« A propos des tribunaux de commerce », interview de Jean-Claude Delarue, paru dans le numéro d’avril 2003
Les tribunaux de commerce ont été créés pour rendre une justice adaptée aux exigences de rapidité de la vie des affaires. Il n’est pas nécessaire pour être juge d’être un juriste professionnel. Il faut avant tout une solide expérience du monde des affaires, du bon sens, une aptitude à conduire un raisonnement logique, et la faculté de s’adapter à une discipline et à des problèmes nouveaux, toutes qualités (y compris le bon sens !) répandues chez les X. Les connaissances juridiques sont nécessaires ; elles s’acquièrent grâce à la documentation disponible, à la formation dispensée avant l’entrée en fonction, puis complétée au cours de sessions régulières, également sur le tas au contact des magistrats plus anciens et des avocats qui ne manquent pas de soulever les points de droit.
Dans les tâches des tribunaux de commerce, les faillites ne constituent que la partie émergée de l’iceberg, la partie méconnue est le règlement des litiges entre entreprises. Le traitement des faillites est très étroitement encadré par une loi de 237 articles et ses décrets d’application. En outre les décisions des juges sont susceptibles d’appel. Le plus souvent (90 % des cas), la situation de l’entreprise défaillante est si désespérée que la liquidation s’impose. Le juge, tel le commissaire de police, voit son rôle limité à constater le décès ; il lui reste à régler le moins mal possible la situation qui en résulte.
Il est regrettable que des pamphlétaires aient cru devoir attribuer cet état de fait aux tribunaux de commerce, d’autant que ceux-ci s’efforcent depuis des années de développer une action préventive avant qu’il ne soit trop tard. L’expérience professionnelle des juges trouve là son plein emploi, car ce n’est pas dans une loi qu’on trouve les remèdes ad hoc.
Quoi qu’il en soit, si, après dépôt de bilan, une reprise de l’activité paraît possible le juge du commerce, professionnel des affaires habitué à travailler dans un environnement incertain, est bien placé pour apprécier la viabilité du projet et les qualités du repreneur. C’est un pari sur l’avenir qui lui est alors demandé.
Au-delà des affaires en péril, les tribunaux de commerce traitent les litiges que les entreprises ne peuvent résoudre amiablement. Le plus souvent il s’agit d’interprétations différentes de contrats, plus ou moins rédigés ; c’est le lot quotidien du juge. Contrairement à une opinion commune, les tribunaux de commerce ne peuvent écarter les règles de droit et juger en équité. Ils doivent comme tous les tribunaux civils étayer leurs décisions en appliquant scrupuleusement les textes en vigueur. Ils le font sans doute assez correctement, car le pourcentage de leurs jugements infirmés par les cours d’appel est sensiblement inférieur à celui des autres juridictions civiles.
Parmi les 400 juges dans la région parisienne, beaucoup sortent de grandes écoles. Les tribunaux de commerce pourraient voir augmenter la proportion des X : nous ne sommes en effet qu’une grosse vingtaine.
L’activité de juge est assez prenante dans les tribunaux où nous sommes, elle peut représenter dix à vingt-cinq heures de travail par semaine, essentiellement chez soi ; elle s’adresse donc plutôt aux camarades en fin de carrière qui ont la maîtrise de leur emploi du temps. Ils y trouveront une occupation utile et très enrichissante, qu’ils pourront poursuivre au début de leur retraite.
Chacun, suivant ses goûts, découvrira des facettes de l’économie qu’il ignore en général, tel le petit commerce ; il s’y passionnera aussi pour apprécier les responsabilités de malfaçons sur des centrales thermiques en Chine et pour étudier les cas de contrefaçon d’ours en peluche ou d’emballages de parfums. Par-dessus tout, on l’aura compris, le juge du commerce trouve dans sa fonction une possibilité stimulante d’œuvrer au service du monde des entreprises.
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