Agent des sûretés & fiduciaire : le duo gagnant qui sécurise le refinancement des entreprises en difficulté
Aymeric Mahe, directeur de Glas pour les bureaux français, allemand et d’Europe Continentale, et Benjamin Raillard, cofondateur et directeur général de Pristine, reviennent sur le rapprochement entre leurs deux entreprises* et nous en disent plus sur les services à forte valeur ajoutée que ce nouvel acteur français peut offrir à l’écosystème du restrucuring.
Qui est Glas et quel est son cœur de métier ?
Aymeric Mahe : L’activité exclusive du groupe GLAS est le métier d’agent financier. Concrètement, nous proposons uniquement aux entreprises des prestations de services de gestion des flux de paiement et de tâches administratives (comme les obligations d’information et de gestion des sûretés) dans le cadre d’un financement contracté auprès de banques ou de prêteurs alternatifs (fonds de dette…). Il s’agit d’une désintermédiation des services d’agents qui étaient traditionnellement offerts, d’une part, par les banques, qui pour certaines aujourd’hui souhaitent externaliser ce volet afin de se concentrer sur des tâches plus rentables ou à plus forte valeur ajoutée, et, d’autre part, par les prêteurs alternatifs qui ne disposaient pas forcément de service « middle » et « back office ».
GLAS est donc positionné sur un marché de niche et a vocation à offrir la plus large palette de services sur ce segment : agent du crédit, des sûretés, des flux, d’information, administratif… Au cœur même de notre intervention, on retrouve toujours cette notion de gestion des flux de paiement et des tâches administratives liés à des instruments de dette. Aujourd’hui, nous travaillons avec les principaux acteurs de la place aussi bien côté banque (BNPP, Société Générale, Deutsche Bank…) que fonds de dette (BlackRock, Barings, Bridgepoint, Tikehau, Eurazeo…).
En parallèle, en notre qualité d’agent indépendant, nous sommes régulièrement amenés à intervenir dans des opérations de restructuring impliquant des entreprises en difficulté. Ce sont, en effet, des dossiers qui nécessitent un fort rôle de coordination de l’agent avec d’importants flux d’informations, de données et de calculs à gérer dans des délais souvent très courts. L’agent se positionne donc comme un acteur central qui collecte l’ensemble de ces éléments pour le compte des différentes parties prenantes.
Plus particulièrement, sur des opérations de restructuration plus dures, l’agent peut être amené à réaliser des sûretés en sa qualité d’agent des sûretés. Sur ce segment, GLAS intervient sur d’importantes restructurations de la place publique comme Orpéa, Pierre et Vacances, Comexposium, SMPC…
Le groupe GLAS emploie aujourd’hui près de 300 personnes dont une trentaine à Paris. Nos autres équipes sont basées à Londres, à Francfort, à New York ou encore en Australie. Depuis Paris, nous intervenons sur des opérations au Benelux, en Espagne, et dans les pays frontaliers de l’Europe de l’Ouest. Nous opérons via notre passeport d’agrément de prestataire de service de paiement obtenu auprès de l’ACPR en 2019.
Qu’en est-il de Pristine ? Quels sont ses expertises et son périmètre d’action ?
Benjamin Raillard : Pristine est une société de gestion agréée par l’AMF qui a deux activités. La première consiste à structurer et à gérer des fonds d’investissement alternatifs dans le cadre d’opérations de financement assez complexes. À titre d’illustration, nous venons de lancer, sous l’égide d’une banque d’investissement américaine, un FCT (Fonds Commun de Titrisation) visant à organiser le refinancement de l’Olympique Lyonnais pour 320 millions d’euros sur 20 ans. Notre seconde activité est celle de fiduciaire. Bien connue des praticiens du retournement, la fiducie permet de créer des patrimoines d’affectation dits « bankrupty remote » ou « imperméable aux défauts », ayant pour but de sanctuariser des actifs et par cela même d’encadrer et de réduire les risques attachés à une opération de financement ou de M&A.
Prenons un exemple de fiducie dite « sûreté ». Quand des créanciers étudient la possibilité de financer une entreprise faisant état d’une solvabilité dégradée ou de difficultés financières avérées, ceux-ci peuvent se protéger en s’accordant avec le débiteur pour que celui-ci transfére en fiducie des actifs (titres de société, actifs immobiliers, créances, propriété intellectuelle, liquidités…) dont le fiduciaire va devenir le propriétaire juridique. Le fiduciaire aura alors pour mission de détenir et le cas échéant de gérer ces actifs, selon les modalités du contrat de fiducie, et avec pour mission ultime en cas de défaillance du débiteur, de les réaliser afin de désintéresser les créanciers.
Par le biais de la fiducie, l’idée est donc de créer une sûreté très forte qui se matérialise au travers d’un transfert de propriété juridique afin de rendre possible le financement des entreprises et, plus particulièrement, celui des entreprises en difficulté.
D’autres fiducies dites « gestion » ne visent pas la sécurisation d’une dette, mais chargent le fiduciaire, tiers de confiance dont la présence et l’action sont valorisées par l’ensemble des parties, d’effectuer un certain nombre d’actions structurantes dans le cadre d’une transaction.
Vos actualités respectives sont marquées par le récent rapprochement entre GLAS et Pristine*. Pouvez-vous nous en dire plus ?
B.R : Il existe des synergies très fortes entre nos métiers. GLAS, dans son rôle d’agent, gère les engagements et les flux entre un emprunteur et ses créanciers. Ceux-ci peuvent, par exemple, devoir être sécurisés, notamment par une fiducie. Ainsi, les agents et les fiduciaires proposent des services qui s’imbriquent naturellement, leurs actions se renforçant mutuellement.
En fait, nous nous positionnons comme une « boîte à outils » absolument incontournable pour des entreprises en difficulté qui doivent négocier et refinancer leur dette. Nous mettons en place et exécutons les schémas opérationnels qui rendent faisables ces refinancements.
GLAS, avec sa position de leader sur son marché avec près de 320 milliards sous supervision, et Pristine, connue pour des solutions structurées à la croisée du droit et de la finance, offrent ensemble un panel de services à très forte valeur ajoutée. En effet, ce rapprochement nous permet de créer un acteur avec une plateforme française de plus de 40 personnes opérant sous la double égide de l’ACPR et de l’AMF, ce qui, sur le marché national et européen, est une proposition assez unique, voire inédite.
Dans le monde du restructuring, quels sont les besoins et les attentes de vos différents interlocuteurs ?
A.M : Tout d’abord, une très haute qualité de l’exécution et une très grande réactivité qui nous permettent, aussi bien à GLAS que Pristine, de rendre le service et la prestation attendus.
Plus particulièrement, du côté de GLAS, nous offrons donc des services de « middle » et « back office » qui aujourd’hui sont délaissés et automatisés par les grandes structures bancaires de la place. Pour des opérations complexes, telles que celles sur lesquelles nous nous positionnons, nos clients recherchent des experts et des compétences capables de comprendre et d’appréhender toute la subtilité et la complexité de leurs transactions, d’être à leur écoute et de leur répondre très vite et dans des délais très serrés.
Et vous travaillez également avec l’État. Pouvez-vous nous en dire plus ?
B.R : En effet ! Nous travaillons avec tous les acteurs, notamment l’État qui a directement ou indirectement régulièrement recours à la fiducie pour aider les entreprises en difficulté à se refinancer, mais aussi pour sécuriser ses propres expositions. Parmi les exemples que l’on peut citer, le dossier Pierre & Vacances, dans lequel une conversion de la dette incluant 210 millions de PGE, a donné lieu au transfert en fiducie des titres de capital issus de la conversion. Pristine détient ainsi une participation dans cette société avec pour mission d’organiser le retour à meilleur fortune de l’État dans le temps long.
Quel regard portez-vous sur la situation actuelle ? À quoi faut-il être plus particulièrement vigilant ?
B.R : Depuis près d’un an, il y a une réappréciation assez conséquente du risque corrélée à la remontée des taux d’intérêt qui entraîne une hausse du coût du capital et une dépréciation du prix des actifs. Dans ce contexte, les entreprises ont de plus en plus de difficultés à se refinancer. On observe une hausse du nombre d’entreprises en difficulté, d’opérations visant à rationaliser les bilans (carve-out…) et d’extensions forcées des maturités de financement. Le secteur de l’immobilier en est évidemment la partie la plus visible, mais le changement de paradigme touche de très nombreuses industries. Plus que jamais dans ce contexte, l’enjeu principal est de pouvoir exécuter de manière sécurisée ces opérations.
Aujourd’hui, comment vous projetez-vous sur le marché ? Quelles sont vos ambitions ?
B.R : Nous avons une position de leadership sur nos métiers respectifs : agent et fiducie. Dans le contexte actuel, nos services ont vocation à devenir incontournables ce qui nous ouvre de très belles perspectives de développement. Notre but de tous les jours est de s’adapter aux contraintes de nos clients et de les aider à exécuter leurs transactions, vitales pour la poursuite de leur exploitation ou leur gestion de risque. Quant à la partie fonds, nous disposons de quelques outils très intéressants. Plus lourds à mettre en place, ils sont réservés aux applications ad hoc, mais les possibilités en financement, sécurisation et transfert de risque sont multiples.
A.M : Si nous nous positionnons comme un acteur français, un de nos grands avantages compétitifs est la capacité de traiter des dossiers complexes à l’international (société étrangère en France ou française à l’étranger), alors que certaines affaires de restructuring nécessitent des ouvertures de procédures collectives dans plusieurs juridictions. Sur cette typologie de dossiers extrêmement complexe où il y a des éléments d’extraterritorialité, la qualité de l’exécution et la capacité à mettre en place des sûretés sont critiques.
* L’acquisition est encore sujette à l’approbation finale de l’AMF.