A propos de l’effet de serre
Rappels concernant l’effet de serre
La consistance de l’atmosphère terrestre provoque, vis-à-vis du rayonnement solaire, un « effet de serre » analogue à celui sur lequel repose le fonctionnement des serres de culture ou celui de la cloche à melons, c’est-à-dire qu’il freine la ré-émission vers l’espace du rayonnement infrarouge, lui-même provoqué par l’absorption (par le sol, la végétation et les océans), du rayonnement direct reçu du soleil.
Cet effet de serre est manifestement bénéfique : en son absence, la température moyenne à la surface du globe serait de l’ordre de – 20 °C, alors qu’elle est en réalité de + 15 °C.
Il faut cependant être conscient du fait que l’effet de serre ne capture pas à proprement parler, le rayonnement infrarouge : le système formé par la terre, y compris son atmosphère, étant en équilibre thermique (sous réserve de fluctuations à long terme, telles que le » réchauffement climatique » qui défraie actuellement la chronique), l’effet de serre a simplement pour effet de provoquer une augmentation de la température du sol et des océans suffisante pour que l’énergie rayonnée par la terre (qui est fonction croissante de sa température) équilibre celle qu’elle reçoit. Ce phénomène est appelé en climatologie le » forçage radiatif « , formule souvent employée dans les débats relatifs à l’effet de serre.
Le composant de l’atmosphère terrestre qui est le principal facteur de l’effet de serre est (contrairement à ce que pourraient laisser supposer maints articles récents) la vapeur d’eau. S’ajoute toutefois à l’effet de la vapeur d’eau celui de plusieurs gaz présents dans l’atmosphère à des doses plus faibles, principalement le gaz carbonique, le méthane, le protoxyde d’azote et les composés halogénés du carbone. Le gaz carbonique, est responsable à lui seul, des trois-quarts environ du forçage radiatif provoqué par les gaz autres que la vapeur d’eau, lequel est d’ailleurs faible : 2 à 3 W/m2, à rapprocher du rayonnement solaire reçu, de l’ordre de 340 W/m2. Mais cette perturbation est susceptible d’entraîner des effets à long terme, compte tenu de la longue durée de présence dans l’atmosphère des gaz en cause, de l’ordre du siècle (contrairement à la vapeur d’eau, laquelle est recyclée en quelques jours par les phénomènes climatiques).
Genèse des interrogations actuelles
Dès 1896, le physicien suédois Arrhenius avait évoqué la possibilité d’une influence de l’utilisation de combustibles fossiles sur la teneur en gaz carbonique de l’atmosphère, puis, par voie de conséquence, sur le climat.
Mais ce n’est que dans la deuxième moitié du xxe siècle, après que les conséquences directes de la tourmente de la Deuxième Guerre mondiale se soient dissipées, que le rapprochement des travaux scientifiques issus de plusieurs disciplines (glaciologie, paléoclimatologie, astronomie, physique du globe…) a conduit à reprendre, avec plus de force, cette idée, notamment après que l’année géophysique internationale eut conduit, en 1957, à une collecte intensive de données.
Les principaux points de questionnement sont les suivants :
• La teneur atmosphérique en gaz carbonique, stable pendant plusieurs siècles à environ 280 ppm (parties par million), commence à croître vers 1850, croissance qui n’a fait que s’accentuer depuis, pour atteindre aujourd’hui 360 ppm. Les teneurs en méthane et protoxyde d’azote ont connu une évolution similaire. Un tel rythme de croissance est sans précédent au cours des 20 000 dernières années et la teneur actuelle en gaz carbonique semble n’avoir jamais été atteinte au cours des 400 000 dernières années.
• D’une manière assez similaire, les températures de l’hémisphère nord (celles de l’hémisphère sud sont peu propices à la paléoclimatologie faute de données suffisantes) après avoir fluctué pendant des siècles à un niveau légèrement inférieur à la moyenne 1961–1990, croissent brutalement au cours du xxe siècle, à un rythme sans précédent au cours des neuf siècles précédents. On reviendra plus loin sur la quantification de ce dernier phénomène.
Ces constatations interpellent d’autant plus les observateurs qu’elles portent sur une période qui a été celle de l’expansion industrielle et d’une consommation croissante de combustibles fossiles.
L’intervention des organisations internationales
Le débat était par nature mondial, en particulier parce que le gaz carbonique, facilement miscible à l’air, se répand dans toute l’atmosphère. En 1988, l’Organisation météorologique mondiale et le Programme des Nations unies pour l’environnement ont créé conjointement le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – GIEC, en anglais (Intergovernemental Panel on Climat Change – IPCC) chargé d’évaluer les données scientifiques disponibles sur l’évolution du climat, les incidences écologiques et socio-économiques de cette évolution et de formuler des stratégies de parade.
Le premier rapport du GIEC, produit en 1990, a servi de base à la négociation de la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique de 1992.
Le deuxième rapport du GIEC, produit en 1995, entreprenait une approche globale de la question, puisqu’elle s’étendait à la fois à ses aspects scientifiques (groupe de travail I), aux incidences de l’évolution du climat, ensemble les mesures d’adaptation et d’atténuation possibles (groupe de travail II) ainsi qu’aux aspects socio-économiques de cette évolution (groupe de travail III).
Ce deuxième rapport a été suivi du protocole de Kyoto (1997) dont la ratification est encore un sujet d’une brûlante actualité.
Les travaux du GIEC ne se sont pas interrompus pour autant puisqu’il a produit en 2001 un troisième rapport, qui s’efforce d’apporter des compléments d’information et des renseignements de nature à supprimer ou au moins atténuer les incertitudes dont faisait état le deuxième rapport, qui sont fort nombreuses. Les orientations de ce troisième rapport soulèvent en outre quelques problèmes. Ces deux points seront repris ci-après.
Le niveau actuel de connaissance du sujet et les questions qu’il pourrait appeler
A) La température – aspect rétrospectif
Le deuxième rapport du GIEC évaluait l’augmentation moyenne de la température à la surface du globe en un siècle (fin xixe-fin xxe) dans une fourchette de 0,3 à 0,6 °C.
Le troisième rapport porte cette évaluation à 0,6 plus ou moins 0,2 °C.
Cette marge d’incertitude semble étonnamment faible si l’on prend garde au fait qu’un tel résultat ayant été obtenu par différence, la marge d’incertitude sur le résultat final est la somme des marges d’incertitude sur chacune des deux valeurs comparées. Or celle qui remonte à un siècle est manifestement handicapée par le caractère incomplet du réseau des stations météorologiques à cette époque (pensons, par exemple au continent africain…) et le caractère encore rudimentaire des instruments dont elles disposaient.
Il paraît donc très étonnant qu’une estimation de la température moyenne à la surface du globe à la fin du xixe siècle puisse être entachée d’une marge d’incertitude inférieure à + ou – 0,2 °C.
Dès lors que signifie exactement le résultat affiché ?
B) La température (suite) aspect prospectif
Le deuxième rapport du GIEC prévoyait, entre 1990 et 2100, une augmentation de température de 1 à 3,5 °C.
Le troisième rapport porte cette évaluation à la fourchette : 1,4 – 5,8 °C laquelle est beaucoup plus ouverte que la précédente (4,4 au lieu de 2,5°).
Ce résultat est, au premier abord, surprenant pour un rapport qui tendait à affiner les résultats.
Il s’explique, au moins pour partie, par le fait que la fourchette du troisième rapport résulte de la compilation de 35 scénarios, quantifiés à l’aide de nombreux modèles mathématiques, les uns très sophistiqués, d’autres simplifiés.
On peut cependant s’interroger sur la portée de résultats aussi dispersés…
C) Le niveau de la mer
Le deuxième rapport du GIEC prévoyait, d’ici à 2100, une élévation du niveau moyen des mers de 15 à 95 cm.
Le troisième rapport ramène cette évaluation à la fourchette : 9 – 88 cm.
Cette dernière n’est pas très différente de la précédente et présente la même amplitude (79 cm au lieu de 80).
On peut cependant s’interroger, au vu du niveau de zéro de la borne inférieure, sur la prise en compte du phénomène suivant : plusieurs des scénarios et modèles utilisés pour la prospective feraient apparaître comme corollaire d’une élévation générale de la température, celle des précipitations, en particulier dans l’Antarctique. Or une élévation de température de quelques degrés maintiendrait des températures constamment négatives sur le continent antarctique. Il y aurait donc accumulation de quantités croissantes d’eau, sous forme de glace, sur ce continent, facteur de baisse du niveau des mers (ceci est évoqué dans le troisième rapport).
En définitive, doit-on s’attendre à une élévation ou à un abaissement du niveau de la mer ?
D) Le carbone
La quantité de carbone rejetée dans l’atmosphère du fait de l’utilisation de combustibles fossiles est, au premier abord, impressionnante : environ 5,5 Gt1 par an.
Elle mérite cependant d’être relativisée au regard des phénomènes naturels : les échanges annuels de carbone entre l’atmosphère et les océans sont de l’ordre de 90 Gt et ceux qui interviennent entre les sols ou la végétation et l’atmosphère de l’ordre de 60 Gt.
L’océan, les sols, la végétation sont donc des milieux qui absorbent (et rejettent, au second ordre près) de très importantes quantités de carbone (des » puits » de carbone dans le langage des spécialistes) : près de 30 fois les rejets provenant des combustibles fossiles.
Or, on sait que la capacité d’absorption des puits de carbone est fonction décroissante de la température, c’est-à-dire qu’une élévation générale de la température (quelle qu’en soit la cause) tend à provoquer un dégagement de carbone dans l’atmosphère.
À partir de cette remarque il eût probablement été intéressant de faire tourner quelques-uns des modèles très sophistiqués qui existent aujourd’hui avec les données suivantes :
• arrêt des émissions anthrophiques de gaz carbonique,
• élévation de la température de 3,6 °C en un siècle (milieu de la fourchette du troisième rapport du GIEC), et de voir s’il en résulterait une argumentation significative de la teneur en gaz carbonique de l’atmosphère.
Une telle vérification eût permis de répondre à la question suivante (qui n’a jamais été posée) : l’élévation de la température est-elle la conséquence ou la cause d’une augmentation de la teneur de l’atmosphère en gaz carbonique ?
E) Les conséquences physiques, économiques et sociales
La littérature traitant, à divers titres, de l’effet de serre en particulier les rapports du GIEC, évoquent différentes conséquences physiques, économiques et sociales, prévues ou supposées, d’un réchauffement climatique et, plus généralement, des changements climatiques associés à un réchauffement général, qui pourraient comprendre l’élévation générale du niveau des mers déjà évoquée mais aussi des phénomènes plus localisés tels que variation de la pluviométrie, des courants marins, etc.
Ces prévisions sont pour la plupart de caractère défavorable voire catastrophique :
• perturbation des écosystèmes forestiers pouvant entraîner une baisse de production de bois (en dépit du caractère » d’aliment » du gaz carbonique pour les arbres) ;
• fréquence accrue des tempêtes et raz-de-marée, érosion des côtes ;
• accroissement de la pluviométrie, entraînant inondations et érosions dans certaines régions ; aggravation de l’aridité dans d’autres régions ;
• baisses de productions agricoles, découlant des inondations, de l’aridité, de la prolifération des parasites favorisée par le réchauffement ;
• détérioration des conditions sanitaires découlant soit d’effets directs du changement climatique (vagues de chaleur par exemple) soit d’effets indirects : recrudescence de maladies infectieuses transmises par des vecteurs dont l’aire de répartition s’accroîtrait ou la période de reproduction s’allongerait (paludisme, fièvre jaune entre autres).
Le non-spécialiste ne peut qu’être quelque peu surpris par cette accumulation de scénarios catastrophes. On sait en effet que le réchauffement de quelques degrés qui a suivi la dernière glaciation a eu des effets largement bénéfiques, tout au moins dans nos latitudes et on s’attendrait plutôt à ce que ce soit l’hypothèse d’un refroidissement qui entraînerait, notamment des baisses de production agricole.
Réciproquement, on pourrait escompter que, dans l’hypothèse d’un réchauffement climatique, un territoire comme l’Islande, aujourd’hui glacé et désolé, se couvre de verts pâturages et devienne une nouvelle Normandie. Or, de tels scénarios ne sont jamais évoqués…
Cette polarisation catastrophiste pourrait laisser craindre que la littérature » officielle » actuelle contienne une certaine charge idéologique. On reviendra sur ce point.
Les incertitudes
Le second rapport du GIEC employait à de nombreuses reprises des formules assez prudentes :
« La plupart de ces études (celles auxquelles le rapport se réfère) ont permis de détecter des changements significatifs démontrant que la tendance au réchauffement observée n’est vraisemblablement pas uniquement d’origine naturelle. »
« Notre capacité à mesurer l’influence de l’homme sur le climat global reste limitée... »
« … le faisceau d’éléments disponibles suggère qu’il y a une influence perceptible de l’homme sur le climat global. »
Le troisième rapport fait état d’une progression des connaissances et des savoirs (en particulier dans le domaine des modèles mathématiques sophistiqués).
Il conserve cependant une certaine prudence, notamment en codifiant les niveaux de confiance accordés à différentes assertions :
• virtuellement certain (au moins 99 % de chances d’exactitude) ;
• très probable (90 à 99 %°),
• probable (66 à 90 %),
• etc.
Il admet par exemple que certains facteurs secondaires de forçage radiatif (autres que les quatre catégories de gaz déjà évoquées : gaz carbonique, méthane, protoxyde d’azote, composés halogénés du carbone) dont certains peuvent avoir un effet négatif (aérosols, changement d’usage des sols entraînant une modification de leur capacité de réflexion d’énergie) ne font l’objet pour le moment, que d’un niveau de connaissance scientifique très bas.
Plus généralement, il admet que de nombreux facteurs d’incertitude énoncés dans le second rapport conservent une part de leur portée.
Plus ponctuellement, il admet, par exemple, que la validation de l’hypothèse d’une accentuation de la fluctuation de l’importance des pluies de mousson en Asie est à la limite des possibilités des modèles actuellement disponibles.
Et ce rapport conclut que de nouvelles recherches sont nécessaires pour améliorer notre capacité à détecter et à comprendre les changements climatiques puis à les relier à leurs facteurs essentiels et enfin pour réduire les incertitudes attachées aux prévisions de changements climatiques dans l’avenir.
Il est remarquable que ces restrictions et réserves, qui traduisent un haut degré de probité scientifique, ne sont pratiquement jamais évoquées dans les développements inspirés par ces mêmes travaux lorsque l’on passe aux préconisations de mesures d’adaptation et d’atténuation.
Que faire en présence d’un réchauffement climatique ?
En dépit des incertitudes lourdes ci-dessus évoquées, le scénario d’un réchauffement climatique consécutif à un accroissement de l’effet de serre qui serait lui-même, au moins pour partie, d’origine anthropique, doit être envisagé au moins comme une hypothèse plausible (même si elle n’est pas validée à ce jour par une véritable démonstration).
À partir de là, la littérature actuelle (y compris les accords internationaux) se polarise de manière quasi exclusive sur les mesures susceptibles d’atténuer, voire annuler, l’accroissement de l’effet de serre d’origine anthropique et essentiellement sur la réduction des émissions de gaz carbonique.
D’autres voies pourraient cependant être explorées, en particulier les moyens d’adapter les sociétés humaines à un certain réchauffement climatique. Cette approche conduirait alors à comparer en termes économiques, les coûts des mesures d’adaptation à ceux des mesures envisagées pour réduire les émissions de CO2 ou aux coûts des conséquences du réchauffement en l’absence de contre-mesures quelconques.
Malheureusement, cette voie de recherche est rendue difficile par l’évolution des orientations du GIEC entre le deuxième et le troisième rapport : alors que le deuxième rapport envisageait les incidences de mesures d’adaptation à l’évolution du climat et celles de mesures d’atténuation des facteurs de cette évolution, le GIEC a décidé, dès 1998, de concentrer la partie prospective de ses travaux sur les seules mesures d’atténuation.
La voie de l’adaptation mériterait cependant d’être prospectée, ne serait-ce que pour vérifier qu’elle n’est, peut-être, que partiellement possible, ce qui conduirait à revenir à des mesures d’atténuation partielle donc moins contraignantes que les mesures drastiques qu’on nous promet aujourd’hui.
Il n’est pas très difficile d’énumérer quelques mesures d’adaptation plausibles :
• en présence d’une élévation du niveau de la mer de quelques décimètres (les scénarios qui l’évaluent en mètres relèvent de la science-fiction), construction d’ouvrages de protection de certaines terres basses (les Hollandais savent faire !) ou suppression des établissements humains dans celles dont la protection serait impossible ou ruineuse ;
• en présence d’une extension de la zone de diffusion de certains virus, bacilles ou parasites, développement de la médecine préventive et curative. On pense en premier lieu au paludisme, dont on a oublié qu’il sévissait à l’état endémique dans de nombreuses régions d’Europe (sous le nom de malaria) jusqu’au xixe siècle et que nous avons réussi ensuite à éradiquer ;
• en présence d’une baisse de rendement de certaines productions agricoles consécutive à une variation séculaire du climat (température, pluviométrie) : mise en œuvre d’autres spéculations agricoles mieux adaptées au climat du moment, même chaud (il existe une agriculture tropicale !). À noter d’ailleurs qu’une élévation de la teneur en CO2 de l’atmosphère tend, toutes choses égales par ailleurs, à favoriser la croissance des végétaux, etc.
Mais, là encore, de telles voies ne sont presque jamais étudiées ni même mentionnées…
En guise de conclusion
Il n’est évidemment pas question de tirer de véritables conclusions d’un survol aussi succinct de phénomènes aussi complexes.
On observera cependant de fréquents décalages entre les connaissances acquises et les conséquences que l’on prétend parfois en tirer.
Or, ces conséquences peuvent aller très loin.
C’est ainsi que l’on considère, sur la base des capacités de prévision actuelles, qu’une stabilisation à terme de la teneur de l’atmosphère en gaz carbonique aux environs de 550 ppm (contre 360 à l’heure actuelle et 280 au xviiie siècle) niveau considéré comme acceptable par certains scientifiques, nécessiterait une réduction de l’ordre de 50 % des rejets mondiaux de gaz carbonique d’origine anthropique par rapport au niveau actuel.
Mais il n’est évidemment pas question d’envisager d’imposer uniformément un tel taux à tous les continents et à tous les pays, certains pays amorçant seulement à l’heure actuelle un développement qui les conduira inéluctablement et pendant plusieurs décennies, à augmenter fortement leur consommation d’énergie.
À partir de cette remarque, on en arrive vite à préconiser une réduction de l’ordre de 75 % pour les pays développés, comme le nôtre.
Un tel objectif paraît très difficile à atteindre, si l’on prend acte des possibilités assez limitées des énergies renouvelables (si ce n’est à long terme), a fortiori si on jette l’anathème sur l’énergie nucléaire (ce que ne manquent pas de faire la plupart des zélateurs de telles thèses).
Il faudrait alors, pour avoir une chance d’atteindre de tels objectifs, accepter des mesures drastiques telles que l’interdiction des voitures particulières, l’interdiction de la climatisation, etc.
Peut-on envisager de telles politiques qui conduiraient à substituer à notre société, qui est démocratique (quoi qu’en disent certains), une véritable société totalitaire, alors que les bases conceptuelles des thèses qui conduisent à préconiser les dites politiques sont entachées de diverses incertitudes (dont certaines ont été évoquées ci-dessus) et que les raisonnements qui conduisent à des conséquences aussi extrêmes semblent parfois biaisés par des présupposés idéologiques.
Yves Lenoir, chef de projet à l’École des mines de Paris (et ancien de Greenpeace), auteur d’un ouvrage sur le sujet, ne craignait pas d’expliciter cette dernière crainte d’une manière très crue en écrivant :
» La menace climatique suffit, à elle seule, à justifier le modèle de société que les écologistes aimeraient voir s’imposer au monde… Si le modèle de développement en cours est en passe de détraquer le climat, alors il incarne le mal absolu… sur le plan dialectique, le tour est joué ; aucun contre-argument de nature économique ou sociale ne tient face à la perspective de destruction des conditions de survie. »
À ce stade, l’observateur frileux (si l’on peut dire…) pensera vraisemblablement à un autre thème très à la mode : le » principe de précaution « .
Mais qu’en est-il, en particulier dans ce domaine ?
Si l’on décrypte la formule » principe de précaution « , on pourrait aboutir à la formulation suivante, bien en rapport avec le présent débat :
« accepter de justifier des décisions, même lourdes de conséquences (et celles qu’on nous propose en la matière le sont au plus haut point) par des hypothèses dont on admet d’emblée qu’elles sont peut-être fausses« 2.
Sous cette forme il s’agit d’une proposition inacceptable pour quiconque a reçu une formation scientifique.
Mieux vaudrait sans doute savoir pour agir.
_______________________________________________
1. 1 Gt = 1 Gigatonne = 1 milliard de tonnes.
2. Il existe des formulations plus acceptables telles que le critère « minimax-regret » mais ce débat sémantique et logique sort du domaine ici évoqué.