Adapter l’offre de financement à l’évolution des besoins

Dossier : Réchauffement climatiqueMagazine N°709 Novembre 2015
Par Jean-Laurent BONNAFÉ (81)

Le diag­nos­tic scien­ti­fique syn­thé­ti­sé par le GIEC affirme que l’humanité a mis en route un chan­ge­ment à grande échelle de notre sys­tème cli­ma­tique, dont les effets com­mencent à être visibles.

Pour Jean-Laurent Bon­na­fé (81), admi­nis­tra­teur direc­teur géné­ral du groupe BNP Pari­bas : « Le diag­nos­tic du GIEC est très lar­ge­ment par­ta­gé, avec un niveau de cer­ti­tude à 95 % qui ne laisse plus d’espace au doute, les acti­vi­tés humaines dérèglent le climat.

“ Nous sommes en mesure de proposer à tous nos clients des produits compatibles avec un scénario à 2 °C ”

« Les scien­ti­fiques nous disent aus­si que nous pou­vons encore émettre 250 Gt de car­bone avant un seuil dan­ge­reux de réchauf­fe­ment à 2 °C, et que cela sup­pose de lais­ser dans le sous-sol près des trois quarts des réserves fos­siles connues et exploi­tables dans les condi­tions tech­niques et éco­no­miques actuelles.

« Cette don­née change à la fois les modes de pro­duc­tion et de consom­ma­tion de nos clients, ce qui nous oblige à la prendre en compte. » Quant à la dimen­sion morale, « c’est sur­tout l’urgence qui s’impose à notre géné­ra­tion : elle est la der­nière à pou­voir encore agir pour res­pec­ter ce seuil ».

Un scénario de rupture

Face à un scé­na­rio de rup­ture type « 2 °C max », qui sup­po­se­rait de ne pas envoyer dans l’atmosphère plus de la moi­tié de ce que nous avons déjà émis, BNP Pari­bas « se pré­pare de deux façons ». « D’une part en maî­tri­sant nos risques », indique Jean-Laurent Bon­na­fé. « Nos poli­tiques de cré­dit intègrent le sujet carbone.

« Le groupe a ain­si refu­sé de finan­cer plus de vingt-cinq cen­trales élec­triques au char­bon repré­sen­tant 159 mil­lions de tonnes de CO2 émises par an (soit 36 % des émis­sions de la France) en rai­son notam­ment d’une effi­ca­ci­té éner­gé­tique insuffisante.

« De façon plus glo­bale, nous allons inté­grer les risques envi­ron­ne­men­taux et sociaux, et notam­ment le risque cli­ma­tique dans notre cadre géné­ral d’anticipation des risques, afin qu’ils soient mieux pris en compte dans le cadre de la régle­men­ta­tion Bâle 3.

« D’autre part, en déve­lop­pant une offre de pro­duits et ser­vices : nous sommes en mesure de pro­po­ser à tous nos clients des pro­duits com­pa­tibles avec un scé­na­rio 2 °C. « L’un des résul­tats concrets de cette stra­té­gie est que le mix élec­trique pro­duit par les entre­prises que nous finan­çons est “en avance de phase” sur le mix mon­dial : il intègre moins de fos­siles et plus de renou­ve­lables et nous allons veiller à conser­ver cette avance. »

ADAPTER L’OFFRE DE PRODUITS ET DE SERVICES

Quelques exemples de ce que fait BNP Paribas. Dans la gestion d’actifs, nous nous sommes engagés à publier l’empreinte carbone de nos fonds et nous développons des produits structurés qui permettent de financer des projets d’efficacité énergétique ou de développement des énergies renouvelables tout en garantissant à l’investisseur son capital et une performance en ligne avec les indices.
Dans la banque de financement, BNP Paribas s’est fixé des objectifs ambitieux en matière d’émission d’obligations vertes et une équipe est dédiée au développement de produits responsables.
Dans la banque de détail, nous accompagnons les particuliers sur la rénovation énergétique de leurs logements, et les PME sur le recours aux renouvelables.

Des gagnants et des perdants

Peut-on sor­tir de la rou­tine pour assu­mer la res­pon­sa­bi­li­té morale que notre géné­ra­tion pour­rait por­ter à l’égard des géné­ra­tions futures ?

Il faut lais­ser dans le sous-sol près des trois quarts des réserves fos­siles connues. © DED PIXTO / FOTOLIA

« Notre acti­vi­té consiste à finan­cer l’économie sur le long terme. La néces­saire tran­si­tion éner­gé­tique afin de limi­ter le réchauf­fe­ment à 2 °C va rebattre les cartes : il y aura les gagnants, qui auront anti­ci­pé la contrainte dans leur stra­té­gie, et les autres. L’existence d’un prix du car­bone ren­drait plus lisible le poids de cette contrainte dans les bilans des entreprises.

« Nous anti­ci­pons éga­le­ment les consé­quences phy­siques du dérè­gle­ment du cli­mat sur nos clients : baisse des ren­de­ments agri­coles, stress hydrique des cen­trales ther­miques sur des fleuves dont l’étiage baisse, moindre accep­ta­tion sociale des éner­gies for­te­ment émet­trices de CO2, etc. : autant de sys­tèmes pro­duc­tifs dont nous avons besoin de com­prendre, aujourd’hui, quand nous les finan­çons sur le long terme, s’ils res­tent rési­lients demain, sous un cli­mat peut-être moins favo­rable à leurs activités.

« Il est clair par exemple que le mix éner­gé­tique que nous finan­çons va évoluer. »

Espérer un accord

Qu’est-ce qu’il sor­ti­ra de la COP 21 ?

“ Un scénario à 2 °C revient à “retarder” le PIB d’une année tous les trente ans ”

« On peut rai­son­na­ble­ment espé­rer un accord », sou­tient Jean-Laurent Bon­na­fé, « même s’il sera dif­fi­cile que cet accord res­pecte les demandes de la science, et même si les condi­tions de sa mise en œuvre res­te­ront sans doute imprécises.

« Les entre­prises ont mon­tré leur volon­té d’avancer sans attendre et c’est la grande avan­cée par rap­port aux COP pré­cé­dentes. Le Busi­ness and Cli­mate Sum­mit de mai der­nier a réaf­fir­mé la néces­si­té de don­ner un prix au car­bone pour relier les dis­cus­sions de la COP 21 avec la géo­po­li­tique de l’énergie et le sys­tème finan­cier mondial. »

Réconcilier des horizons différents

Quels sont les freins à la mise en place de poli­tiques cli­ma­tiques ambi­tieuses ? Quel rôle pour l’État, pour le privé ?

Champ au sol desseché
Le stress hydrique va aug­men­ter © BOUYBIN / FOTOLIA

« Au-delà de la mise en place d’une comp­ta­bi­li­té car­bone dans les pays ou les sec­teurs où elle manque encore, la com­plexi­té vient sur­tout du fait qu’il faut récon­ci­lier des hori­zons dif­fé­rents : court terme pour le finan­ce­ment de la crois­sance éco­no­mique et long terme pour la prise en compte des impacts climatiques.

« C’est pour­quoi il est par­ti­cu­liè­re­ment impor­tant que le coût des exter­na­li­tés soit inté­gré dans les déci­sions et sur­tout qu’une gou­ver­nance inter­na­tio­nale soit mise en place, garan­tis­sant des poli­tiques à long terme homo­gènes qui per­mettent aux acteurs pri­vés et publics de trou­ver, ensemble, des solutions.

« Un scé­na­rio à 2 °C requiert de renon­cer à 0,06 point de PIB mon­dial par an, ce qui revient à “retar­der” le PIB d’une année toutes les trente ans. À l’inverse, ne pas agir peut coû­ter beau­coup plus cher à moyen terme », conclut Jean-Laurent Bonnafé.

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