machine est tapie dans un couloir anonyme de l’aile 4 du campus de Palaiseau. Et ses 4 tonnes ont nécessité d’infinies précautions pour l’installer sur une double dalle de 60 cm d’épaisseur, à l’abri de toutes les vibrations. Une panoplie de boucles magnétiques la préserve d’émissions parasites.
Les chercheurs familiers des microscopes électroniques auront reconnu tout de suite la colonne centrale qui permet, grâce à un accélérateur d’électrons de 300 keV et un ensemble de lentilles magnétiques, de bombarder la cible et de corriger les aberrations sphériques de l’image en 3D.
Là où les choses se compliquent, c’est avec l’adjonction de buses latérales qui envoient un flux d’atomes ou de radicaux sur la cible, qui est filmée avec une résolution de 0,1 nm à 4 images par seconde.
Le résultat est spectaculaire : on peut regarder l’empilement progressif des couches d’atomes qui s’ordonnent en nanofils ou en nanotubes, alors que jusqu’à présent personne n’avait jamais observé à l’échelle atomique ce qui se passe lors de l’épitaxie par jets moléculaires. Suivant l’incidence du jet sur la bulle de catalyseur, les polytypes fabriqués sont par exemple (pour les connaisseurs) de type 2H ou 3C.
Les fabricants de nanostructures verront immédiatement l’intérêt de connaître ainsi l’intimité de l’ordonnancement spatial des atomes de carbone, de silicium ou de germanium, et de comprendre ainsi les raisons de l’apparition des défauts.
Une étape supplémentaire sera franchie avec l’acquisition prochaine d’une caméra ultrarapide de 1 600 images par seconde qui permettra, probablement, d’analyser le processus de passage de la surfusion à la cristallisation. Disons-le fièrement : le monstre est unique au monde.
L’acquisition et la mise au point (4 M€) sont financées dans le cadre d’Equipex, et ce n’est pas par hasard qu’elles aient été confiées au LPICM (Laboratoire de physique des interfaces et des couches minces) de l’École polytechnique, qui est à l’origine de tant d’innovations dans le domaine de cellules photovoltaïques et des batteries. Cent dix chercheurs de vingt-deux nationalités différentes (dont seulement quarante-trois permanents) s’y affairent, et une dizaine de labos étrangers attendent patiemment les dernières mises au point, pour venir y mener leurs propres expériences.
Un grand merci à Jean-Luc Maurice et à Ileana Florea, pour avoir guidé le groupe X‑Recherche et partagé leur enthousiasme.
La visite de NanoMax était la troisième étape du cycle de visites des labos de l’X organisée par le groupe, après celles d’Apollon
à L’Orme des Merisiers et du Laboratoire de météorologie dynamique à Palaiseau.