À Fos-sur-Mer, l’État engagé au plus près des entreprises industrielles
Sous l’égide du préfet, la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) via le service économique de l’État en région (SEER) soutient le processus de réindustrialisation et de transition environnementale en facilitant une coopération inédite avec les collectivités locales. Atteindre l’objectif « net zéro 2050 » tout en catalysant l’essor de l’industrie verte demande de parvenir à des compromis difficiles, rendus possibles par la coconstruction avec les acteurs locaux, en complément de l’action de l’État auprès des TPE, PME et ETI industrielles et innovantes.
Fière de ses 250 jours de vent à l’année, la ville de Fos-sur-Mer compte parmi les rives les plus venteuses de France. Tous les week-ends ou presque s’y mêlent joyeusement débutants et confirmés de sports nautiques. Tout juste arrivé à Marseille, le kite gonflé de Mistral et le surf à la main, c’est ainsi que je m’élançai de la plage Napoléon, comme un clin d’œil aux années polytechniciennes qui me menèrent jusque-là. Ce faisant et sans m’en douter, je naviguais pour la première fois dans la politique industrielle provençale et nationale.
Le cas de Fos-sur-Mer
Le golfe de Fos-sur-Mer se situe de fait à la confluence entre l’industrie d’hier et celle de demain, des raffineries pétrochimiques aux
gigantesques projets de production de panneaux photovoltaïques, des hauts-fourneaux emblématiques à la production de fer réduit à l’hydrogène renouvelable, des darses artificialisées du grand port maritime depuis les années soixante à la richesse millénaire et fragile de la Camargue. La zone de Fos allant jusqu’à l’étang de Berre, et plus largement la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, connaissent un vent de réindustrialisation et de transition inédit. Avec plus de 40 % des efforts à consentir, l’industrie constitue le premier poste de réduction des émissions régionales de gaz à effet de serre, loin devant les transports. En réponse, 20 milliards d’investissement privés et publics sont attendus pour la seule zone de Fos-Berre dans les dix ans qui viennent, avec 10 000 emplois à la clé. Autant de familles à loger, à soigner, et d’enfants à éduquer.
Travailler en mode projet
Pour accompagner ce mouvement, l’État territorial et les collectivités locales s’organisent. L’objectif est d’abord de réunir autour de la table du sous-préfet d’Istres et du commissaire à la réindustrialisation une multitude de directions, d’opérateurs et de collectivités aux compétences variées – développement économique, développement portuaire, emploi, formation, protection de l’environnement, risques technologiques, aménagement du territoire, logement, mobilité, eau, énergie, raccordements électriques, etc. – et quelquefois antagonistes, habitués à conduire entre les glissières sécurisantes de leurs hiérarchies. Nos organisations sont calibrées pour assurer des missions de service public claires et cadrées, mais les moyens d’assurer véritablement la transition industrielle du territoire restent à définir. Tous les acteurs détiennent une partie de la vérité. Dès lors, résoudre le puzzle nécessite de travailler en quasi-mode projet dans les équipes, d’itérer, d’échouer et de recommencer, tout en partageant de l’information de manière horizontale sans trahir ses « verticales » respectives.
Une collaboration exemplaire
C’est dans cet esprit que, à l’initiative du préfet de région, le préfet des Bouches-du-Rhône, le président du conseil régional et la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence ont accepté le principe d’une cogouvernance avec l’État dédiée à la réindustrialisation du bassin de Fos-Berre. Cette collaboration est rendue possible grâce aux relations saines et productives entre l’État et les collectivités locales en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Tous les acteurs se réunissent mensuellement à l’occasion de comités opérationnels dédiés au suivi des projets industriels en cours, à la fois de transition et d’implantation, afin de partager un même niveau de données et de résoudre les problèmes des porteurs de manière plus efficace et intégrée.
“Un niveau de coopération entre acteurs locaux sans précédent.”
Finis les douze travaux d’Astérix ou les renvois en boucle d’un service à l’autre. En parallèle, des groupes de travail échangent en vue d’établir une feuille de route commune détaillant les conditions sine qua non de réussite de la transition industrielle de la zone, à l’horizon 2030 d’abord, puis de manière prospective pour 2040 et 2050. D’aucuns y liront une nouvelle couche d’organisation pour répondre aux problèmes d’organisation. Néanmoins, cette usine à biogaz administrative est la chaperonne qui permet un niveau de coopération entre acteurs locaux sans précédent. Elle nous donne les moyens, pour la première fois, de ne pas subir, mais de choisir l’industrie que l’on veut.
Objectif « net zéro »
Car les voies pour parvenir au « net zéro » en 2050 sont multiples et relèvent de réels choix de société. C’est ce que nous rappelle l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) au moyen de ses quatre scénarios, synthèses des possibles entre frugalité et technosolutionnisme. Garantir l’acceptation de la population, c’est la raison d’être d’autorités telles que la Commission nationale du débat public (CNDP) ou d’initiatives plus locales telles que le Lab territorial de Fos.
Cette mission se révèle ardue à l’heure où la suppression des impôts de production au bénéfice des collectivités réduit les incitations des populations et des élus à accueillir des industries. Les concertations s’accumulent au risque de saturer le public et de polariser le débat. Démontrer que les retombées indirectes en matière d’emploi et de niveau de vie compenseront à terme les nuisances directes et immédiates d’une usine donnée ne suffit pas. Il faut en revenir au projet de société plus global qui nous est proposé et que nous tâchons de décliner sur notre territoire : l’industrie pour la transition environnementale et la souveraineté.
Rendre l’industrie désirable
Mais jusqu’où sommes-nous prêts à aller ? L’exemple récent des réunions publiques relatives au projet de ligne électrique 400 kilovolts reliant Jonquières-Saint-Vincent à Fos-sur-Mer projette la question au centre de l’agora provençale. La région, déjà importatrice nette d’électricité, doit doubler sa puissance électrique raccordée au réseau afin de permettre la décarbonation de la zone de Fos-Berre, ainsi que le développement des nouveaux projets d’industrie verte.
Sans cette ligne électrique nouvelle, la transition ne se fera pas. Les emplois industriels existants en région seront menacés. Mais cette ligne mobilise contre elle en plein cœur de la Camargue. C’est là un véritable dilemme du tramway à la Philippa Foot qui nous pousse à choisir entre biodiversité et décarbonation, entre tourisme arlésien et industrie fosséenne, le tout alors que le wagon en tête de la compétition internationale pour l’industrie ne s’arrêtera pas.
La transition sera le résultat de compromis difficiles qui nécessitent du courage politique et administratif. Le retour des luddistes nous guette. Dès lors, charge à nous de sortir le débat de la caricature et de montrer qu’une synergie entre écologie et économie est possible dans l’industrie. Rendre l’industrie désirable, c’est l’un des enjeux du plaidoyer « Provence : Fabrique des Possibles » lancé en octobre 2024 par un collectif de 100 dirigeants industriels du pourtour de l’étang de Berre. État, collectivités, industriels : nous poussons tous pour « faire de la Provence un territoire leader de la décarbonation » au profit de sa population.
L’action de l’État en région
Cet enjeu ne se cantonne pas aux projets emblématiques de notre zone industrialo-portuaire. Partout en région, le vent de l’industrie se lève et rencontre parfois des obstacles légitimes. Au-delà des grands projets de réindustrialisation et de décarbonation, l’État territorial s’évertue à accompagner les TPE, PME et ETI qui maillent la voile diffuse de l’industrie, sans laquelle la transition n’aurait pas de quoi décoller. C’est le sens du dispositif « ETIncelles », qui vise à proposer une action dédiée des services économiques de l’État en région (SEER) en faveur de PME à forte croissance, afin de les aider à passer le cap de la taille critique. C’est aussi la mission des commissaires aux restructurations et prévention des difficultés des entreprises (CRP) au sein des SEER, qui œuvrent par exemple pour soutenir sur le terrain les PME et ETI industrielles mises en difficulté par la hausse récente des coûts de l’énergie.
Une communauté de fonctionnaires dévoués
Soutenir le développement économique de l’industrie au sein de l’État en région, c’est choisir d’apprendre au quotidien auprès d’agents amoureux de leur territoire, agissant au service du public, des industriels et des entrepreneurs, tels des traducteurs aguerris du jargon administratif. C’est aussi aider au dernier kilomètre des parfaites politiques publiques lorsqu’elles vivent mal le passage du périphérique. C’est enfin faire partie d’une communauté de fonctionnaires, parfois eux aussi épris de kitesurf, qui naviguent dans des réalités territoriales différentes et partagent avec amitié leurs apprentissages, chutes et envols.