Agir pour le droit et la dignité des migrants
Aucun jour ne se passe sans que les équipes de La Cimade ne soient sollicitées par des dizaines de personnes en difficulté, par la conjointe française d’un étranger qui risque l’expulsion, par un étranger en situation régulière auquel on interdit de faire venir sa femme et ses enfants. Des cas souvent dramatiques, qui nécessitent un appui, une présence, une solidarité.
Des situations dramatiques
Une ressortissante de la République démocratique du Congo est venue en France se faire soigner pour une forme grave de diabète dont son père est décédé. Elle a été placée en rétention à Rouen puis libérée au vu du certificat médical attestant qu’elle ne pouvait recevoir des soins adaptés dans son pays en cas de retour. Après s’être présentée à la préfecture munie de ce certificat médical, elle a été interpellée à nouveau puis embarquée en direction de la RDC, malgré son dossier médical et avant son passage devant le juge.
Un couple d’Équatoriens et leur fille de deux ans et demi ont été placés au Centre de rétention de Rennes en juillet 2008 alors que, vivant régulièrement en Belgique, ils passaient deux semaines de vacances dans le nord de la France. Malgré la preuve de la régularité de leur séjour en Belgique, les forces de police françaises les ont tout de même reconduits à la frontière franco-belge, après un séjour en local de garde à vue et une semaine au Centre de rétention de Rennes.
Lisa, Congolaise, et Jean-Luc, Français, se sont mariés en novembre 2005. La préfecture a rejeté toutes les demandes de titre de séjour de Lisa, exigeant qu’elle aille auparavant au Congo chercher un visa. Lisa, qui par ailleurs est suivie en France pour de graves problèmes cardiaques, ne veut pas partir pour un séjour qui durerait sans doute plusieurs mois. D’autant plus qu’elle serait séparée de son mari. Fin 2007 elle a été enfermée au Centre de rétention de Nîmes pendant cinq jours. Cette situation est d’autant plus absurde que mariée avec un Français depuis trois ans, Lisa est inexpulsable !
Avec plus de soixante groupes locaux répartis sur tout le territoire, y compris à Mayotte et en Guyane, La Cimade accueille, oriente et défend les personnes étrangères et demandeuses d’asile en situation précaire ou dont les droits sont menacés.
La Cimade contribue également à l’insertion des migrants. Elle agit en faveur de l’égalité de leurs droits économiques, sociaux et culturels et met en oeuvre des actions d’accompagnement des personnes concourant au » vivre ensemble « . Ces activités, menées dans plusieurs régions, comprennent des actions socialisantes et notamment l’apprentissage du français. Elles sont également au cœur du travail quotidien exercé dans le Centre d’accueil de demandeurs d’asile de Béziers et au Centre provisoire d’hébergement pour réfugiés de Massy. Ces établissements hébergent près de 200 personnes par an.
La Cimade a choisi d’être présente aux côtés des étrangers enfermés. Un réseau de bénévoles est présent dans de nombreux établissements pénitentiaires pour soutenir les détenus étrangers.
Une solidarité internationale
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Depuis près de soixante-dix ans, l’Association est restée fidèle à ses statuts qui affirment qu’elle a pour but de » manifester une solidarité active avec ceux qui souffrent, qui sont opprimés et exploités et d’assurer leur défense, quelles que soient leur nationalité, leur position politique ou religieuse « . Mais elle a su adapter son action aux enjeux de l’époque. » Un hasard transformé en destin à travers un choix continu « , comme le disait Paul Ricœur. Elle a œuvré pour la réconciliation franco-allemande, puis s’est impliquée auprès des peuples du Sud en lutte pour l’indépendance et la décolonisation. Ainsi, elle bénéficie aujourd’hui d’une expérience considérable en matière de solidarités internationales, façonnées par l’histoire contemporaine et par une multitude de partenaires.
Expulsions et accueil
Son président, Patrick Peugeot (57), se souvient des mots prononcés par Michel Rocard à l’occasion du cinquantenaire de l’Association : » La France ne peut accueillir toute la misère du monde. » Et il se souvient aussi que Michel Rocard avait ajouté » Mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part. »
Toute politique, y compris sociale, est faite de compromis entre des objectifs antagonistes, sous l’éclairage de valeurs reconnues essentielles, dans des dialogues d’opinions, des échanges entre pouvoirs et contre-pouvoirs. La Cimade se situe comme un contre-pouvoir dans le débat sur la politique à l’égard des migrants.
Le retour à des valeurs humaines de fraternité et de justice pour contrer la négation des valeurs de solidarité
Le statut de témoin libre de sa parole, qu’elle revendique, et sa connaissance aiguë des situations dans lesquelles vivent concrètement les immigrés conduisent l’Association à des positions parfois très critiques à l’égard des lois et des pratiques récentes en France ainsi que projets et décisions de l’Union européenne, contre ce qu’elle stigmatise comme » cette logique sécuritaire à l’oeuvre et cette négation des valeurs de solidarité qui se propage dans notre société « . Elle appelle » au retour à des valeurs humaines de fraternité et de justice qui, seules, pourraient inverser la tendance « .
Une politique migratoire concertée
» Alors qu’il y a quelques années, plus de la moitié des sans-papiers accueillis parvenaient à être régularisés, aujourd’hui, lorsqu’un bénévole obtient la régularisation d’un individu, cela relativise l’échec des neuf autres… En aucun cas le contrôle des flux migratoires ne peut primer sur le respect des droits humains. Parce que les migrants sont notre monde et qu’ils font celui de demain, La Cimade propose de construire une politique migratoire et d’accueil concertée, qui respecte le droit international, et se fonde sur les principes d’humanité, d’égalité et de justice. »
Des ponts, pas des murs
Et, si elle a aujourd’hui l’âge d’une vieille dame (en septembre 2009, l’Association célébrera ses 70 ans), ses dernières campagnes, contre la » directive de la honte « , en faveur des couples mixtes ou encore au sein du réseau » Des ponts, pas des murs « , ses récents rapports d’observation sur le fonctionnement des centres de rétention, l’afflux des migrants dans ses permanences ou encore le poids politique de ses actions montrent combien l’Association est en prise avec des problématiques qui sont au coeur d’une actualité qui dépasse largement les frontières de l’Hexagone.