À propos d’Urgence écologique
Cet article porte sur l’étymologie du mot écologie, d’abord, et du mot urgence ensuite.
De l’économie à l’écologie
Ces deux mots comportent l’élément, éco-, du grec oikos « maison, propriété », mais le premier existait déjà en grec ancien, alors que le second est un néologisme qui date du XIXe siècle. En effet, le grec oikonomia « gestion, administration », du verbe grec nemein « distribuer, administrer », est attesté chez Platon au tout début du IVe siècle avant J.-C. Le mot est emprunté en latin, oeconomia, puis en français, économie, qui désignait d’abord comme en grec la gestion d’une collectivité, puis aussi la science économique, qui s’est développée à partir du XVIe siècle, jusqu’à devenir une discipline universitaire. À noter qu’en anglais on distingue economy « gestion d’une collectivité » et economics « science économique », et plus encore en allemand Wirtschaft « gestion d’une collectivité » et Ökonomie « science économique » (cf. ÉtymologiX de mai 2020, à propos de la guerre économique).
Les Anciens n’imaginaient certainement pas que l’économie, qu’ils considéraient comme de la gestion pratique, puisse relever d’une science. C’est pourquoi ils n’ont pas créé le mot grec *oikologia, avec le suffixe -logia d’une science. De ce fait, l’idée de ce mot est restée disponible jusqu’à son apparition en 1866, en allemand Oecologie, aujourd’hui Ökologie, dans un ouvrage du naturaliste et biologiste allemand Ernst Haeckel, professeur d’anatomie comparée à l’université d’Iéna. Avec le suffixe -logie, ce mot désigne une science, celle des relations des espèces vivantes, entre elles et avec leur milieu, alors que l’élément éco- prend ici un sens plus métaphorique que dans économie : toute forme d’environnement, de milieu, d’habitat des êtres vivants, depuis les plus petits territoires jusqu’à la planète entière (cf. la niche écologique, l’écosystème…). Le français écologie, l’anglais ecology sont attestés vers 1875.
L’urgence et l’émergence
Ce qui est urgent, c’est aussi pressant. Or le verbe presser conserve les deux sens du latin pressare : d’abord « appuyer », comme on presse un citron, puis au figuré « hâter », comme on presse le mouvement. On a le même passage du concret à l’abstrait avec le verbe latin urgere, d’abord « pousser, serrer », puis au sens figuré « pousser à agir, être pressant », d’où urgens « urgent, pressant » et urgentia « urgence ». C’est le sens figuré qui est conservé en français, urgence, et dans les autres langues romanes, comme l’espagnol urgencia, ainsi qu’en anglais, urgency.
Cependant la traduction courante d’urgence écologique est en anglais ecological emergency, en espagnol emergencia ecológica et les mots équivalents dans les autres langues romanes. On constate que dans toutes ces langues, alors que cela n’est pas le cas en français, la notion d’urgence peut se confondre avec celle d’émergence (anglais emergence, espagnol emergencia, du latin emergere « émerger »), comme si toute nouveauté inattendue était ressentie comme un danger. On pense à la métaphore de l’écueil imprévu, qui émerge et qui surgit devant un navire.
L’urgence écologique se dit autrement dans d’autres langues : ökologischer Notfall en allemand, où Notfall est formé de Not « nécessité, besoin » et Fall « occurrence » (cf. fallen « tomber »), kryzys ekologiczny en polonais, avec krysys « crise »…
Épilogue
L’urgence écologique est en tout cas d’empêcher l’émergence de catastrophes dont les conséquences pour les populations humaines, pour la biodiversité et pour l’économie sont de plus en plus dramatiques.