Afrique, France, des pages qui se tournent
Il y a tout juste trente ans l’avion du président rwandais était abattu par un tir de roquette, événement qui allait déclencher le troisième génocide du XXe siècle. Plusieurs milliers de soldats français ont été sur place dans cette période. Dans la lutte entre le pouvoir de la majorité Hutu et les troupes du Front patriotique rwandais, Tutsi, la France du tournant des années 1990 soutenait le chef de l’État institutionnel. Trois décennies après, Paul Kagamé est toujours au pouvoir et les traces laissées par le rôle ambigu de la France restent vives.
Vingt ans plus tard lorsque la France, appelée en renfort par le pouvoir malien pour arrêter des colonnes de rebelles touareg et salafistes, a pu conduire une campagne victorieuse, le président Hollande a parlé de « plus beau jour de [sa] carrière politique ». Moins de dix ans après, Ibrahim Boubacar Keïta était renversé et les Français devenus indésirables.
Le coup d’État au Niger en 2022 s’est traduit par le départ de nos militaires et de la représentation française. Au Burkina Faso la situation n’est guère plus flatteuse pour le drapeau tricolore. Au Sénégal et en Côte d’Ivoire, la relation à l’ancien colonisateur revient de proche en proche comme enjeu électoral.
“Il faut se faire à l’idée que le rôle de la France soit modeste.”
En 2015, alors conseiller au cabinet du Premier ministre, je me souviens qu’avec mon collègue diplomate nous avions été chargés d’accompagner, autant que faire se pouvait, la mobilisation d’un ancien ministre de l’Énergie qui s’était donné la mission d’« électrifier l’Afrique ». Manifestement trop ambitieuse, elle fit long feu.
Il y a quelques semaines, une ministre du précédent quinquennat, qui s’emploie au développement d’entreprises en Afrique, disait : « Il est temps de s’occuper du continent africain. » Certes sa qualité de métisse africaine lui permettait une formule qui sinon paraît, et faut-il le regretter ? anachronique voire légèrement déplacée.
L’Afrique noire est mal partie, disait René Dumont en 1962 avec un regard de décolonisateur engagé. Au point d’arrivée six décennies plus loin, quoi qu’il en soit de la prescience de ce regard politiquement incorrect, la part de nos échanges commerciaux avec l’Afrique subsaharienne francophone est devenue négligeable ; Nigeria, Angola, Afrique du Sud sont nettement devant. Il faut se faire à l’idée que le rôle de la France soit modeste au regard des enjeux économiques, démographiques et environnementaux du développement du continent africain, en dépit ou en partie à cause d’un passé commun qui est ce qu’il est.
Ce numéro de La Jaune et la Rouge propose un tableau synoptique du continent incommensurable et passionnant, amené à peser de plus en plus dans les décennies à venir. L’affaire du siècle ?
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Commentaire
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Je suis surpris de la teneur politique des trois premiers paragraphes. Est-ce le rôle de l’AX que d’écrire « le rôle ambigu de la France » ou « la situation n’est guère plus flatteuse pour le drapeau tricolore » ?