Aider l’École à aller de l’avant
C’est fait, ou presque : l’École polytechnique va travailler encore davantage avec l’Université, avec un grand U. Le cap est fixé. Quant aux modalités, soumises encore à bien des aléas politiques, elles restent à définir.
Un vocabulaire complexe
Dans un contexte mondial, la qualité d’un enseignement se réfère obligatoirement à une « université »
L’Université s’appellera université Paris-Saclay. Créées en Europe dès le XIe siècle, en tant « qu’organisations regroupant des collèges d’étudiants », les universités, sous l’influence américaine, sont devenues de véritables ensembles d’enseignement, de recherche, d’industrie, de commerce, voire d’habitation, ensembles dont la diversité s’exprime parfois sous le nom à la mode de cluster, qui signifie littéralement grappe.
Quel nom pour une université ?
Les universités adoptent les noms les plus divers. La plus ancienne, l’université de Bologne, fondée en 1088, est toujours connue sous le nom d’université de Bologne, bien que rebaptisée Alma Mater studiorum, il y a douze ans à peine. La plus célèbre, l’université de Harvard, fondée en 1636, tire son nom de celui du pasteur qui lui a légué sa bibliothèque. La Sorbonne est tout simplement l’oeuvre de Robert de Sorbon, chapelain de Saint-Louis en 1253. L’université chinoise, dite université de Shanghai, s’appelle en réalité Jiao-Tong, mot intraduisible évoquant l’idée de communication. Le nom de la nouvelle université Paris-Saclay se propose de bien signifier au monde entier qu’il s’agit de Paris, tout en respectant le lieu-dit de l’implantation géographique.
Dans le contexte mondial actuel, la qualité d’un enseignement se réfère obligatoirement à « l’université » concernée (university), la notion d’école restant plus confidentielle, mais souvent primordiale. La création de cette université sera stimulée par une Idex (initiative d’excellence), à savoir un projet scientifique subventionné par l’État (8 en France).
On évoque aussi parfois le Campus de Paris-Saclay, terme habituellement consacré aux infrastructures d’enseignement hors la ville (champ, en latin). Sans compter, bien sûr, une School of engineering, encore en projet, qui pourrait structurer les liens entre écoles d’ingénieurs et universités.Tout ce vocabulaire ne contribue guère à la clarté, non plus que la multiplicité des intervenants. On pourra, pour simplifier, évoquer simplement l’aménagement actuel et futur du Plateau.
Une belle place sur le Plateau
L’université Paris-Saclay sera dirigée par un président et quatre vice-présidents. Elle comptera à terme 22 partenaires dont 10 grandes écoles, Polytechnique comprise, 2 universités, 7 organismes de recherche et un pôle de compétitivité mondial.
L’aménagement est piloté par l’EPPS (Établissement public de Paris-Saclay, créé dans le cadre du Grand Paris), sur le secteur géographique du plateau de Saclay.
Au sein du millefeuille institutionnel et géographique du projet d’ensemble, l’École polytechnique se situe dans le « quartier de Polytechnique » (160 hectares). Elle y voisine, ou y voisinera, avec d’autres écoles (Agro, ENSTA, ENSAE, Télécoms, IOGS, etc.) et des laboratoires de recherche publics et privés (Digiteo, EDF, Thalès, Danone, etc.).
Les autres « quartiers » devraient voir l’implantation d’autres écoles (Centrale, Supélec et bien sûr le campus HEC), d’universités proprement dites (Paris-XI, Versailles Saint-Quentin), d’autres entreprises et laboratoires, sur un territoire débordant d’ailleurs du Plateau.
Un financement à trouver
L’École garde son identité juridique et la tutelle du ministère de la Défense. Elle conserve la maîtrise de son enseignement original, pluridisciplinaire.
Quatre années d’études
L’École polytechnique regroupe aujourd’hui 2 800 étudiants, y compris les masters et doctorants. Plus du quart sont des élèves dits « internationaux », de 60 nationalités différentes. L’École possède 22 laboratoires et emploie près de 400 enseignants, dont 90 à temps plein. Une promotion de polytechniciens proprement dits regroupe 500 élèves, dont 400 élèves français sous statut militaire et 100 élèves internationaux. La durée des études est de quatre ans. La dernière année, qui dure en réalité seize mois, se déroule le plus souvent dans d’autres établissements (idée similaire à celle des écoles d’application d’autrefois).
Le contrat d’objectif et de performance signé avec l’État pour la période allant de 2012 à 2016 prévoit la stabilité de la subvention apportée par le ministère de la Défense, à hauteur de 70 millions d’euros environ par an. Les projets de développement, qui prévoient de quadrupler les capacités d’enseignement et de recherche, entraîneront des dépenses nouvelles qu’il faudra financer par des ressources propres, sous forme de contrats avec des entreprises ou d’appels à la contribution des anciens élèves.
On peut rappeler à ce sujet que la dernière campagne de levée de fonds a rapporté 31,6 millions d’euros en quatre ans, auprès de 152 « grands donateurs », 1 995 anciens et 220 parents et amis. Bien que l’École reste « au service général de la Nation », l’État ne propose plus que 77 places à la sortie. La toute dernière promotion, qui a fait son choix il y a quelques semaines, compte ainsi 18 ingénieurs des Mines, 25 IPEF (ingénieurs des Ponts, des Eaux et des Forêts), 18 ingénieurs de l’Armement et 10 ingénieurs de l’INSEE.
Un métro léger
Un métro léger reliera Orly à Saint-Quentin, via Massy- Palaiseau et le Plateau
Qui n’a multiplié les demi-tours (si possible) sous l’injonction de son GPS désorienté ?
Qui n’est parti en quête du fameux autobus 91.06 ?
Qui n’a gravi à pied, sous un soleil de plomb ou en butte au verglas de l’hiver, les trois cents marches qui conduisent de la station Lozère au temple du savoir ? Bref, rejoindre le Platâl, comme disent les élèves, relève de l’expédition.
La brillante université Paris-Saclay, avec ses 50000 étudiants, ne pourra raisonnablement s’en accommoder. Entre autres aménagements d’infrastructure et de transport, il est prévu, à l’horizon 2018, la mise en place d’un métro « léger », de type VAL, qui reliera Orly au Plateau puis à Saint-Quentin-en- Yvelines, en passant par la gare de Massy-Palaiseau, avec un arrêt à la station École polytechnique (il faut continuer à oeuvrer pour obtenir ce nom de station).
Un soutien actif et vigilant
Dans ce projet, il faut bien constater que l’École polytechnique se retrouve au deuxième rang, derrière le Président et les vice-présidents de l’université Paris-Saclay, avec les autres écoles et les deux universités. Comment contribuer au développement et à la réputation de ce futur ensemble sans « diluer la marque » et risquer de troquer une image forte contre une image floue ?
Il existe des éléments rassurants. L’École conserve son autonomie, sa tutelle, son modèle original de formation. Elle conserve sa « marque ». Elle jouera un rôle moteur dans le rayonnement à l’étranger. Néanmoins, comme l’a souligné le Conseil de l’AX, il importe de rester vigilant en veillant à ce que les fondamentaux de l’École qui font la qualité et la réputation de son modèle pédagogique ne soient pas entamés.
L’AX aux côtés de l’École
Reconnue pour la sélectivité de son recrutement et de son enseignement, l’École polytechnique a pour mission de former ses élèves à occuper des emplois de responsabilité dans l’ensemble des activités de la nation, et en particulier dans les corps de l’État.
L’École doit relever les défis auxquels elle fait face.
Le rôle de l’École polytechnique dans ce futur ensemble est un rôle clé, et elle doit apporter le meilleur de ce qu’elle a développé tout en gardant ses spécificités. Elle doit garder son modèle de formation originale, multidisciplinaire et transverse.
Le projet doit être à l’écoute des besoins de la Nation et du monde économique, offrir des débouchés et des emplois aux élèves et contribuer aux objectifs de réindustrialisation.
La façon de s’organiser doit privilégier l’agilité et la réactivité plutôt que la recherche effrénée de la taille et des structures.
Les élèves et étudiants doivent être au coeur du projet.
L’AX sera aux côtés de l’École pour être force de proposition et pour renforcer les liens au sein de la communauté polytechnicienne.