Ah l’eau
Il fallait être bien caché pour ne pas avoir suivi les multiples épisodes de la saga « baignade à Paris ». Plongera quand, plongera pas ? Nageront, nageront pas ? On annule tout et finalement pas ? Il a eu beau pleuvoir comme jamais, la Seine aussi a été une fête.
Ce mois-ci dans La Jaune et la Rouge vous apprendrez beaucoup de choses sur la gestion des fleuves, des rivières et des nappes, l’articulation entre le cadre européen et l’échelon national, l’astucieuse organisation par bassins versants qui fête ses soixante ans.
Les baromètres d’opinion – que la Direction de l’eau et de la biodiversité fait faire de proche en proche depuis 2011 – sur la perception par le grand public des enjeux relatifs à la ressource aquatique, parmi les différentes inquiétudes environnementales, révèlent que, avant l’émergence du changement climatique comme première d’entre elles, c’était toujours l’eau potable qui arrivait d’abord. Venaient ensuite la préservation des espèces et la qualité de l’air.
On lit dans le dernier baromètre que l’attention autour de la question de l’eau, si elle a glissé du premier au deuxième rang, est restée à un haut niveau d’occurrence, citée constamment par plus de 40 % des interrogés. Avec en sous-thèmes toujours la qualité de l’eau potable et, derrière, des problématiques qui ont tendance à se faire progressivement plus aiguës, l’accès à la ressource pour tous les usages (besoins industriels, agricoles…) et la prévention des inondations.
“C’était toujours l’eau potable qui arrivait en tête des préoccupations.”
Le changement climatique étant irrémédiablement en marche, avec à craindre bien plus que deux degrés supplémentaires en moyenne dans l’Hexagone dans les décennies à venir, exit le ski alpin, mais aussi bienvenue aux sécheresses de plus en plus aiguës et aux épisodes pluvieux plus sévères (en moyenne s’entend), à la hausse du niveau de la mer et au recul du trait de côte. Autrement dit, le problème, ce sera celui de l’eau !
C’est là que sera mis à l’épreuve le système remarquable de gestion conçu dans les années 1960 en complément du millefeuille administratif territorial, autofinancé, doté de la capacité de diagnostic, d’ingénierie, de financement et de fabrication des consensus politiques. La France étant une terre de projets de toutes sortes, comme on a pu l’admirer cet été, et d’ingénieurs pour les conduire, soyons optimistes pour la résilience de notre cycle de l’eau, et réjouissons-nous de savoir que les ingénieurs auront les rôles importants à jouer pour que nous continuions à l’avoir au robinet.
Et avant cela il faut qu’ils se forment. Bienvenue dans la communauté à la promotion X2024 du cycle ingénieur, qui vient de rentrer de La Courtine et s’apprête à entamer son stage de formation humaine et militaire. Il est décevant de constater qu’en son sein il n’y a que 15 % de femmes, alors qu’on était plus proche des 20 % les dernières années.
Le collectif Maths et Sciences s’est attaché depuis quelques années à évaluer à partir des données chiffrées les conséquences de la réforme des filières du secondaire. Dans une synthèse éclairante, il attribue hélas à celle-ci un plongeon de la part des filles dans les spécialités scientifiques, pressent la poursuite de la baisse du niveau général en maths, et donc une projection plus difficile vers les classes préparatoires. Dans une tribune récente cosignée par l’AX, il y voit par continuité la raison de la baisse des effectifs dans les écoles d’ingénieurs constatée à la rentrée 2024. Pour fournir au pays des ingénieurs au bon niveau face aux problèmes du siècle, c’est d’abord dans le secondaire que les choses se joueront. Espérons que la fragilité des équilibres politiques actuels n’empêchera pas la nécessaire remontada.