À la recherche de Dieu, l’approche d’un physicien
À la fin des voyages initiatiques au pays de la physique moderne qui étaient le sujet de son livre Les nouvelles fonctions de la connaissance publié en 1993, André Rousset laissait deviner qu’il envisageait d’aller encore plus loin dans sa recherche, au-delà de la connaissance elle-même.
Voici donc un nouveau livre À la recherche de Dieu, l’approche d’un physicien publié par ce physicien athée qui, avec ses remarquables talents de vulgarisation, n’hésite pas à poser d’entrée de jeu la grande question : l’existence de Dieu est-elle compatible avec la physique ? L’auteur répond catégoriquement par la négative puisque n’ayant pas trouvé le Dieu-créateur au fond des trous noirs, il ne légitime pas davantage le Dieu-amour comme fondement de la morale.
La démonstration est brillante et nourrie. Est-elle pour autant convaincante ?
La quête du Dieu-créateur est le domaine sur lequel un spécialiste de physique moderne peut apporter un éclairage nouveau à l’éternel débat entre la Science et l’Église dans lequel tout le monde sait depuis Galilée que l’Église n’a pas toujours tenu le beau rôle.
Effectivement, André Rousset n’a aucune peine à nous convaincre que la Bible n’est pas un texte scientifique, comme pouvait l’être le mémoire d’Einstein fondant la théorie de la relativité. La Bible est un livre historique – dont l’archéologie moderne a d’ailleurs corroboré bien des péripéties – et aussi un livre symbolique que l’Église a eu tort de prendre à la lettre pendant aussi longtemps.
Après tout, Cuvier croyait encore – en s’appuyant sur la Genèse – que le monde n’avait que 4 000 ans. Lord Kelvin à la fin du XIXe siècle a été le premier à parler en millions d’années et il a fallu l’invention de la radioactivité et cinquante ans d’efforts scientifiques pour remettre à l’heure la pendule de notre planète qui avoue maintenant 4,6 milliards d’années.
Là où la démonstration d’André Rousset est contestable c’est lorsqu’il pense que la science – c’està- dire pour lui la seule physique – suffit à expliquer le comment et le pourquoi du Monde du seul fait que quatre forces fondamentales suffisent à expliquer toute la physique. Il n’y aurait donc plus besoin d’un créateur. La physique expliquant comment les électrons se frayent un chemin dans l’enchevêtrement des atomes (p. 35), expliquerait donc aussi pourquoi il existe une loi d’Ohm.
Mais l’auteur s’est-il demandé pourquoi pour bâtir ses théories, le physicien a besoin de principes fondamentaux, c’est-à-dire d’affirmations non démontrées (p. 55) et de huit constantes fondamentales (p. 105). L’existence d’un nombre limité de lois et de forces pour comprendre l’ensemble de la physique permetelle de savoir pourquoi ces lois existent ? L’univers flou quantique permet-il de régler définitivement le débat classique entre le déterminisme et le libre arbitre ?
Certes, la science et la technique n’ont été données qu’à l’homme (p. 73). Mais n’est-ce pas parce que lui seul était doté d’une pensée, d’une conscience et d’une intelligence ? Pour l’auteur au contraire, l’animal évolué que nous sommes n’a qu’à s’incliner sur l’autel de la rationalité devant la Science qui explique à elle seule le Monde, son passé et sans doute son avenir.
“ Le vide du physicien étant rempli d’un bouillonnement aléatoire de particules virtuelles (p. 94), une fluctuation plus importante, d’une durée très courte, peut conduire au Big Bang ” et créer ainsi l’Univers et toute son histoire “ à partir de rien ”… et nul besoin de Dieu pour cela. “ L’arbitre suprême n’a plus rien à arbitrer ” (p. 115). N’est-ce pas là une affirmation quelque peu arbitraire ?
Dans la deuxième partie de son livre, l’auteur tente ensuite de nous prouver que le Dieu-amour ne serait qu’une pure invention de l’homme, dont d’ailleurs celui-ci n’aurait pas besoin. Se transformant en philosophe, le physicien André Rousset démontre – ce qui est facile – que les religions ont engendré des monuments d’intolérances et d’horreurs. Il essaye aussi de prouver – ce qui est beaucoup plus contestable – qu’un fondement purement scientifique de la morale universelle est tout à fait possible.
D’autres s’y sont essayés avant lui. Richard Dawkins, avec sa théorie du gène égoïste (non reprise par André Rousset) ne va pas aussi loin mais il explique aussi que la Nature, inaccessible à la pitié, n’a pas eu besoin de grand horloger pour en assembler les rouages complexes. Jacques Monod prétendait pour sa part retrouver le socialisme à partir de l’ADN.
Pourtant, de nombreux scientifiques n’ont pas cru pouvoir tout expliquer à partir de la science seule. Le pourquoi de l’organisation du Monde et son infinie complexité demeurent pour eux des mystères. Au-delà des religions établies, la gnose de Princeton, par exemple, traduisait ces interrogations fondamentales.
Sans doute la raison et la science ne parviendront-elles jamais à convaincre tous les hommes qu’ils n’ont pas d’âme. Le mérite d’André Rousset est d’avoir contribué à alimenter ce débat sur Dieu dont l’existence, par essence transcendante, ne pourra jamais être prouvée ni infirmée par des méthodes scientifiques pour la seule raison que cette question échappe au domaine de la science.
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N.D.L.R. : nous ne pensons pas que la recension par Maurice Allègre de l’ouvrage d’André Rousset soit en contradiction avec les statuts de l’A.X. excluant de son activité les discussions politiques ou religieuses. Mais bien entendu nous ne formulerons aucun avis à propos de ce livre et encore moins du sujet traité. Nous estimons d’ailleurs que La Jaune et la Rouge se doit de citer les livres édités par nos camarades sans exclure de sujet ni pratiquer de sélection ou de censure, les auteurs étant censés assumer leurs responsabilités.