Étymologie :
À propos du développement durable
Cette expression familière soulève des questions étymologiques assez ardues. Ainsi, à propos de durable, on se posera une question : ce qui est dur, est-il étymologiquement durable ?
Et commençons par le mot développement : au sens premier c’est le contraire de l’enveloppement, mais alors de quelle enveloppe s’agit-il ici, du moins à l’origine ?
Les mots envelopper et développer viennent d’un verbe d’ancien français, voloper, signifiant lui-même « envelopper, placer dans une enveloppe ». Ce verbe se rattache très probablement au latin tardif faluppa, un terme agricole désignant diverses sortes de déchets végétaux, comme la balle de blé qui enveloppe le grain dans l’épi, ou encore la paille et autres débris végétaux issus du sarclage des champs. L’idée d’enveloppe qui apparaît dans voloper pourrait venir du grain de blé enveloppé dans la paille, ou bien de la paille utilisée pour envelopper un objet ou la base d’une plante (le paillage).
En tout état de cause, ce verbe voloper a disparu au profit de formes préfixées : envoloper devenant envelopper, d’où le mot enveloppe, et d’autre part desvoleper dans le sens de « retirer d’une enveloppe », devenant plus largement développer, d’où le développement.
Envelopper et enrouler, développer et dérouler
Autre point : la forme voloper s’explique sans doute par l’influence du verbe latin volvere « rouler, faire rouler ». Ce verbe en effet, préfixé également, prend déjà en latin des significations liées à la notion d’enveloppe : ainsi involvere signifie d’abord « enrouler », mais aussi « envelopper » avec l’idée du matériau d’emballage (comme de la paille ?) enroulé autour de l’objet, et d’autre part evolvere signifie d’abord « dérouler », mais aussi « retirer d’une enveloppe, déballer ».
En résumé, le mot développement aurait deux composantes étymologiques : l’idée originelle de sortir d’une enveloppe de paille, et l’idée d’un déroulement, ou d’une évolution (du latin evolutio « action de dérouler ») et finalement d’une croissance.
L’Europe des développements
L’étymologie de développement se retrouve à peu près dans son équivalent italien sviluppo : de viluppo « enchevêtrement de déchets végétaux, fouillis », lui-même du latin tardif faluppa « paille » avec l’influence du latin volvere. En allemand, Entwicklung « développement » se relie au verbe wickeln « enrouler, envelopper », lui-même du germanique wicke « mèche, tresse, charpie », qui rejoint l’idée de la paille.
En espagnol, on voit que desarrollo « développement » signifie aussi « déroulement », et enfin, l’anglais development vient de l’ancien français.
Un rapport en latin entre durus « dur » et durare « durer » ?
La réponse est non. Leur ressemblance est a priori fortuite, mais elle a entraîné des confusions de sens, d’autant plus que de durus « dur » dérive durare « durcir », homonyme de durare « durer ». Ainsi, le latin indurare « endurcir » aboutit en français à induration, mais aussi au verbe endurer, d’abord « résister à ce qui est dur, pénible », puis « résister à ce qui est dur, pénible, dans la durée », comme si endurer venait de durer.
Les langues voisines s’expriment autrement : l’anglais sustainable, l’espagnol sostenible, l’italien sostenibile et l’équivalent allemand nachhaltige. En français soutenable s’emploie peu, contrairement à insoutenable, plus usuel.
Épilogue réaliste
Le développement mondial actuel est insoutenable, mais pour le rendre durable, ou au moins endurable, cela sera dur.