Accompagner, promouvoir et faciliter l’innovation dans le secteur financier

Dossier : Vie des entreprises, FintechMagazine N°798 Octobre 2024
Par Olivier FLICHE (X89)

Depuis 2016 et la créa­tion du pôle Fin­tech Inno­va­tion, l’ACPR, l’Autorité de contrôle pru­den­tiel et de réso­lu­tion, accom­pagne le déve­lop­pe­ment de l’écosystème des fin­techs en se posi­tion­nant comme un faci­li­ta­teur et un pro­mo­teur de l’innovation dans le sec­teur de la finance. Le direc­teur du pôle, Oli­vier Fliche (X89) nous en dit plus dans cette inter­view.

Quel est le périmètre d’action de l’ACPR ?

L’Autorité de contrôle pru­den­tiel et de réso­lu­tion est l’autorité en charge de contrô­ler la sol­va­bi­li­té et de s’assurer de la sta­bi­li­té finan­cière des éta­blis­se­ments du sec­teur ban­caire et de l’assurance, et de pro­té­ger leurs clients. En ce sens, elle assure donc un contrôle dit pru­den­tiel, qui est un contrôle finan­cier de la soli­di­té des banques et des assu­rances, ain­si qu’un contrôle des pra­tiques com­mer­ciales de tous les pro­fes­sion­nels de l’assurance et de la banque en France. Cela repré­sente près de 660 éta­blis­se­ments ban­caires, 660 assu­reurs et près de 65 000 inter­mé­diaires. En paral­lèle, l’ACPR est aus­si en charge du contrôle des règles de lutte contre le blan­chi­ment des capi­taux et le finan­ce­ment du terrorisme.

L’ACPR s’est dotée d’un pôle Fintech Innovation pour accompagner le développement de la fintech et les innovations dans le monde de la finance et des services financiers. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Créé en 2016, le pôle Fin­tech Inno­va­tion de l’ACPR a été pen­sé comme un point d’entrée pri­vi­lé­gié et dédié aux fin­techs et à l’innovation. Très sou­vent, ces fin­techs, qui n’ont pas les mêmes codes que les acteurs tra­di­tion­nels de la finance avec qui nous échan­geons régu­liè­re­ment, ne savent pas com­ment entrer en contact avec l’ACPR. Ain­si, une des mis­sions prin­ci­pales du pôle Fin­tech Inno­va­tion est jus­te­ment de faci­li­ter la mise en rela­tion entre ces acteurs et l’ACPR. En rela­tion avec cet éco­sys­tème, le pôle opère aus­si comme un obser­va­toire de l’innovation dans une logique d’anticipation des pro­chaines ten­dances, des trans­for­ma­tions des métiers de la banque et de l’assurance, mais aus­si des éven­tuels impacts sur l’activité de contrôle de l’ACPR.

“Créé en 2016, le pôle Fintech Innovation de l’ACPR a été pensé comme un point d’entrée privilégié et dédié aux fintechs et à l’innovation”

Le pôle Fin­tech Inno­va­tion a aus­si la mis­sion de s’intégrer et de contri­buer à cet éco­sys­tème inno­vant afin que l’ACPR ne soit pas per­çue comme un frein à l’innovation, mais comme une auto­ri­té qui accom­pagne la dif­fu­sion de l’innovation dans le sec­teur finan­cier. Dans cette conti­nui­té, depuis 2018, le pôle a la mis­sion de pro­mou­voir l’innovation au sein de l’APCR et au ser­vice des métiers du contrôle.

Chaque année, ce sont ain­si plus de 150 nou­veaux inter­lo­cu­teurs qui s’adressent à notre pôle essen­tiel­le­ment afin de déter­mi­ner s’ils ont besoin d’une auto­ri­sa­tion pour exer­cer leur activité.

Comment se concrétise l’accompagnement de l’ACPR et de son pôle Fintech Innovation ?

Nous rece­vons sans dis­tinc­tion tous les por­teurs de pro­jets. Nous accueillons aus­si bien des jeunes étu­diants que des pro­fes­sion­nels qui ont une expé­rience signi­fi­ca­tive dans le sec­teur de la finance. Dans le cadre de nos échanges avec ces entre­pre­neurs, nous allons réa­li­ser un pre­mier diag­nos­tic afin de déter­mi­ner si leur acti­vi­té entre dans un champ régle­men­té ou non. Si cela est le cas, nous leur expli­quons les pro­chaines étapes, les contraintes régle­men­taires et nous leur don­nons l’ensemble des infor­ma­tions juri­diques et tech­niques dont ils ont besoin pour enta­mer leur par­cours afin de consti­tuer leur dos­sier qui sera ins­truit par la direc­tion des auto­ri­sa­tions de l’ACPR.

Pour une meilleure lisi­bi­li­té et com­pré­hen­sion du par­cours jusqu’à l’obtention de l’autorisation d’exercice, nous avons for­ma­li­sé les dif­fé­rents pro­ces­sus dans une charte fin­tech qui est acces­sible à tous sur le site Inter­net de l’ACPR. En outre, tou­jours sur le site de l’ACPR, nous avons créé une rubrique dédiée à ce public, « Mon par­cours Fin­tech », qui regroupe du conte­nu péda­go­gique afin de per­mettre aux por­teurs de pro­jet de se pré­pa­rer en amont des échanges avec l’ACPR, de mieux maî­tri­ser le volet réglementaire…

Quelles sont les tendances qui se dessinent actuellement dans ce secteur ?

Depuis déjà plu­sieurs années, le sec­teur du paie­ment reste le seg­ment le plus por­teur en termes de créa­tion de start-ups. En effet, le paie­ment offre de nom­breuses pistes et se prête par­ti­cu­liè­re­ment bien à l’innovation et à la créa­ti­vi­té : paie­ment entre par­ti­cu­liers, trans­fron­ta­liers… Il y a éga­le­ment de plus en plus de pro­jets rela­tifs aux cryp­to-actifs. C’est, d’ailleurs, une acti­vi­té pour laquelle nous par­ta­geons la res­pon­sa­bi­li­té avec l’AMF, l’Autorité des mar­chés finan­ciers. Enfin, de manière assez mar­gi­nale, nous sommes aus­si ponc­tuel­le­ment consul­tés pour des pro­jets en assu­rance, autour du crédit…

“Cet écosystème continue à gagner en maturité avec des acteurs dont la taille s’est considérablement développée et qui ont démontré l’intérêt de leur business model.

Depuis deux ans, nous obser­vons une baisse du nombre de nou­veaux acteurs, un phé­no­mène qui s’explique, entre autres, par un retour­ne­ment du mar­ché et un res­ser­re­ment des finan­ce­ments. En 2023, nous avons ain­si assis­té à une baisse signi­fi­ca­tive du nombre de pro­jets de start-up. En 2024, la situa­tion semble se sta­bi­li­ser avec un léger redé­mar­rage à la mi-année.

En paral­lèle, on observe éga­le­ment que cet éco­sys­tème conti­nue à gagner en matu­ri­té avec des acteurs dont la taille s’est consi­dé­ra­ble­ment déve­lop­pée et qui ont démon­tré l’intérêt de leur busi­ness model.

Réglementation, financement, technologies, usages… sont autant d’enjeux qui mobilisent le secteur de la fintech. Qu’en est-il concrètement ? 

Sur le plan régle­men­taire, nous avons connu une séquence très riche avec la feuille de route Finance Numé­rique de la Com­mis­sion euro­péenne et des textes par­ti­cu­liè­re­ment struc­tu­rants pour le sec­teur finan­cier, et par consé­quent l’écosystème des fin­techs. Par­mi les élé­ments les plus mar­quants, on peut notam­ment citer l’augmentation de l’empreinte tech­no­lo­gique dans les ser­vices finan­ciers dans un contexte mar­qué par l’explosion du risque cyber et infor­ma­tique. La pro­chaine entrée en vigueur du règle­ment sur la rési­lience opé­ra­tion­nelle numé­rique (DORA) a ain­si voca­tion à for­te­ment impac­ter l’ensemble du sec­teur financier. 

En paral­lèle, nous enten­dons de plus en plus par­ler de la toke­ni­sa­tion de la finance, qui consiste à pas­ser les actifs finan­ciers et leurs négo­cia­tions sur la blo­ck­chain pour être rapide, ce qui, bien évi­dem­ment, pose des ques­tions juri­diques et tech­niques assez impor­tantes. Cela a fait l’objet de pre­mières régle­men­ta­tions de la Com­mis­sion euro­péenne avec, notam­ment, le régime pilote pour tes­ter la toke­ni­sa­tion des actifs. Il faut men­tion­ner aus­si le règle­ment Mar­kets in cryp­to-assets (MiCA) sur les cryp­to-actifs et les ser­vices asso­ciés, qui estle pre­mier cor­pus régle­men­taire au monde à enca­drer l’émission des cryp­to-actifs, et plus par­ti­cu­liè­re­ment des stablecoins. 

À cela s’ajoute l’intelligence arti­fi­cielle (IA), dont les der­nières évo­lu­tions tech­no­lo­giques sont par­ti­cu­liè­re­ment « trans­for­mantes » pour le sec­teur finan­cier. Là aus­si, la Com­mis­sion euro­péenne a été pion­nière en matière de régle­men­ta­tion afin d’encadrer l’usage de l’IA. Pour l’application sec­to­rielle de ce règle­ment, l’ACPR est bien évi­dem­ment en pre­mière ligne, d’autant plus que le sec­teur finan­cier est un des sec­teurs qui a le plus recours à cette tech­no­lo­gie. Enfin, le sec­teur a éga­le­ment voca­tion à évo­luer encore avec le déploie­ment de l’open ban­king et pro­chai­ne­ment de l’open finance qui est un axe très fort por­té par la Com­mis­sion européenne.

Forum Fintech 2023.
Forum Fin­tech 2023.

Vous contribuez également à l’animation de cet écosystème. Comment cela se traduit-il ? Quelles sont les initiatives auxquelles l’ACPR prend part ?

Il est impor­tant pour l’ACPR de pro­mou­voir le dia­logue et les échanges avec les por­teurs de pro­jets qui nous remontent des infor­ma­tions sur l’écosystème, les pro­jets, les inno­va­tions, les der­nières ten­dances. Dans cette logique, avec l’AMF, nous avons créé et nous orga­ni­sons le Forum Fin­tech, un lieu d’échange et de dia­logue ouvert sur l’écosystème fin­tech qui prend la forme d’un évé­ne­ment annuel, ras­sem­blant en moyenne 400 à 500 personnes.

“Avec l’AMF, nous avons créé et nous organisons le Forum Fintech, un lieu d’échange et de dialogue ouvert sur l’écosystème fintech qui prend la forme d’un événement annuel, rassemblant en moyenne 400 à 500 personnes.”

Le Forum Fin­tech est l’occasion de par­ta­ger la vision des auto­ri­tés sur les grandes ten­dances de l’innovation, de dis­cu­ter des pro­jets régle­men­taires euro­péens… en pré­sence d’un cer­tain nombre d’acteurs de pre­mier plan. Le Forum Fin­tech a éga­le­ment une fina­li­té péda­go­gique sur l’application de la régle­men­ta­tion à des enti­tés qui uti­lisent les nou­velles tech­no­lo­gies pour pro­po­ser des ser­vices finan­ciers. Enfin, tout au long de l’année, nous pre­nons éga­le­ment part à des évé­ne­ments orga­ni­sés par des orga­nismes pro­fes­sion­nels ou de place, à des sémi­naires de recherche ou webi­naires sur l’ensemble de ces sujets et enjeux. 

Avez-vous des pistes de réflexion à partager avec nos lecteurs ? 

En notre qua­li­té d’observatoire de l’innovation, il nous semble évident que la révo­lu­tion tech­no­lo­gique que repré­sente l’IA va pro­fon­dé­ment impac­ter les banques, les assu­rances, leurs clients, mais aus­si l’APCR dans son rôle et sa mis­sion de contrôle. Fort de ce constat, il me semble très impor­tant d’accorder une atten­tion toute par­ti­cu­lière à la rela­tion entre l’humain et la machine. Si tra­di­tion­nel­le­ment, l’acte com­mer­cial, de contrôle et plus géné­ra­le­ment la régle­men­ta­tion ren­voient à une rela­tion entre deux per­sonnes phy­siques, nous nous diri­geons vers des sché­mas nou­veaux où la rela­tion va doré­na­vant s’établir entre l’homme et la machine. Cette réa­li­té sou­lève de nom­breuses ques­tions en matière de trans­pa­rence, de fia­bi­li­té et d’éthique. L’enjeu est ain­si de gar­der une bonne maî­trise et com­pré­hen­sion de la tech­no­lo­gie afin de pou­voir enca­drer son action sur le plan réglementaire. 

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