Adrien Burlacot (X12), le phytoplancton dans le sang
Adrien Burlacot a été récemment distingué par le magazine Forbes parmi les « 30 Under 30 », comprendre : les trente personnalités de moins de trente ans qui pourraient changer le monde.
« Il faut imaginer que la cellule d’une plante est comme une maison avec de grandes baies vitrées, et la photosynthèse comme une sorte de four à l’intérieur de cette maison, qui crée de la nourriture en transformant la lumière et le CO2 ambiant. Mais le rendement n’est pas très élevé : seulement 2 % du rayonnement solaire est ainsi utilisé. Pour les algues, ce taux monte à 5 %, parce qu’elles possèdent une sorte de “compresseur” qui “pousse” le CO2 vers le “four”. Mes recherches portent sur ce mécanisme et sur la possibilité de l’adapter aux plantes terrestres, afin qu’elles synthétisent davantage de CO2. » Voilà résumé, en une image certes très simplificatrice, les travaux qu’Adrien Burlacot mène à Stanford.
La magie du phytoplancton
L’histoire qui conduit à cette belle récompense apparaît comme une sorte de long balancement entre attirance et répulsion pour la biologie. Né à Riom de parents ingénieurs chez Michelin, Adrien Burlacot commence à s’intéresser aux microalgues durant son adolescence, après avoir été impressionné par un documentaire de Yann Arthus-Bertrand. Au lycée, il décide de consacrer son projet de recherches (le TIPE) aux biocarburants : « C’était sympathique, mais en fait j’étais rebuté par la biologie : je trouvais les cours trop encyclopédiques, par rapport à ceux des sciences physiques qui me permettaient, eux, de mieux comprendre le monde. »
Après deux années de prépa, l’une à Clermont-Ferrand (lycée Blaise-Pascal), l’autre à Paris (lycée Stanislas), c’est au cours du service militaire, effectué dans la marine, que le jeune homme est à nouveau confronté à la magie du phytoplancton. Malgré le mal de mer, il navigue dans le golfe de Guinée au titre de la mission Corymbe et accompagne le pacha de son navire dans ses rendez-vous protocolaires. Mais ce n’est ni en mer ni dans les opulents palais ministériels qu’il renoue avec la biologie marine, non, c’est dans les bases de Toulon et de Brest, aux murs desquels sont accrochées de magnifiques photographies de plancton : ce choc esthétique sera essentiel.
De par le vaste monde…
À l’X, par curiosité, Adrien Burlacot reprend des cours de biologie, travaille sur un projet de bactéries dévoreuses de plastique, envisage même d’en étudier les applications pratiques au sein d’une start-up, mais les investisseurs ne sont pas au rendez-vous. Il apprend alors que la King Abdullah University of Science and Technology accueille des stagiaires polytechniciens. « J’aimerais étudier le phytoplancton de la mer Rouge », leur écrit-il, et le voici qui débarque dans ce campus ultramoderne, forteresse de savoir juchée entre le désert et un petit village de pêcheurs. Il passe alors des heures à étudier des microalgues (essayant de prouver, ce qui ne sera pas le cas, que la résistance des phytoplanctons aux virus est proportionnelle à leur taille) et décide de leur consacrer la suite de sa carrière.
In extremis, il renonce à un cursus de biotechnologie en Suède pour s’inscrire au master de biologie des plantes de l’Université Paris-Saclay. « Je ne connaissais rien sur les plantes, tout le monde se moquait gentiment de moi », se souvient-il. Mais qu’importe ? Il rattrape vite son retard et peut rejoindre à Cadarache un laboratoire spécialisé dans ces microalgues qui lui sont chères. Il y fera sa thèse, sur les mécanismes de la photosynthèse au sein de ces minuscules composés aquatiques, puis, après un petit détour par l’université de Californie à Berkeley, sera recruté par la Carnegie Institution pour monter son laboratoire et y mener librement ses recherches.
Sauver le monde ?
Face au défi que représente le dérèglement climatique, on lui demande naïvement où il se situe, entre ceux qui pensent que la science sauvera le monde et ceux qui estiment que la décroissance est notre seule issue. « Il est toujours délicat de prévoir si des recherches scientifiques peuvent déboucher sur des solutions concrètes, répond-il. Mais au moins elles permettent de faire des choix éclairés : quelles plantes cultiver avec le meilleur rendement, dans le climat que connaîtra Clermont-Ferrand en 2050 ? »
“Quelles plantes cultiver avec le meilleur rendement, dans le climat que connaîtra Clermont-Ferrand en 2050 ?”
Un dernier détail, plus personnel. On lui demande ce que fait sa compagne, rencontrée pendant sa thèse. « Elle étudie aussi les microalgues et leur capacité à transformer l’azote atmosphérique en ammonium. Un problème relativement peu médiatisé, mais encore plus important que celui du CO2 », répond-il en esquissant un sourire à la fois malicieux et confiant.