À LA RECHERCHE DE L’INTÉRÊT EUROPÉEN
Confrontations Europe, Association fondée par Philippe Herzog et Claude Fischer en 1992 avec le soutien d’un grand nombre de leaders économiques, politiques et syndicaux, occupe actuellement une place importante et originale parmi les think tanks (cercles de réflexion et d’influence) européens. Cela tient bien sûr au rôle très actif de parlementaire européen joué par Philippe Herzog entre 1989 et 2004 mais aussi à l’accent mis sur la société civile et l’économie en Europe plutôt que sur les questions proprement politiques qui ont si souvent la priorité dans le débat sur l’Europe, au moins en France.
Parmi les nombreuses publications de l’Association, l’ouvrage d’aujourd’hui se distingue par son ampleur et sa profondeur ( www.confrontations.org). Il réunit 18 contributions d’experts incontestables venant d’horizons très divers à propos d’une question fondamentale, malheureusement trop négligée : l’Union européenne a‑t-elle des intérêts communs qui surplombent les intérêts de ses composantes et en particulier des pays membres ? Comment définir l’intérêt européen ? Que cette question ne soit pas prioritaire en ces temps de mondialisation accélérée est un témoignage ironique de l’introversion du processus et des acteurs de la construction européenne.
Confrontations y a consacré une année d’efforts dans des réunions où chacun des contributeurs (et quelques autres) vinrent présenter leurs vues et débattre avec les membres de l’Association. Je n’ai pu participer personnellement qu’à un petit nombre de ses réunions mais garde un vif souvenir des conclusions vigoureuses d’Aglietta sur le retard de croissance de l’Europe aujourd’hui et à venir, la « grande misère des politiques économiques en Europe » et l’incohérence entre, par exemple, la gouvernance du FMI et l’existence de l’euro. Et aussi la conférence de Nick Butler, président du Centre for European Reform et du Centre d’études sur l’énergie de Cambridge, affirmant la nécessité et la possibilité d’une politique européenne de l’énergie considérant comme un acteur unique dans ce domaine l’ensemble de l’économie des Vingt-sept.
Le livre contient d’autres pépites de ce genre. Au risque d’être injuste citons seulement quelques-unes d’entre elles, avec une citation qui vous donne envie de les lire.
Jean Pisani- Ferry dans « Portrait de l’Union en acteur global » : « Réinventer l’Union comme acteur de la mondialisation est à la fois inévitable, pertinent et hasardeux. »
Nicolas Véron dans « Vers un nouvel agenda européen pour la régulation financière », thème d’actualité s’il en est : « Dans les 24 lignes directrices de la stratégie de Lisbonne pas une seule n’est spécifiquement consacrée aux services financiers. »
Pour Jérôme Vignon dans « Après Lisbonne, encore Lisbonne ?» : « Un comité stratégique européen serait instauré dans chaque État membre » pour éviter de cantonner à des cercles trop limités la conception et le suivi de la stratégie européenne post- Lisbonne.
Philippe Herzog introduit la réflexion d’ensemble en proposant, sur le modèle de l’Acte unique qui, en 1986, lança le chantier du marché unique, un nouvel Acte unique qui spécifie les domaines et les modalités d’un repositionnement de l’Union comme acteur global.