« À Polytechnique on apprend à apprendre »
Entretien avec Joël Barre (74), Délégué Général pour l’Armement. Il revient pour nous sur ses fonctions, sa formation à l’École polytechnique et les perspectives de carrière que peut offrir le secteur de l’armement.
Vous avez réalisé l’intégralité de votre carrière dans le domaine de l’armement et de la défense. Comment avez-vous vu évoluer ce secteur ?
Il y a, d’abord, l’évolution du contexte géostratégique. J’ai rejoint la Direction Générale de l’Armement (DGA) en pleine guerre froide. J’ai ensuite connu la chute du mur de Berlin et de l’URSS. À ce moment-là, beaucoup ont dit que nous allions enfin toucher « les dividendes de la paix », alors que pour d’autres, c’était tout simplement « la fin de l’histoire » avec la victoire du modèle démocratique à l’Occidental, tel que nous le connaissons en France.
Aujourd’hui, le contexte est de nouveau menaçant avec l’apparition et le développement du terrorisme, le retour aux stratégies de puissance dans certains pays, l’émergence de nouveaux champs de conflictualité comme la cyber sécurité ou encore l’espace, qui fera à l’avenir sans aucun doute l’objet de tentatives de confrontation.
En parallèle, nous avons assisté à une prise de conscience de la nécessité d’avoir une Europe de la défense et une autonomie stratégique. Cette idée pénètre non seulement les esprits, mais aussi les actes de nos partenaires européens comme l’illustre la coopération européenne dans le domaine de l’armement, qui s’élargit et se généralise notamment dans le cadre de la loi sur la programmation militaire et l’Initiative Européenne d’Intervention initiée en 2017 par le président de la République afin de bâtir une culture stratégique européenne commune. L’Europe communautaire a commencé à réfléchir à la question et a proposé un fonds européen de défense dans l’agenda 2021.
Aujourd’hui, les nouvelles technologies comme l’IA ouvrent de nouvelles perspectives. Quel regard portez-vous ce sujet ?
Il est évident que la supériorité technologique est nécessaire pour avoir une supériorité opérationnelle des armées. Plus que jamais, dans le contexte actuel, il est indispensable de maintenir une supériorité technologique qui est notamment définie dans la loi de programmation militaire afin de garantir la capacité d’intervention et d’opération des armées. Nous avons assisté au cours des dernières années à une accélération significative de l’évolution technologique, permise notamment par les technologies civiles dans le domaine du numérique, de la robotique, de l’intelligence artificielle.
C’est une tendance nouvelle que nous ne connaissions pas. L’intelligence artificielle est un excellent exemple. C’est un facteur d’augmentation de l’efficacité de nos systèmes d’armes : elle va par exemple faciliter le pilotage des avions de combat, le déroulement des manœuvres terrestres, le traitement des données issues de nos outils de renseignements. Nous travaillons sur toutes ces pistes afin de les implémenter dans les systèmes d’armes que nous livrons à nos armées.
Ancien X, que retenez-vous de votre formation à l’École polytechnique ?
La qualité et la richesse de l’enseignement que nous connaissons à l’école ! Son enseignement scientifique de base apporte à tous les élèves les capacités de rigueur, d’analyse, de synthèse. Concrètement, à Polytechnique, on apprend à apprendre. C’est aussi l’ouverture sur les sciences humaines économiques. Mais aussi une expérience personnelle humaine enrichissante. Aujourd’hui, en ma qualité de Délégué général pour l’armement, je contribue à la tutelle de l’école qui n’a pas cessé d’évoluer en termes d’ouverture sur le monde et d’excellence académique avec la récente création de l’institut polytechnique Paris.
Un mot à nos lecteurs qui envisagent une carrière dans l’armement ?
C’est avant tout une carrière au service de l’État, de la France et de sa défense. L’armement, c’est aussi des projets divers, d’envergure, à haute technicité dans le domaine maritime, terrestre, de l’aviation ou encore du renseignement.
C’est un univers marqué par l’ouverture sur le monde : la coopération européenne, les partenariats internationaux avec nos alliés historiques comme les Etats-Unis ou l’Australie, ainsi qu’avec d’autres grands pays dans le monde tels que le Brésil ou l’Inde.
Enfin, avec ses 10 000 personnes, ses 10 centres d’expertise et essais au sein des territoires, c’est une pluralité d’opportunités professionnelles avec des perspectives au sein du ministère des armées ou encore dans l’industrie.
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