Jean-Claude DELARUE

A propos des tribunaux de commerce.

Dossier : Créer des entreprisesMagazine N°584 Avril 2003Par : Jean-Claude DELARUE

La Jaune et la Rouge La crainte de l’échec arrête beaucoup de créateurs : leur méfiance à l’égard des tribunaux de commerce est-elle fondée ?

Jean-Claude Dela­rue 
De nom­breuses entre­prises fran­çaises ren­contrent des dif­fi­cul­tés éco­no­miques. Mais elles peuvent s’en sor­tir. Le pro­blème est que, lors­qu’elles rentrent dans le sys­tème fran­çais des pro­cé­dures col­lec­tives et des tri­bu­naux de com­merce, elles sont trop sou­vent « cou­lées », mais pas pour tout le monde… Les consé­quences de ce sys­tème sont lourdes : ce sont des drames humains, mais aus­si des pertes éco­no­miques consi­dé­rables, des actifs liqui­dés, des emplois supprimés.

Lorsque l’on regarde la situa­tion de la France, on observe un peu moins de 40 000 défaillances1 d’en­tre­prises par an pour un stock d’en­tre­prises d’en­vi­ron 2,4 mil­lions2. Par com­pa­rai­son, les États-Unis comptent envi­ron 70 000 défaillances pour un parc d’en­tre­prises de 6,7 mil­lions3.

En France, le rap­port réa­li­sé par les dépu­tés Col­com­bet et Mon­te­bourg en avril 1998 sur les tri­bu­naux de com­merce4 indique que 90 % des pro­cé­dures col­lec­tives se ter­minent en liqui­da­tion de l’en­tre­prise. Ce chiffre est confir­mé par le rap­port cosi­gné par l’Ins­pec­tion géné­rale des finances et l’Ins­pec­tion géné­rale des ser­vices judi­ciaires5, sor­ti en 1998, qui estime que sur 18 000 pro­cé­dures judi­ciaires étu­diées 84 % condui­ront à une liqui­da­tion immé­diate, 10 % à la liqui­da­tion dif­fé­rée, 6 % fina­le­ment à la reprise dont 3 ou 4 % abou­ti­ront à un échec au bout de quatre à cinq ans.

Par com­pa­rai­son, un article publié par The Eco­no­mist6 mon­trait que sur 569 entre­prises pla­cées en pro­cé­dure de ban­krupt­cy aux États-Unis, 83 seule­ment n’y avaient pas survécu.

Ain­si, les pro­cé­dures col­lec­tives en France sont plus nom­breuses, et leur issue est plus sou­vent fatale aux entre­prises. C’est un vrai drame auquel il faut remé­dier car les déci­sions des tri­bu­naux de com­merce rythment la vie des entre­prises, qu’il s’a­gisse de leur acti­vi­té clas­sique – en 1997, près de 140 000 déci­sions de conten­tieux géné­ral ont été ren­dues par les tri­bu­naux de com­merce – ou du trai­te­ment de leurs dif­fi­cul­tés, puisque sur la même période près de 60 000 pro­cé­dures col­lec­tives ont été ouvertes. Ce domaine de com­pé­tence met en jeu 150 mil­liards de francs de créances et 300 000 emplois.

La Jaune et la Rouge Comment fonctionnent les tribunaux de commerce ? Quelles différences par rapport à d’autres pays industrialisés ?

Jean-Claude Dela­rue
Les tri­bu­naux de com­merce forment une juri­dic­tion d’ex­cep­tion conçue pour régler les conten­tieux nés de l’ac­ti­vi­té com­mer­ciale. Ils sont com­po­sés de juges élus par­mi les com­mer­çants et qui exercent à titre exclu­si­ve­ment béné­vole. Pour jus­ti­fier cette jus­tice d’ex­cep­tion, deux prin­ci­paux argu­ments sont tra­di­tion­nel­le­ment avan­cés : la péren­ni­té de l’ins­ti­tu­tion dans le temps et sa com­pé­tence tech­nique adap­tée aux réa­li­tés du commerce.

Pour­tant ces deux argu­ments sont contestables.

La péren­ni­té tout d’a­bord. Si l’his­toire des tri­bu­naux de com­merce est longue, elle se tra­duit aus­si par des déca­lages avec la réa­li­té éco­no­mique comme le montre l’or­ga­ni­sa­tion de la carte judi­ciaire qui n’a pas pra­ti­que­ment pas chan­gé depuis 1809, otage des pres­sions locales pour rete­nir les petits tri­bu­naux. Le résul­tat est que, d’a­près le rap­port d’ins­pec­tion, 80 % des tri­bu­naux de com­merce ne traitent que 10 affaires par mois et n’ont pas la masse cri­tique ni l’ex­pé­rience néces­saire pour trai­ter les affaires importantes.

Quant à la com­pé­tence tech­nique, d’a­près un magis­trat pro­fes­sion­nel, cette spé­ci­fi­ci­té n’est pas insur­mon­table pour les juges pro­fes­sion­nels qui suivent des for­ma­tions. Pour avoir une bonne com­pé­tence éco­no­mique, il suf­fi­rait de rat­ta­cher aux juri­dic­tions des spé­cia­listes qui pour­raient être consultés.

De plus l’ac­ti­vi­té éco­no­mique est deve­nue de plus en plus com­plexe et la connais­sance indis­cu­table des textes de loi et de la pro­cé­dure judi­ciaire est indis­pen­sable à des juges, repré­sen­tants du pou­voir réga­lien de l’É­tat et assu­rant une mis­sion de ser­vice public, qui ne peuvent se per­mettre un déni de jus­tice. La mon­tée des conten­tieux des défaillances qui occupent une part désor­mais pré­pon­dé­rante de l’ac­ti­vi­té des tri­bu­naux de com­merce néces­site une excel­lente connais­sance juri­dique, dif­fi­ci­le­ment com­pa­tible avec la fonc­tion béné­vole des juges consulaires.

D’a­près le rap­port Col­com­bet-Mon­te­bourg, « Seule la France dis­pose encore de tri­bu­naux de com­merce com­po­sés uni­que­ment de juges non pro­fes­sion­nels, de com­mer­çants élus par leurs pairs. Tous les autres États, qui avaient ce type de juri­dic­tion, l’ont soit sup­pri­mé, soit trans­for­mé en pro­fon­deur. Ain­si, aujourd’­hui à l’é­tran­ger, il existe trois types de jus­tice com­mer­ciale : les chambres ou tri­bu­naux éche­vi­nés for­més par un magis­trat pro­fes­sion­nel et par des juges com­mer­çants, les juges spé­cia­li­sés en droit com­mer­cial appar­te­nant à la juri­dic­tion ordi­naire et, enfin, les tri­bu­naux ordinaires. ».

  • Les chambres ou tri­bu­naux éche­vi­nés, en Alle­magne, en Bel­gique (mais aus­si en Alsace-Moselle notamment) ;
  • les juges spé­cia­li­sés en droit com­mer­cial appar­te­nant à la juri­dic­tion ordi­naire, en Angle­terre, aux États-Unis ;
  • les tri­bu­naux ordi­naires en Ita­lie, aux Pays-Bas.

La Jaune et la Rouge Quels sont les dysfonctionnements constatés ?

Jean-Claude Dela­rue
De nom­breux dys­fonc­tion­ne­ments ont été consta­tés par la com­mis­sion d’en­quête de l’As­sem­blée natio­nale. Pour résu­mer, on peut dire que l’on met en redres­se­ment des entre­prises à la va-vite, et que du redres­se­ment on va pas­ser à la liquidation.

Le rap­port indique que la réforme de 1985 a confié d’im­por­tants pou­voirs au tri­bu­nal qui décide seul si on redresse ou on liquide l’en­tre­prise. Et les voies de recours sont inef­fi­caces car sou­vent non sus­pen­sives dans la mesure où il s’a­git le plus sou­vent de pro­cé­dures d’ur­gence. Or le conten­tieux, lié aux défaillances d’en­tre­prises, n’a ces­sé de croître et se pose le pro­blème de la qua­li­té de la jus­tice rendue.

Rap­port par­le­men­taire Colcombet-Montebourg

Exemples extraits du rap­port n° 1038 de l’As­sem­blée natio­nale fait au nom de la Com­mis­sion d’en­quête sur l’ac­ti­vi­té et le fonc­tion­ne­ment des tri­bu­naux de com­merce, 2 juillet 1998. Pré­sident : Fran­çois Col­com­bet ; Rap­por­teur : Arnaud Montebourg.

Tribunal de commerce de Nanterre

« Celui qui était à l’é­poque pré­sident du tri­bu­nal de com­merce avait don­né ins­truc­tion par écrit aux man­da­taires de ce tri­bu­nal, dans toutes les affaires de pro­cé­dure col­lec­tive dans les­quelles un man­dat était confié par le tri­bu­nal de com­merce à ces man­da­taires, d’a­voir sys­té­ma­ti­que­ment recours à une socié­té ou une per­sonne char­gée d’ex­per­ti­ser la qua­li­té des assu­rances qui exis­taient dans l’en­tre­prise prise en charge par le man­da­taire en ques­tion. Le prin­cipe était tout à fait jus­ti­fié. En effet, l’ad­mi­nis­tra­teur doit savoir si l’af­faire qu’il admi­nistre est conve­na­ble­ment assu­rée. L’en­nui, c’est qu’il était dit dans ces ins­truc­tions qu’il fal­lait avoir recours à une per­sonne déter­mi­née, laquelle n’é­tait autre que le fils du pré­sident en question. »

Tribunal de commerce d’Aurillac

« Une librai­rie, pla­cée en redres­se­ment judi­ciaire en juillet 1993 sur demande du Cré­dit Agri­cole, est liqui­dée en décembre 1994 par le tri­bu­nal de com­merce d’Au­rillac. Sur les neuf juges consu­laires, six sont admi­nis­tra­teurs au Cré­dit Agri­cole, banque créan­cière. Le pré­sident du tri­bu­nal de com­merce, pré­sent aux audiences concer­nant l’en­tre­prise, est admi­nis­tra­teur de la prin­ci­pale librai­rie concur­rente à Aurillac ! En tant que juge et par­tie, il aurait dû se récu­ser, ce qu’il n’a pas fait… »

Tribunal de commerce de Paris

« Une bou­tique pari­sienne fait l’ob­jet d’un dépôt de bilan en décembre 1987. La gérante trouve un repre­neur qui pro­pose deux mil­lions de francs. Le juge-com­mis­saire pré­fère céder le com­merce à une socié­té pour le prix de 700 000 francs. Le juge-com­mis­saire avait été embau­ché, quelques jours avant sa déci­sion, pour une rému­né­ra­tion annuelle de 200 000 francs par le repre­neur favo­ri­sé. Le plan de ces­sion a été annu­lé en appel et l’af­faire a été délocalisée. »

Tribunal de commerce de Bobigny

« En mai 1991, le groupe Jules Zell, le lea­der fran­çais en matière de plom­be­rie et de cou­ver­ture employant 7 000 sala­riés, est mis en redres­se­ment judiciaire.
L’en­tre­prise Zell est ven­due à deux repre­neurs à bas prix en juillet et sep­tembre 1991.
L’un des juges consu­laires avait en réa­li­té inté­rêt à la vente, connais­sant bien le groupe Zell avec lequel ses socié­tés ont des chan­tiers et qui, sur le mar­ché, repré­sente son prin­ci­pal concurrent.
Il a de plus aler­té le PDG d’une autre socié­té qui a ain­si pu béné­fi­cier d’une reprise avec l’ac­cord de l’ad­mi­nis­tra­teur, dans des condi­tions très avan­ta­geuses. Or, ce juge est admi­nis­tra­teur de ladite société !
Enfin, pour la reprise d’une par­tie du groupe Zell par un tiers, la clause por­tant sur la “facul­té de sub­sti­tu­tion” avait été intro­duite en la faveur de ce même juge consulaire ! »

La dis­pa­ri­té de la carte judi­ciaire tout d’a­bord qui n’est plus en phase avec l’ac­ti­vi­té éco­no­mique. Le recru­te­ment trop étroit des juges et leur faible dis­po­ni­bi­li­té dans cer­tains cas. La for­ma­tion juri­dique insuf­fi­sante qui peut entraî­ner des dénis de jus­tice. À cela s’a­joutent des « incer­ti­tudes idéo­lo­giques » comme le sou­ligne le rap­port, notam­ment entre les pro­fes­sions de la jus­tice com­mer­ciale, admi­nis­tra­teurs et man­da­taires judi­ciaires, gref­fiers et les juges. Pour­tant les pour­suites judi­ciaires pour man­que­ment à la déon­to­lo­gie ne sont pas sui­vies de sanc­tions dans 80 % des cas car le contrôle dis­ci­pli­naire est défaillant. Ces pro­fes­sions peuvent très vite béné­fi­cier d’une cer­taine emprise sur le fonc­tion­ne­ment du tri­bu­nal car elles sont là en per­ma­nence alors que le juge est un béné­vole qui a d’autres acti­vi­tés professionnelles.

Comme le rap­pelle, Jean Barale, pré­sident du tri­bu­nal de com­merce de Nan­terre, « Il ne faut pas trop exa­gé­rer dans le sens de la jus­tice de proxi­mi­té, afin qu’elle ne risque pas de deve­nir une jus­tice de voi­si­nage, voire de “cou­si­nage” ou qu’elle en donne l’apparence. »

Or les res­pon­sables de la com­mis­sion d’en­quête sou­lignent qu’ils ont été frap­pés par les mul­tiples cas de conflits d’in­té­rêts qu’ils ont pu consta­ter. Ain­si, il n’est pas rare que les juges soient ame­nés à se pro­non­cer sur le sort de per­sonnes avec les­quelles ils sont ou seront en rela­tion d’af­faires ou de concur­rence. Ces conflits peuvent aller par­fois jus­qu’à la col­lu­sion, au favo­ri­tisme, voire même la « cor­rup­tion », dans des cas rares bien sûr.

À cela s’a­joute un mode de rému­né­ra­tion très ren­table. Le rap­port d’ins­pec­tion insiste sur les frais exor­bi­tants que pré­lèvent ces auxi­liaires de jus­tice, de manière irré­gu­lière par­fois. Ain­si, les gref­fiers pra­tiquent des tarifs (fixés par le Conseil natio­nal) beau­coup plus éle­vés que les tarifs régle­men­taires, et encore avec des varia­tions appré­ciables d’un tri­bu­nal à l’autre. Or c’est le Tré­sor public qui paye leurs émo­lu­ments. Les gref­fiers se com­portent comme des pres­ta­taires aux hono­raires libres.

Les man­da­taires, eux aus­si, se sont consti­tués un tarif d’ho­no­raires dif­fé­rent de celui fixé par la loi. Le mon­tant des hono­raires per­çus par les man­da­taires liqui­da­teurs est supé­rieur de 80 % au mon­tant qui résul­te­rait du strict res­pect de la réglementation.

De son côté le rap­port Col­com­bet-Mon­te­bourg sou­lève une autre consé­quence du barème : « Le (…) constat est que le barème est conçu de telle façon qu’il n’est pas neutre, par rap­port aux solu­tions rete­nues. Qu’une affaire prise en charge par un admi­nis­tra­teur judi­ciaire abou­tisse à une liqui­da­tion ou à un plan de conti­nua­tion suite à un redres­se­ment judi­ciaire d’une durée de six mois, le tarif reste pour lui iden­tique. Dans ces condi­tions, pour­quoi essayer de sau­ver les emplois ? S’il pro­cède à une ces­sion et vend l’u­sine au concur­rent, il est mieux payé que s’il abou­tit à un plan de conti­nua­tion et sauve les emplois. »

Ces sommes, des­ti­nées à être rem­bour­sées aux créan­ciers, sont en fait encais­sées par les man­da­taires char­gés des pour­suites. Ain­si les mon­tants en jeu sont consi­dé­rables : les man­da­taires de jus­tice ont 57 mil­liards de francs en compte à la seule Caisse des Dépôts et Consi­gna­tions. « Le coût éco­no­mique du trai­te­ment judi­ciaire des défaillances d’en­tre­prises est fina­le­ment exor­bi­tant ; les pro­cé­dures sous­traient 60 mil­liards de francs au cré­dit inter­en­tre­prises. Les dérives tari­faires des gref­fiers et des man­da­taires de jus­tice, ain­si que le recours mas­sif à des inter­ve­nants exté­rieurs, contri­buent à alour­dir de plus d’un mil­liard de francs le poids des frais de jus­tice au détri­ment des créan­ciers, notam­ment l’É­tat, qui sont rem­bour­sés de seule­ment 10 % du pas­sif décla­ré » conclut le rap­port d’inspection.

Le rap­port Col­com­bet-Mon­te­bourg affirme : « L’en­quête menée par notre com­mis­sion conduit à consta­ter que la juri­dic­tion consu­laire qui, selon ses défen­seurs, pré­sente l’a­van­tage de la com­pé­tence parce qu’elle est ren­due par des spé­cia­listes de l’en­tre­prise, de la gra­tui­té, puis­qu’elle est rapide et peu contes­tée, est en réa­li­té coû­teuse pour le jus­ti­ciable et pour la socié­té dans son ensemble car elle est inca­pable d’as­su­rer cor­rec­te­ment le ser­vice public de la jus­tice. Certes par­mi tous ceux qui par­ti­cipent à la juri­dic­tion consu­laire, cer­tains sont irré­pro­chables et accom­plissent leurs fonc­tions avec conscience et dans le sou­ci de l’in­té­rêt public. Mais les dérives sont si graves et si nom­breuses qu’elles minent la confiance que le jus­ti­ciable doit avoir dans ses juges. Par ailleurs, elles ne peuvent être attri­buées à l’é­ga­re­ment de tel ou tel indi­vi­du. Elles sont le pro­duit d’une orga­ni­sa­tion, d’un système. »

La Jaune et la Rouge Quelle est la cause de ces dérives ?

Jean-Claude Dela­rue
Ce sur quoi insistent les dif­fé­rents rap­ports, c’est l’é­chec de toutes les pro­cé­dures de contrôle sur la jus­tice consu­laire. Les ser­vices de contrôle sont très mor­ce­lés. Pre­mier exemple, le Minis­tère ne dis­pose pas de sta­tis­tiques cen­tra­li­sées sur l’ac­ti­vi­té des tri­bu­naux. Comme le rap­pelle le rap­port d’ins­pec­tion, le minis­tère de la Jus­tice exerce sa tutelle via quatre direc­tions dif­fé­rentes, et dans chaque direc­tion, trois à quatre bureaux s’en occupent. Le minis­tère des Finances et la Direc­tion du Tré­sor doivent éga­le­ment assu­rer un contrôle. En face la pro­fes­sion est très orga­ni­sée : confé­rence géné­rale des tri­bu­naux de com­merce, conseil natio­nal des admi­nis­tra­teurs et man­da­taires judi­ciaires, conseil natio­nal des gref­fiers des tri­bu­naux de com­merce, toutes ces struc­tures étant là pour défendre les inté­rêts de la profession.

Le Par­quet a éga­le­ment depuis 1994 le droit de requé­rir et d’exer­cer des recours contre les juge­ments des tri­bu­naux de com­merce aux­quels il par­ti­cipe. Mais en réa­li­té, le minis­tère public est rare­ment pré­sent aux audiences et n’est même pas obli­gé dans cer­taines affaires d’y être (à Évry : un magis­trat est affec­té pour 1 000 pro­cé­dures par an, à Paris deux magis­trats pour 7 000). Une pro­cé­dure sur 700 est ouverte sur requête du Par­quet (contre une sur 25 au TGI).

De sur­croît, les magis­trats sont sou­vent très dépen­dants des infor­ma­tions qui leur sont trans­mises par les tri­bu­naux de com­merce. Ils n’ont pas suf­fi­sam­ment de contre-expertises.

En conclu­sion, les rap­ports estiment que le contrôle est inexistant.

Un autre phé­no­mène contri­bue éga­le­ment à l’o­pa­ci­té du fonc­tion­ne­ment des tri­bu­naux de com­merce : les pou­voirs publics ayant pour ain­si dire aban­don­né le finan­ce­ment de la jus­tice consu­laire, il y a une aug­men­ta­tion des finan­ce­ments exté­rieurs, notam­ment des Chambres de commerce.

Enfin, c’est tout le pro­ces­sus de contrôle de la pro­fes­sion et de sanc­tions qui est défaillant : les pou­voirs publics ont aban­don­né toute volon­té dans ce domaine de la jus­tice, mal­gré un enca­dre­ment pré­vu dans les textes. En pra­tique, on laisse le soin à la pro­fes­sion de se contrô­ler elle-même, avec tout ce que cela com­porte d’a­bus. C’est fina­le­ment aux jus­ti­ciables, c’est-à-dire aux chefs d’en­tre­prises de faire les frais de ces errements.

La Jaune et la Rouge Quelles sont les réformes à mettre en œuvre ? Où en est-on ?

Jean-Claude Dela­rue
Les pro­po­si­tions conte­nues dans le rap­port Col­com­bet-Mon­te­bourg sont simples : refonte de la carte judi­ciaire, réno­va­tion de la fonc­tion de juge consu­laire avec l’ac­cent mis sur la for­ma­tion et les pou­voirs de contrôle et de sanc­tions ren­for­cés et effi­caces de la part de la Chan­cel­le­rie, réforme des pro­fes­sions de jus­tice com­mer­ciale (admi­nis­tra­teurs, man­da­taires, greffes), et enfin intro­duc­tion de l’é­che­vi­nage, c’est-à-dire la pré­sence de juges pro­fes­sion­nels qui est une solution.

Le rap­port d’ins­pec­tion insiste : « Une réor­ga­ni­sa­tion de la tutelle est incon­tour­nable et la réforme du droit des pro­cé­dures col­lec­tives doit contri­buer à dimi­nuer le coût des défaillances d’en­tre­prises en ren­dant le sys­tème et les acteurs plus per­for­mants. La jus­tice com­mer­ciale est immo­bile depuis trop long­temps. La réfor­mer en pro­fon­deur ren­drait une légi­ti­mi­té aujourd’­hui com­pro­mise au béné­fice du ser­vice public de la jus­tice et des entre­prises qui sont en droit d’en attendre beau­coup, tant il est vrai qu’une jus­tice éco­no­mique effi­cace est un fac­teur de com­pé­ti­ti­vi­té pré­cieux. » Mais ces rap­ports, comme les pré­cé­dents, n’ont pas été sui­vis d’ef­fets. Le peuple des entre­pre­neurs aurait besoin de savoir pour­quoi. Et com­ment sera repris le problème.

Jean-Claude Dela­rue, 63 ans, ensei­gnant d’an­glais à l’u­ni­ver­si­té Paris VII, ancien membre du Conseil éco­no­mique et social, est pré­sident de la Fédé­ra­tion des usa­gers des trans­ports et des ser­vices publics (fon­dée en 1970), fon­da­teur de l’As­so­cia­tion des usa­gers de l’ad­mi­nis­tra­tion (ADUA), et ani­ma­teur du comi­té « SOS petits porteurs ».

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1. Les sta­tis­tiques de défaillance couvrent l’en­semble des juge­ments pro­non­çant soit l’ou­ver­ture d’une pro­cé­dure de redres­se­ment soit direc­te­ment une liquidation.
2. Source : INSEE-SIRENE. 3. Source : US Cen­sus Bureau.
4. Rap­port n° 1038 de l’As­sem­blée natio­nale : voir “enca­dré” , ci-dessus.
5. Rap­port d’en­quête sur l’or­ga­ni­sa­tion et le fonc­tion­ne­ment des tri­bu­naux de com­merce. Juillet 1998. Ins­pec­tion géné­rale des finances et Ins­pec­tion géné­rale des ser­vices judiciaires.
6. Source : The Eco­no­mist, 7/9/2002, « The firms that can’t stop falling ».

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techramrépondre
23 août 2012 à 13 h 36 min

ques­tion
Bon­jour

Après avoir été depuis 2006 en conflit avec une Eurl et que cette der­nière soit condam­née par deux fois à notre béné­fice pour une somme d’en­vi­ron 110 000 euros, nous avons, en 2012, été contraints devant un refus de payer, de deman­der la liqui­da­tion judi­ciaire de l’Eurl.
Las, à l’au­dience, nous avons décou­vert qu’un des Juges du TC était un ami et rela­tion d’af­faire du gérant de l’Eurl qui fût mise en redres­se­ment judi­ciaire avec éta­le­ment de toutes ses dettes sur 10 ans et ce, mal­gré des bilans plus que posi­tifs dans les années concernées.
Entre temps et en pleine pro­cé­dure, nous avons appris et obte­nu les preuves que le gérant de l’EURL avait fon­dé une nou­velle Socié­té concur­rentes à L’Eurl et dans le même sec­teur d’ac­ti­vi­té afin d’a­moin­drir le bilan de l’Eurl qui, d’une année sur l’autre s’est trou­vée dimi­nué de moi­tié au béné­fice de la nou­velle Socié­té. De plus, dans la même période, le gérant de l’EURL à ven­du la moi­tié de son ter­rain à une SCI dont le seul egt unique béné­fi­ciaire s’a­vère être le gérant de l’EURL lui-mêmei, vente for­te­ment sous esti­mée quant à sa valeur…
Armés de preuves, nous avons écrit au Pré­sident de la Chambre de Com­merce, au man­da­taire judi­ciaire et même, en déses­poir de cause, au Pro­cu­reur de la Répu­blique sans jamais obte­nir aucune réponse…
Or, aujourd’­hui, nous appre­nons que la plu­part des créan­ciers (dont nous fai­sons pas par­tie) sont convo­qués fin sep­tembre au TC pour « suite aux créances contestées » ;
Etant « contrô­leur » dans cette affaire mais n’ayant jamais pu obte­nir de ren­sei­gne­ments de la part du man­da­taire et ce, mal­gré dif­fé­rents cour­riers, pou­vez-vous nous indi­quer de que cela signi­fie et ce à quoi nous pou­vons tous nous attendre.…
Avec nos remerciements
Sin­cères salutations
D.RAMAGE

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