A Man / Pauvres créatures / May December / Le dernier des juifs / la tête froide
Tandis qu’Yvan Attal (Un coup de dés – 1 h 25) ratait absolument son affaire, Dominique Abel et Fiona Gordon (L’Étoile filante – 1 h 38) tissaient un trop abscons délire pour initiés et Quentin Dupieux (Daaaaaalí ! – 1 h 18) nous faisait un sympathique mais très « dispensable » clin d’œil. En restaient cinq sur le plateau.
A Man
Réalisateur : Kei Ishikawa – 2 h 01
Inattendu et fascinant. La lente, prenante, passionnante mise en place d’une intrigue qui évolue du gentil mélo à l’enquête déroutante et à l’introspection déstabilisante. L’atmosphère asiatique installe son exotisme toujours surprenant fait de courtoisie exquise, de délicatesse, de retenue. La toile d’araignée des hypothèses surprend par la découverte progressive de sa complexité. De délicats acteurs y plient soigneusement leurs interrogations intimes aux exigences de la retenue. On est tout du long sous le charme. Un étonnant et magnifique entrelacs de riches questionnements.
Pauvres créatures
Réalisateur : Yórgos Lánthimos
– 2 h 21
Sacrée gageure que ce spectacle plein de références et de folie. On a lu : « Entre Frankenstein et Alice au pays des merveilles. » OK pour Frankenstein, mais pour Alice c’est plutôt « Alice au lupanar ». Dans cette histoire étourdissante de découverte du monde, de ses codes, de son corps, de sa sexualité à libérer, par une femme réellement enfant – puisque dotée pour retrouver la vie du cerveau de celui qu’enceinte elle portait au jour de son suicide – qui a tout à réapprendre, l’importance du volet sexuel envahit la démarche d’une façon qui mérite la discussion. Tout est kitsch, baroque, exacerbé et impressionnant. Désinhibée, mue par ses seules curiosités pulsionnelles, décidée à tout expérimenter, Emma Stone pulvérise les obstacles, redressant in extremis la situation dans une pirouette d’un absurde libérateur. Ce serait une erreur de rater ce film surréaliste, délirant et extraordinaire… qu’on craint de conseiller !
May December
Réalisateur : Todd Haynes – 1 h 53
May-December, c’est l’étiquette anglo-saxonne des couples à forte différence d’âge. Le fait divers, réel, est hors norme. Elle est d’abord son professeur, elle a trente-quatre ans, il est son élève, elle est mariée, quatre enfants, il est en cinquième et ils sont amants. Elle purgera sept ans de prison, concevra avec lui deux autres enfants qui naîtront en captivité, ils se marieront à sa sortie avant de divorcer douze ans plus tard. Elle mourra d’un cancer à cinquante-huit ans. Sur ce canevas, Todd Haynes bâtit un film lent, bien ficelé… qui ne décolle guère. L’éclairage psychologique est faible, le malaise palpable, la tension constante, la vérité incertaine, le mystère des comportements entier, les ressorts non élucidés. Il n’y a là que des victimes. Julianne Moore assume courageusement l’âge de son personnage. Natalie Portman doit l’incarner, film dans le film, telle que vingt ans auparavant. Deux grands numéros d’actrice. Au milieu, un personnage masculin, homme-objet perdu, dépassé. La critique n’a pas relevé les similitudes factuelles de départ avec une situation française bien connue. Tabou ?
Le dernier des juifs
Réalisateur : Noé Debré – 1 h 30
Un postado immature et lunaire, juif qui est aussi peu concerné que possible mais qui se laisse ballotter au gré du vent et des traditions. Sa mère malade et plus casher. Une existence étroite du côté de Sarcelles (?) dans le délitement de leur petite communauté. Il faudrait partir. Le multi-culturalisme est là, avec les voisins noirs et arabes et le tranquille chahut des proximités tolérantes dans une teinture de racisme bienveillant, à quelques dérapages près… Osera-t-on dire que c’est un film plein d’idées, de bonnes intentions, de fines observa-tions, de microscènes teintées d’humour, de poésie, de mélancolie, riche de brèves notations iconoclastes, bien joué et finalement… un peu ennuyeux ? Curieuse impression.
La tête froide
Réalisateur : Stéphane Marchetti – 1 h 32
Tous les ingrédients sont là, mais la recette est trop incertaine, avec
des imprécisions, des lacunes et quelques illogismes. Cette jeune femme encombrée de problèmes, qui
peine à gérer les suites de précédentes in-conséquences amoureuses, qui vivote dans un mobile home entre un job de barmaid et, avec l’aide d’un flic local, une contrebande de cigarettes à la frontière italienne, que le hasard et le besoin précipitent dans un trafic de migrants à la petite semaine, pouvait attacher et convaincre et commence d’ailleurs par le faire. Mais les faiblesses scénaristiques (flic falot, péripéties glissées sous le tapis…) pénalisent la rigueur du récit et conduisent à un pseudo-happy end boiteux. Dommage. On y était presque.