étymologie écologie urgence

À propos d’Urgence écologique

Dossier : Urgence écologique : entre réformisme et radicalitésMagazine N°800 Décembre 2024
Par Pierre AVENAS (X65)

Cet article porte sur l’étymologie du mot éco­lo­gie, d’abord, et du mot urgence ensuite.

De l’économie à l’écologie

Ces deux mots com­portent l’élément, éco-, du grec oikos « mai­son, pro­prié­té », mais le pre­mier exis­tait déjà en grec ancien, alors que le second est un néo­lo­gisme qui date du XIXe siècle. En effet, le grec oiko­no­mia « ges­tion, admi­nis­tra­tion », du verbe grec nemein « dis­tri­buer, admi­nis­trer », est attes­té chez Pla­ton au tout début du IVe siècle avant J.-C. Le mot est emprun­té en latin, oeco­no­mia, puis en fran­çais, éco­no­mie, qui dési­gnait d’abord comme en grec la ges­tion d’une col­lec­ti­vi­té, puis aus­si la science éco­no­mique, qui s’est déve­lop­pée à par­tir du XVIe siècle, jusqu’à deve­nir une dis­ci­pline uni­ver­si­taire. À noter qu’en anglais on dis­tingue eco­no­my « ges­tion d’une col­lec­ti­vi­té » et eco­no­mics « science éco­no­mique », et plus encore en alle­mand Wirt­schaft « ges­tion d’une col­lec­ti­vi­té » et Öko­no­mie « science éco­no­mique » (cf. Éty­mo­lo­giX de mai 2020, à pro­pos de la guerre éco­no­mique).

Les Anciens n’imaginaient cer­tai­ne­ment pas que l’économie, qu’ils consi­dé­raient comme de la ges­tion pra­tique, puisse rele­ver d’une science. C’est pour­quoi ils n’ont pas créé le mot grec *oiko­lo­gia, avec le suf­fixe -logia d’une science. De ce fait, l’idée de ce mot est res­tée dis­po­nible jusqu’à son appa­ri­tion en 1866, en alle­mand Oeco­lo­gie, aujourd’hui Öko­lo­gie, dans un ouvrage du natu­ra­liste et bio­lo­giste alle­mand Ernst Hae­ckel, pro­fes­seur d’anatomie com­pa­rée à l’université d’Iéna. Avec le suf­fixe -logie, ce mot désigne une science, celle des rela­tions des espèces vivantes, entre elles et avec leur milieu, alors que l’élément éco- prend ici un sens plus méta­pho­rique que dans éco­no­mie : toute forme d’environnement, de milieu, d’habitat des êtres vivants, depuis les plus petits ter­ri­toires jusqu’à la pla­nète entière (cf. la niche éco­lo­gique, l’éco­sys­tème…). Le fran­çais éco­lo­gie, l’anglais eco­lo­gy sont attes­tés vers 1875.

L’urgence et l’émergence

Ce qui est urgent, c’est aus­si pres­sant. Or le verbe pres­ser conserve les deux sens du latin pres­sare : d’abord « appuyer », comme on presse un citron, puis au figu­ré « hâter », comme on presse le mou­ve­ment. On a le même pas­sage du concret à l’abstrait avec le verbe latin urgere, d’abord « pous­ser, ser­rer », puis au sens figu­ré « pous­ser à agir, être pres­sant », d’où urgens « urgent, pres­sant » et urgen­tia « urgence ». C’est le sens figu­ré qui est conser­vé en fran­çais, urgence, et dans les autres langues romanes, comme l’espagnol urgen­cia, ain­si qu’en anglais, urgen­cy.

Cepen­dant la tra­duc­tion cou­rante d’urgence éco­lo­gique est en anglais eco­lo­gi­cal emer­gen­cy, en espa­gnol emer­gen­cia ecoló­gi­ca et les mots équi­va­lents dans les autres langues romanes. On constate que dans toutes ces langues, alors que cela n’est pas le cas en fran­çais, la notion d’urgence peut se confondre avec celle d’émergence (anglais emer­gence, espa­gnol emer­gen­cia, du latin emer­gere « émer­ger »), comme si toute nou­veau­té inat­ten­due était res­sen­tie comme un dan­ger. On pense à la méta­phore de l’écueil impré­vu, qui émerge et qui sur­git devant un navire.

L’urgence éco­lo­gique se dit autre­ment dans d’autres langues : öko­lo­gi­scher Not­fall en alle­mand, où Not­fall est for­mé de Not « néces­si­té, besoin » et Fall « occur­rence » (cf. fal­len « tom­ber »), kry­zys eko­lo­gicz­ny en polo­nais, avec kry­sys « crise »…

Épilogue

L’urgence éco­lo­gique est en tout cas d’empêcher l’émergence de catas­trophes dont les consé­quences pour les popu­la­tions humaines, pour la bio­di­ver­si­té et pour l’économie sont de plus en plus dramatiques.

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