Groupe Alpha : Agir ensemble pour « la performance collective »

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°763 Mars 2021
Par Pierre FERRACCI
Par Estelle SAUVAT

Le Groupe Alpha a choi­si his­to­ri­que­ment et stra­té­gi­que­ment de conseiller tous les par­ties pre­nantes œuvrant au dia­logue social en France. Le Groupe Alpha a ins­crit son action dans une vision ori­gi­nale et auda­cieuse de l’entreprise et du rap­port entre tous ses acteurs, misant réso­lu­ment sur la construc­tion de nou­veaux espaces de dia­logue social et ter­ri­to­rial. Ceux-ci s’avèrent encore plus néces­saires aujourd’hui pour sor­tir de la crise. Pierre Fer­rac­ci, Pré­sident, et Estelle Sau­vat, Direc­trice Géné­rale du Groupe Alpha, nous éclairent davantage.

La crise sanitaire a mis en évidence une nécessité stratégique, voire vitale, pour les entreprises de repenser et de faire évoluer leurs modèles d’affaires. Qu’en est-il ?

La crise sani­taire a sou­vent été le déclen­cheur de l’évolution des entre­prises. Nous voyons d’ores et déjà ce chan­ge­ment à court terme. Cepen­dant, il faut s’intéresser à cette trans­for­ma­tion à long terme puisque le « filet de secours » mis en place par le gou­ver­ne­ment (chô­mage par­tiel, PGE, déca­lage ou exo­né­ra­tion de charges) ne dure­ra pas éter­nel­le­ment en obli­geant les entre­prises, notam­ment les plus faibles, à trou­ver d’autres issues de secours. Les entre­prises les mieux orga­ni­sées ont pro­fi­té de ce contexte de crise pour revi­si­ter leurs modèles stra­té­giques parce qu’à côté de la pan­dé­mie, il y a d’autres évo­lu­tions, la révo­lu­tion numé­rique qui conti­nue à avan­cer à grands pas ou celle, orga­ni­sa­tion­nelle, du télé­tra­vail. Et là, nous tou­chons aus­si à la pro­tec­tion des sala­riés car, au-delà du télé­tra­vail, se posent des ques­tions essen­tielles sur les­quelles nous serons obli­gés de réflé­chir. L’entreprise crée aus­si du lien social et pas seule­ment de la per­for­mance économique.

Au-delà, il y a des habi­tudes de consom­ma­tion et d’investissement qui vont sans doute chan­ger et pro­ba­ble­ment de manière durable, comme l’illustrent, par exemple, le sec­teur du ciné­ma face à Net­flix ou ceux des hôtels et des com­pa­gnies aériennes qui ont non seule­ment souf­fert du ralen­tis­se­ment éco­no­mique mais éga­le­ment du chan­ge­ment, plus ou moins annon­cé, des habi­tudes de consom­ma­tion. Cela démontre à quel point le fait de revi­si­ter un modèle stra­té­gique s’avère com­pli­qué aujourd’hui. Per­sonne ne peut pré­dire le futur de cette trans­for­ma­tion. Avec la réces­sion éco­no­mique, seules les pro­chaines années révé­le­ront les modèles d’affaires les plus rési­lients et ceux qui ont su et pu se réin­ven­ter afin de s’adapter au nou­veau modus ope­ran­di mondial.

Ce virage extrê­me­ment dif­fi­cile a mis en valeur le dia­logue social entre les dif­fé­rentes par­ties pre­nantes (repré­sen­tants du per­son­nel et direc­tions d’entreprises). La gra­vi­té de la situa­tion les a obli­gées à four­nir des efforts et à trou­ver des solu­tions non seule­ment pour pro­té­ger les sala­riés, mais aus­si pour assu­rer la péren­ni­té de l’entreprise. Avec une forme de regain, de part et d’autre, de l’échange, du dia­logue, de la négo­cia­tion. Au tra­vers du dis­po­si­tif des tran­si­tions col­lec­tives, nous obser­vons aus­si, avec inté­rêt, les inten­tions du plan de relance pour pré­ser­ver l’emploi en assu­rant des pas­se­relles entre orga­ni­sa­tions et branches professionnelles. 

Même si nous avons quelques inter­ro­ga­tions sur le modèle choi­si par le gou­ver­ne­ment et sur la rapi­di­té de sa mise en place, un tel sys­tème, qui incite les per­sonnes à pas­ser d’une entre­prise à l’autre en choi­sis­sant la recon­ver­sion pro­fes­sion­nelle, peut être une bonne voie, à condi­tion de pré­voir des temps longs pour « atter­rir ». Cela va beau­coup dépendre de la capa­ci­té des entre­prises à s’en empa­rer. Nous-mêmes, nous sommes pro­mo­teurs de modèles beau­coup plus inci­sifs visant à mettre un maxi­mum de per­sonnes en situa­tion de for­ma­tions longues et à s’assurer de pou­voir retrou­ver les com­pé­tences dont l’économie aura besoin pour sor­tir de cette crise, qui va durer… Sur le plan mon­dial, la bataille des com­pé­tences a débu­té depuis plu­sieurs années et la France doit plus que jamais ren­for­cer ses inves­tis­se­ments en ce sens. C’est un vrai pari et cela doit être aus­si le pari de l’État.

Quel rôle pouvez-vous jouer afin de mieux accompagner les entreprises et les collectivités pour réussir ce défi ?

Nous sommes pré­sents à la fois auprès des entre­prises et dans le débat public. Aujourd’hui, il y a une pré­oc­cu­pa­tion élé­men­taire de la ges­tion des prêts garan­tis par l’État. Cer­taines entre­prises se pose­ront la ques­tion de l’investissement et de la crois­sance externe alors que d’autres, moins chan­ceuses, réflé­chi­ront à la trans­for­ma­tion de ces dettes en fonds propres. Il y a de forts enjeux d’ordre finan­cier liés à la mobi­li­sa­tion de ces moyens excep­tion­nels de l’État qu’il fau­dra tôt ou tard rembourser.

En paral­lèle, les enjeux envi­ron­ne­men­taux liés à la pro­tec­tion de la pla­nète res­tent très pré­sents mal­gré les pré­oc­cu­pa­tions du contexte socio-éco­no­mique. Le Groupe Alpha par­ti­cipe à cette muta­tion pro­fonde qui inté­resse les repré­sen­tants du per­son­nel, les syn­di­cats, les diri­geants des entre­prises ain­si que les action­naires. Nous nous effor­çons donc de les aider à trou­ver le bon aequilibrium.

Par ailleurs, nous accom­pa­gnons les par­ties pre­nantes dans la nou­velle réflexion sur les condi­tions de tra­vail qui va au-delà de ce qui a été fait jusqu’à pré­sent. Il y a des ques­tions nou­velles posées par le déve­lop­pe­ment du télé­tra­vail, qui relèvent du bien être indi­vi­duel et des contraintes psy­cho­lo­giques liées à l’isolement. Cette crise est l’occasion de revi­si­ter les ques­tions de la san­té et de la qua­li­té de vie au travail.

Dans ce contexte, comment avez-vous adapté votre accompagnement pour contribuer à « la performance collective » qui est au cœur de votre approche et de votre vision ?

Nous avons d’abord abor­dé ce volet de per­for­mance col­lec­tive en ques­tion­nant les par­ties pre­nantes sur ce qu’elles attendent en termes d’atterrissage à la sor­tie de la crise. Cela sup­pose que nous par­ta­geons un pos­tu­lat, la recherche d’un cercle ver­tueux selon lequel les richesses créées par les efforts four­nis par les sala­riés pen­dant la crise seront redis­tri­buées de manière équi­table à la fin, dès retour à meilleure for­tune. C’est cette phi­lo­so­phie que nous sou­hai­tons ins­til­ler à tra­vers l’approche de la « per­for­mance col­lec­tive ». À nos yeux, c’est sur ce ter­rain que nous pou­vons construire des négo­cia­tions équi­li­brées, en vue de par­ve­nir à de nou­veaux accords sociaux pour l’avenir. Cela sup­pose natu­rel­le­ment de se don­ner des gages et de tenir les pro­messes pour sor­tir de la crise.

Cela nous oblige, au même titre que les acteurs qui nous sol­li­citent, à faire preuve d’une agi­li­té extrême. Aujourd’hui, il est impos­sible de tout pla­ni­fier, notam­ment en rai­son de trans­for­ma­tions tech­no­lo­giques et d’évolutions de la concur­rence que per­sonne ne peut pré­dire. Il faut donc pou­voir réagir très vite et se doter d’une capa­ci­té d’innovation, y com­pris orga­ni­sa­tion­nelle. L’agilité, c’est certes être en capa­ci­té de savoir ce qui va se jouer dans deux ans, cinq ans, et, bien sûr, il y a des sec­teurs qui s’y prêtent davan­tage que d’autres, mais c’est sur­tout s’adapter avec le moins d’impacts néga­tifs pos­sibles, sur le plan éco­no­mique comme sur le plan social. Si nous n’anticipons pas, il y aura des déra­pages sérieux que nous ne pour­rons pas gérer. Nous voyons bien que, dans la ges­tion de la crise sani­taire, le manque d’anticipation, qu’il soit de quelques semaines ou de quelques années, nous coûte très cher. Le fait de ne pas inves­tir suf­fi­sam­ment, pour nous sor­tir de l’impasse sani­taire dans laquelle nous sommes, va se tra­duire par un coût éco­no­mique et social beau­coup plus impor­tant que ce que nous pou­vons encore ima­gi­ner aujourd’hui. N’occultons pas le fait que lorsque nous par­lons d’agilité ou de mobi­li­té, cela peut sus­ci­ter des craintes chez les sala­riés et chez les repré­sen­tants du per­son­nel. Paral­lè­le­ment, lorsque nous par­lons de sécu­ri­té et de qua­li­té de vie au tra­vail, cela peut faire peur aux diri­geants. Or, c’est bien sur ces enjeux déter­mi­nants, cru­ciaux pour la relance, qu’il faut trou­ver un équi­libre. Nous voyons bien que la per­for­mance sociale découle de la per­for­mance éco­no­mique et que l’inverse est tout aus­si vrai. 

Les accords sociaux doivent tenir compte de ces ques­tions. Et, s’il y a des efforts deman­dés aux sala­riés sur l’évolution de leur pou­voir d’achat, il faut que les équipes diri­geantes ou les action­naires donnent aus­si des signes. Nous sommes par­ti­sans et arti­sans de la recherche de ces équi­libres-là et nous fai­sons en sorte d’ailleurs de l’instaurer au sein du Groupe Alpha avant même de l’évoquer auprès de nos clients. Cela nous rend conscients davan­tage de la com­plexi­té de la démarche. Ain­si, afin de bâtir des socles sociaux et éco­no­miques solides, faut-il prendre en consi­dé­ra­tion les fac­teurs externes déter­mi­nants évo­qués plus haut. Il ne suf­fit pas de dis­ser­ter sur la rai­son d’être d’une entre­prise, il faut qu’elle se tra­duise en actions claires dans son fonc­tion­ne­ment. Cela est d’autant plus impor­tant que nous sommes aujourd’hui face à une concur­rence mon­diale accrue. Il y a aujourd’hui, face à une pan­dé­mie mon­diale, une réelle exi­gence de renou­ve­ler notre modèle social, mais cela ne doit pas se faire n’importe com­ment, dans un excès ou dans l’autre, comme ce que nous pou­vons consta­ter pour le télé­tra­vail. Il faut, tant au niveau micro-éco­no­mique qu’à l’échelle du pays et de l’Europe, repen­ser nos modèles en inté­grant les dimen­sions éco­no­miques, sociales et envi­ron­ne­men­tales et en étant par­ti­cu­liè­re­ment sou­cieux des rythmes à res­pec­ter et des contra­dic­tions à sur­mon­ter. L’indispensable pro­tec­tion de la pla­nète doit aller de pair avec la soli­di­té de notre modèle éco­no­mique et la réduc­tion des inéga­li­tés sociales. Le Groupe Alpha s’y emploie avec détermination.


En bref

Nous sommes aujourd’hui 900 consul­tants dans le Groupe, dont les exper­tises sont diver­si­fiées. Dotées d’experts-comptables, de spé­cia­listes finan­ciers, de consul­tants très spé­cia­li­sés sur le ter­rain des res­sources humaines ou de la san­té au tra­vail, les com­pé­tences du Groupe s’étendent à la fois sur le ter­rain du conseil, de l’audit et de l’accompagnement des mana­gers ou des sala­riés dans des contextes de trans­for­ma­tion ou de réor­ga­ni­sa­tion d’entreprises. Ces nom­breuses com­pé­tences nous amènent à être par­ti­cu­liè­re­ment mobi­li­sés dans le contexte de crise que tra­verse notre pays. Dans nos mis­sions, nous arti­cu­lons autant des sujets rela­tifs à la pré­ser­va­tion de l’emploi, à l’amélioration des condi­tions de tra­vail, au déve­lop­pe­ment des com­pé­tences qu’à la recon­ver­sion pro­fes­sion­nelle des sala­riés tou­chés par la crise. Nous accom­pa­gnons acti­ve­ment de nom­breuses entre­prises en France pour sor­tir de la crise dans les meilleures condi­tions pos­sibles. Nous sommes regrou­pés en deux branches d’activité : Seca­fi (CSE et CHSCT) et Séma­phores (entre­prises et sec­teur public).

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