A tout fonctionnaire son chômeur
Le titre que Zimmern a choisi de donner à son livre va probablement choquer plus d’un camarade. Il serait dommage qu’ils soient, pour cette raison, dissuadés de lire Zimmern car il » pose « , de la manière la plus nette, le diagnostic de notre chômage.
Celui-ci est plus élevé que celui des autres grands pays industriels – trois fois plus que celui de l’Amérique- parce que notre économie est trop administrée. Il y a en Amérique un fonctionnaire pour cinq à six actifs occupés alors qu’il y en a, en France, un pour trois.
Ce corps de fonctionnaires pléthorique exerce chez nous le monopole de la lutte contre le chômage. Son arme est la subvention. Comme depuis vingt-cinq ans, le chômage ne cesse d’augmenter, nos fonctionnaires s’agitent, se multiplient et multiplient les subventions, de sone que les prélèvements destinés à financer les unes et les autres s’accroissent à leur tour par circularité.
Comment rompre ce cercle vicieux ? Zimmern part d’une analyse qui est familière à beaucoup d’entre nous (cf. La jaune et la Rouge, février 1997): seules les petites entreprises créent désormais des emplois, or nous avons moins de petites entreprises que les autres ; c’est pourquoi nous chômons plus que les autres. Il nous faut donc impérativement créer plus d’entreprises pour créer plus d’emplois qu’il n’en disparaît inévitablement, en particulier dans les grandes entreprises.
Mais c’est un art qu’ignorent nos fonctionnaires de l’économie : de là leur incapacité à lutter efficacement contre le chômage. Ils ont pu facilement stimuler, au milieu des années 70, le développement de nos grandes entreprises des secteurs de haute technologie, car ces entreprises étaient en petit nombre.
Créer des entreprises et en créer en grand nombre dans des secteurs souvent banals, mais utiles à l’homme de la rue, est une tout autre affaire. Les Américains de toutes tendances politiques l’ont bien compris. Comme l’indique Zimmern, l’Administration Reagan a créé les SBICs (Small Business Investment Corporalions) et l’Administration Clinton a favorisé la prolifération « d’Anges du développement », qui sont aujourdbui au nombre de 700 000 aux États-Unis.
En somme, le gouvernement ne s’occupe plus directement de développement : il a passé la main à des personnes privées qui en connaissent les rouages beaucoup mieux que lui et il leur accorde des exonérations fiscales infiniment plus efficaces pour l’emploi et beaucoup moins coûteuses, pour le contribuable, que les subventions et les aides de toutes sortes que distribuent, en France, nos fonctionnaires.
La leçon que tire Zimmern de ce constat est évidemment qu’il faut réduire le nombre de nos fonctionnaires et il propose, à ce sujet, un vaste plan d’action. Cependant, en refermant son livre, on ne résiste pas à penser au colonel de Gaulle dénonçant, dans les années 30, les dangers que faisait courir à la Nation le conservatisme du Commandement militaire.
Il y a, en effet aujourd’hui, le même conservatisme dans le comportement de nos fonctionnaires de l’économie (et du » social »). Le pire – et c’est ici un commentaire personnel- est qu’ils ont bonne conscience, car ils se créent une clientèle, au premier rang de laquelle se trouvent les entreprises les plus prestigieuses du pays. Celles-ci sont d’autant plus enclines à profiter des » stratégies d’aubaine » qui leur sont offertes par l’État-providence (« on aurait tort de ne pas en profiter ») qu’elles en maîtrisent, plus que les autres, les mécanismes, ce qui, du même coup, fait d’elles les interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics, alors même qu’elles détruisent des emplois.
On ne risque donc pas de réduire le nombre des fonctionnaires, comme le souhaite légitimement Zimmern tant que le milieu des entreprises, et spécialement celui des grandes entreprises. continuera de quémander des subventions et des réglementations, donc de demander plus d’État, tout en se réclamant des grands principes du libéralisme économique le plus pur et le plus dur.
Le livre de Zimmem peut susciter, dans tous les milieux de la Nation – et pas seulement dans les milieux dits économiques – la volonté de surmonter ces contradictions.
C’est pourquoi nous recommandons vivement sa lecture.