Accenta : la start-up qui décarbone la fonction thermique des bâtiments

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°788 Octobre 2023
Par Pierre TREMOLIERES

Pour accom­pa­gner la décar­bo­na­tion du bâti­ment, Accen­ta s’attaque à la fonc­tion ther­mique qui repré­sente 70 à 75 % des émis­sions de CO2 des bâti­ments en exploi­ta­tion. Pierre Tré­mo­lières, fon­da­teur et PDG de la start-up, nous en dit plus.

Alors que la décarbonation s’accélère, le secteur du bâtiment, gros émetteur de CO2, doit renforcer ces efforts. Qu’en est-il concrètement ? 

En Europe, les stra­té­gies de réno­va­tion glo­bale ont per­mis de réno­ver 1,2 % du parc depuis le lan­ce­ment du bâti­ment basse-consom­ma­tion, il y a près d’une quin­zaine d’années. Si nous main­te­nons ce rythme, nous n’aurons réno­vé que 3,6 % du parc à hori­zon 2050 alors que nous visons la neu­tra­li­té car­bone d’ici 2050 ! 

Plus par­ti­cu­liè­re­ment, le bâti­ment émet 27 % des émis­sions de CO₂ en France. Au niveau mon­dial, cela repré­sente 37 % des émis­sions. Dans la phase d’exploitation des bâti­ments, le chauf­fage et la cli­ma­ti­sa­tion repré­sentent, quant à eux, près de 70 à 75 % des émis­sions de CO₂.

Dans ce cadre, Accenta, start-up innovante a pour ambition d’accompagner les propriétaires de parcs immobiliers dans cette démarche de décarbonation de leur actif en se concentrant sur la fonction thermique, le chauffage et la climatisation. Qu’en est-il ? 

Accen­ta a vu le jour au sein du cam­pus de l’École poly­tech­nique et de son incu­ba­teur. Notre start-up, qui a béné­fi­cié d’investissements réa­li­sés par le fonds d’investissement de l’École, est aus­si le fruit d’un pro­gramme de recherche de trois années, por­té par plu­sieurs labo­ra­toires dont le BRGM, le CES, le LMD… Dans le cadre de cette phase de R&D, nous avons déve­lop­pé une tech­no­lo­gie qui per­met d’améliorer de manière signi­fi­ca­tive les ren­de­ments ther­mo­dy­na­miques des pompes à cha­leur. Leur per­for­mance est ain­si aug­men­tée de près de 250 % par rap­port à l’état de l’art actuel ce qui contri­bue ain­si à réduire la consom­ma­tion éner­gé­tique et les émis­sions de CO2 du réseau.

Comment fonctionne votre technologie ? 

Notre solu­tion inno­vante est ados­sée à deux tech­no­lo­gies qui visent à opti­mi­ser la demande en éner­gie des bâti­ments. Pre­miè­re­ment, nous avons recours à l’IA et au Machine Lear­ning pour opti­mi­ser le pilo­tage et la maî­trise de la per­for­mance des ins­tal­la­tions afin de les rendre aus­si com­pé­ti­tives que celles ali­men­tées par des éner­gies fos­siles (gaz, fioul).

Deuxiè­me­ment, nous met­tons en place un sto­ckage ther­mique inter-sai­son­nier qui per­met de récu­pé­rer la cha­leur de l’été pour chauf­fer les bâti­ments en hiver, et inver­se­ment, de sto­cker le froid de l’hiver pour les rafraî­chir en été. D’un point de vue opé­ra­tion­nel, ce sto­ckage prend la forme de sondes géo­ther­miques que nous ins­tal­lons dans le sous-sol, en-des­sous des bâti­ments ou à proximité. 

Dans ce modèle, nous uti­li­sons la terre sous nos pieds comme une bat­te­rie ther­mique. Les coûts d’investissement sont moins éle­vés que ceux néces­saires pour déployer une solu­tion de géo­ther­mie tra­di­tion­nelle ce qui per­met d’être d’ores et déjà com­pé­ti­tif par rap­port aux éner­gies fossiles !

Grâce à cette solu­tion de décar­bo­na­tion de la fonc­tion ther­mique, nous obte­nons une baisse de près de 80 % de la consom­ma­tion du bâti­ment et une réduc­tion des émis­sions de CO₂ de 95 %. 

Et aujourd’hui, comment se positionne Accenta ? 

Nous avons connu une très forte crois­sance depuis le début de la com­mer­cia­li­sa­tion de notre solu­tion clé-en-main qui couvre tous les aspects rela­tifs à la décar­bo­na­tion de la fonc­tion ther­mique. Nous avons une équipe de près de 150 per­sonnes qui accom­pagnent des acteurs du rési­den­tiel, du loge­ment col­lec­tif, de l’industrie, du ter­tiaire et du com­mer­cial, ain­si que des acteurs du monde de la construction. 

Aujourd’hui, Accen­ta gère plus d’un mil­lion de mètres car­rés sur le volet opti­mi­sa­tion des besoins éner­gé­tiques du bâti­ment, et autant de mètres car­rés sur le volet bas carbone. 

Au fil des années, nous avons ren­for­cé la fia­bi­li­té et la robus­tesse de notre solu­tion ce qui nous per­met aujourd’hui de signer des contrats de per­for­mance éner­gé­tique et envi­ron­ne­men­tale sur de longues périodes com­prises entre 20 et 25 ans. De plus en plus, nous inves­tis­sons dans les chauf­fe­ries et la cli­ma­ti­sa­tion bas car­bone de nos clients afin de lis­ser le coût du ver­dis­se­ment de leurs bâti­ments. Dans le cadre de ce modèle, nous leur reven­dons des méga­watt­heures de calo­ries et de fri­go­ries décar­bo­nés. Cela leur per­met de requa­li­fier leurs bâti­ments au regard des der­nières régle­men­ta­tion dont le Décret Ter­tiaire ou encore la Loi Cli­mat et Rési­lience, mais aus­si de tenir leurs objec­tifs en termes de RSE et d’être aus­si éli­gibles aux fonds d’investissement verts.

Au-delà de la solu­tion logi­cielle qui per­met le sui­vi de la consom­ma­tion, Accen­ta inter­vient aus­si sur la concep­tion du sys­tème éner­gé­tique bas car­bone, sa construc­tion, son exploi­ta­tion et son finan­ce­ment avec à la clé la revente d’énergie ther­mique décar­bo­née à nos clients. Nous met­tons ain­si à la dis­po­si­tion du monde du bâti­ment une solu­tion clé-en-main (tech­nique et finan­cière) en mode EEaaS (Ener­gy Effi­cen­cy as a Service). 

Enfin, nous sommes par­ti­cu­liè­re­ment fiers d’avoir été sélec­tion­nés par le gou­ver­ne­ment pour inté­grer le pro­gramme French­Tech 2030.

Des exemples de projets que vous avez menés ? Quels sont les résultats que vous avez obtenus ?

Nous sommes inter­ve­nus sur le siège social d’Airbus à Tou­louse qui est com­po­sé de trois bâti­ments de 36 000 m2. En équi­pant ce site de notre tech­no­lo­gie, nous avons réduit les émis­sions de CO2 de 95 % et la consom­ma­tion éner­gé­tique de 80 %. 

Nous avons aus­si fait par­tie des acteurs qui ont tra­vaillé sur le pre­mier entre­pôt neutre en car­bone au monde pour Pro­lo­gis et son client final, Mono­prix à Mois­sy-Cra­mayel. Sur ce bâti­ment, nous enre­gis­trons une dimi­nu­tion de la consom­ma­tion éner­gé­tique de 60% et une réduc­tion des émis­sions de CO2 de la fonc­tion ther­mique de 70 %. Pour atteindre la neu­tra­li­té car­bone, ce bâti­ment a été construit avec du ciment bas car­bone et béné­fi­cie d’un sys­tème de compensation. 

Pour la mai­rie de Rou­baix, nous allons équi­per 430 bâti­ments muni­ci­paux de sys­tèmes de conduite conti­nue semi-auto­ma­ti­sée avec de l’IA et du Machine Lear­ning afin de réduire la consom­ma­tion éner­gé­tique, mais éga­le­ment les émis­sions de CO2 de près de 25 %. En Bre­tagne, pour le bailleur Inolya, nous avons équi­pé des loge­ments col­lec­tifs. Enfin, pour l’opérateur Icade, nous sommes aus­si inter­ve­nus sur le sys­tème de smart grid ther­mique de l’écoquartier Les Portes de Paris.

Alors que la transition énergétique et environnementale s’accélère, quels sont vos enjeux ? 

Nous avons un enjeu du conduite de chan­ge­ment afin que les clients adoptent ces nou­velles tech­no­lo­gies. Sur un plan plus opé­ra­tion­nel, nous avons aus­si un enjeu indus­triel pour accom­pa­gner une demande en hausse dans un contexte où la France vise la neu­tra­li­té car­bone à hori­zon 2050. Pour rele­ver l’ensemble de ces défis et accom­pa­gner nos clients, nous avons aus­si un enjeu humain lié au recru­te­ment : avant la pan­dé­mie, nous étions 50 per­sonnes et depuis la fin de la crise sani­taire, nous avons recru­té 100 per­sonnes. Nous pré­voyons d’en recru­ter encore 100 sur le court terme. 

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