Ai for Alpha Mettre de l’IA dans la finance
En 2020, Béatrice Guez (X94) a cofondé AI for Alpha, société qui utilise les techniques d’apprentissage automatique les plus avancées pour fournir des anticipations précises sur les marchés financiers. Ce processus se traduit par une allocation d’actifs dynamique qui s’adapte en temps réel à l’évolution des conditions de marché.
Quelle est l’activité de AI for Alpha ?
AI for Alpha utilise différentes techniques d’apprentissage automatique (machine learning) pour aider les professionnels de la finance dans leurs décisions d’investissement. L’offre est structurée autour de trois thèmes : des outils d’aide à la décision (détection de régimes de marché par classe d’actifs, scan des marchés, analyse du positionnement d’acteurs majeurs), des outils de decoding permettant de décrypter des stratégies d’investissement et d’analyser leurs expositions, enfin des solutions d’investissement fondées sur ces technologies (allocation d’actifs, stratégies commercialisées par les banques d’investissement).
Quel est le parcours des fondateurs ?
Je suis Béatrice Guez, X94, cofondatrice et dirigeante. J’ai travaillé plus de vingt ans en ingénierie financière dans différentes banques d’affaires. J’ai décidé il y a trois ans de quitter le monde des grandes banques, d’utiliser ma connaissance métier et mon expertise technique pour participer activement à la transformation du métier de la gestion d’actifs, grâce en particulier à l’intelligence artificielle.
Éric Benhamou, X94, cofondateur et responsable R & D, a été responsable quant dans des banques d’investissement, puis a créé une fintech de valorisation de produits dérivés complexes, Pricing Partners. Il s’est ensuite spécialisé en intelligence artificielle et enseigne aujourd’hui en master le cours d’apprentissage par renforcement. Éric jouit d’une très forte notoriété au sein du monde académique.
Jean-Jacques Ohana, avec plus de vingt ans d’expérience dans l’asset management en tant qu’ingénieur quantitatif, entrepreneur et directeur des investissements, a été notre premier client. Son expertise remarquable a grandement contribué au développement d’Ai for Alpha. Jean-Jacques est également très reconnu dans le monde de la gestion, il intervient souvent sur BFM et B Smart pour décrypter les marchés.
Comment t’est venue l’idée ?
Je me suis aperçue que les informations étaient trop diverses pour qu’un gérant pût les analyser toutes simultanément afin d’anticiper leurs impacts sur les marchés, en particulier lors de ruptures de régime telles que celle de la Covid. C’est exactement ce que fait le machine learning (ML) : être capable d’analyser un nombre très important de données, de comprendre leurs impacts et de s’adapter en fonction de la situation, de la même manière que le ferait l’intelligence humaine. Après avoir développé différents outils de ML, nous avons testé notre approche d’apprentissage par renforcement sur un cas d’utilisation concret d’allocation de portefeuille pour un gestionnaire d’actifs. Les résultats ont été si intéressants que le gérant a décidé d’utiliser notre technologie pour sa stratégie d’allocation d’actifs. C’est ainsi qu’AI for Alpha a été créée il y a deux ans.
Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?
Nous avons décidé de lancer AI for Alpha à la suite d’une mission de conseil que nous avions faite pendant la crise de la Covid pour Homa Capital. Il y avait un besoin pour une solution d’allocation d’actifs plus adaptative aux changements de conditions de marché. Nous avons ensuite développé une gamme plus large de solutions et remporté de beaux succès commerciaux, notamment avec une des plus grandes banques françaises, pour qui nous avons créé un indice multiclasse d’actifs pour les investisseurs privés aux États-Unis et en Asie. Nous avons fait une première levée de fonds externes auprès de business angels, et avons structuré la société pour la croissance à venir. Nous travaillons aujourd’hui avec des banques d’investissement, des gérants d’actifs et des conseillers en gestion d’actifs.
Qu’apporte l’intelligence artificielle au secteur de la finance ?
Comme à tous les autres secteurs, l’intelligence artificielle apporte et apportera de plus en plus une valeur ajoutée très significative au secteur financier. Celui-ci est en effet très consommateur de données : données macro-économiques, prix d’actifs financiers, composition du carnet d’ordres, données relatives aux comportements des clients… Dans tous ces domaines l’IA, plus que l’intelligence humaine confrontée à une masse de données trop importante, peut extraire de ces données des patterns utiles aux opérateurs de marché, gérants d’actifs ou banquiers dans la relation avec leurs clients. Dans notre domaine, la gestion d’actifs, l’IA permet d’éviter des biais connus, ceux des stratégies quantitatives prédéfinies ne s’adaptant pas aux changements de conditions de marché, mais aussi ceux bien documentés dans les recherches en finance comportementale.
“Dans la gestion d’actifs, l’IA permet d’éviter des biais connus.”
Quel est le rythme d’adoption de l’IA dans la finance ?
Le secteur financier est très vaste et regroupe des métiers très hétérogènes. On a déjà vu des développements très significatifs liés à l’IA dans certains d’entre eux : le trading, déjà cité, mais aussi la détection de fraudes qui bénéficie à plein de la « force de frappe » de l’IA face à d’importants volumes de données. Le secteur de l’épargne (banque privée, gestion d’actifs) est assez traditionnel et connaît des évolutions plus lentes. Mais il constitue de fait pour des acteurs comme nous une opportunité importante de faire significativement avancer les choses ; nous y travaillons !
Comment les algorithmes viennent-ils compléter les décisions humaines ?
Notre vue générale est que l’IA ne doit pas se substituer aux décisions humaines, mais venir en complément. Nous proposons par exemple une offre de recherche à destination des gérants de portefeuille, au travers de laquelle l’IA exprime des vues sur différents marchés. Nos clients utilisent cette offre pour compléter, voire challenger leurs vues tirées de leur expérience des marchés. Nous proposons également des stratégies systématiques d’investissement dérivées de nos signaux, qui généralement sont appliquées à une partie de leurs encours, en complément de stratégies gérées selon des vues de gérants plus traditionnelles.
Ai for Alpha utilise également l’apprentissage automatique pour reproduire, voire même améliorer les stratégies de gestion d’actifs, à la manière des intelligences artificielles génératives utilisées dans les modèles de langage.
Pourquoi l’innovation technologique est-elle, dans la banque comme dans d’autres secteurs, plus simple dans une PME que dans un grand groupe ?
Très classiquement, il est plus facile d’avoir une approche agile s’adaptant rapidement aux changements technologiques et aux progrès scientifiques récents dans une start-up que dans un groupe où il y a de multiples interdépendances entre équipes et projets. Nous observons que les acteurs du secteur financier avancent de plus en plus dans un esprit de collaboration avec des start-up sur des projets spécifiques, afin de les intégrer dans leur setup global ; la vision de la start-up comme concurrent « disrupteur » a tendance à disparaître, avec quelques exceptions (secteur des néobanques notamment).
Accordes-tu une importance, ou non, à la diversité dans les sciences et la technologie, et pourquoi ?
Bien entendu, la complémentarité des vues, selon les profils et les genres, est très importante. Il reste beaucoup à faire. Dans notre secteur, et de manière particulièrement aiguë parmi les dirigeants de start-up, la part des femmes reste faible. Beaucoup de travail est nécessaire en amont, pour pousser les jeunes filles vers les classes préparatoires scientifiques par exemple.