Étymologie :
À propos de l’industrie du futur
Voilà des mots qui viennent tout droit du latin, industria et futurus. Cependant, l’étymologie latine de industria est assez compliquée, et elle n’est pas sans conséquences en français. Quant à futurus, c’est un mot plutôt simple à condition de faire un peu de grammaire latine.
Mais commençons par l’industrie.
L’industrie tantôt spécialisée, tantôt généraliste
En latin, industrius signifie « actif, laborieux, zélé » d’où industria « activité, zèle » et au pluriel industriae « efforts ». Le latin industria a donc un large usage, continué en français jusqu’au xixe siècle par industrie, signifiant « habileté (manuelle) » et s’appliquant à toutes les sortes d’activités : productions domestiques, artisanales et manufacturières, agriculture, services, commerce, transport. C’est à partir de la révolution dite industrielle (du latin médiéval industrialis) que l’on a distingué l’agriculture, l’industrie et les services.
Le sens d’industrie s’est donc restreint en français moderne, mais on va voir qu’il s’était élargi par rapport à l’origine étymologique d’industria.
En effet, industrius remonte à une forme archaïque endostruus formée de endo- « à l’intérieur » et -struus, élément relié au verbe struere, signifiant d’abord « disposer par couches, empiler », à rapprocher du verbe sternere « étendre », d’où stratum « couche, strate ». Puis struere signifie « assembler »… des briques par exemple, donc « édifier, structurer » et dans un sens abstrait « tramer, préparer ».
Le sens concret se renforce avec des préfixes : construere « construire », destruere « détruire », obstruere « obstruer », et instruere, d’abord concret pour « assembler dans, insérer » puis « équiper (à l’intérieur) », et finalement au sens figuré « informer », d’où en français le verbe instruire. À noter que le latin avait toute une série d’autres verbes concrets comme ad-, circum-, ex-, per-, substruere, pour différentes étapes de la construction, qui a dû être en quelque sorte la première des industries.
Le mot industrie au passé ambigu
L’élément indu- « à l’intérieur » a conduit le grand linguiste Benveniste à penser qu’industria avait originellement le sens d’« activité secrète », industrius étant alors celui « qui construit à l’intérieur d’une manière cachée ». Était-ce pour préserver les secrets de fabrication ? ou parce qu’il y avait quelque chose à cacher ? comme lorsque le mot industrie était pris en mauvaise part, lorsqu’on exerçait une coupable industrie ou que l’on vivait d’industrie, c’est-à-dire par des moyens indélicats. Des expressions heureusement obsolètes, qui en tout cas ne concernent pas l’industrie du futur.
Le futur c’est simplement ce qui va être
Enfin futur vient du latin futurus « sur le point d’être », qui est le participe futur du verbe esse « être », un temps inexistant en français, où ne subsistent que les participes présent et passé. Ce participe futur est en -urus : amaturus « sur le point d’aimer », formé sur amare « aimer ». Mais pourquoi futurus n’est-il pas formé sur esse ? En fait, ce verbe esse « être » est irrégulier car ses formes verbales se rattachent à deux radicaux distincts : celui du présent avec esse « être », et celui du parfait, avec par exemple fuit « il fut », sur lequel est formé futurus.
Épilogue
En tout état de cause, pour construire l’industrie du futur, il est bon d’être industrieux (du bas latin industriosus) et futuriste (de l’italien futurismo, d’abord appliqué aux arts, puis aux arts et métiers…).