Aider les start-ups technologiques
Maintenant que l’ère numérique s’attaque au commerce B2B, l’agilité des start-ups n’est plus suffisante pour qu’elles s’imposent seules sur les marchés. Parce qu’elle veulent garder leur indépendance, de nouvelles formes d’accompagnement se développent entre start-ups et grands groupes.
Avant, je pensais qu’innover, c’était avoir des idées. Ça, c’était avant. C’était avant d’être au cœur de l’écosystème innovant et de comprendre qu’en fait les idées, même les bonnes idées, n’avaient aucune valeur : toute la valeur réside dans la capacité d’exécution.
En 1994, deux ingénieurs en informatique de Stanford inventent le premier moteur de recherche, Yahoo !
“ Dans l’innovation ce n’est pas l’idée qui a une valeur, mais son exécution ”
Quand Google est créé quatre ans après, Yahoo ! est le moteur de recherche le plus populaire chez les internautes. Pourtant, on connaît la suite : fin 2016, c’est Google qui domine le marché des moteurs de recherche (93 %) et Yahoo ! atteint à peine 2,2 %.
L’innovation ferait-elle mentir La Fontaine : Rien ne sert de courir… ?
REPÈRES
La création d’un produit est très souvent vouée à l’échec. Ainsi, les chiffres montrent que 95 % des produits ou start-ups meurent par manque de clients (étude OCTO Technology).
Cela se traduit par une rentabilité modeste du capital-risque : en France, les fonds de capital-risque ont dégagé une plus-value annuelle moyenne nette de 2,1 % sur la période 2004–2014 (étude AFIC).
EXPLOITER LA DONNÉE EST CAPITAL POUR L’INNOVATION
Développer de l’innovation technologique, c’est utiliser la donnée, et trouver son marché au bon moment. En fait, c’est développer itérativement, avec agilité et en cycle court, un produit centré sur l’utilisateur et répondant à un problème de marché.
C’est aussi et surtout lancer un service innovant sur le marché au bon moment, c’est-à-dire quand les clients sont suffisamment matures pour l’adopter.
C’est enfin maîtriser de la donnée : le numérique implique pour les entreprises d’être capables de collecter un volume croissant de données et d’en tirer parti pour améliorer leur pilotage stratégique, leur performance commerciale et leur efficacité opérationnelle.
LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE VA S’ÉTENDRE AUX MARCHÉS B2B
Depuis que nous sommes entrés dans l’ère numérique (schématiquement depuis l’invention de l’iPhone), énormément de start-ups ont tiré parti des technologies Web et mobile pour « uberiser » certains modèles économiques, mais les marchés grand public (B2C : business to consumer) restaient les principaux marchés concernés.
LES APPORTS D’UN GRAND GROUPE
Les grands groupes peuvent apporter deux choses à une start-up : en tant que prospect, tester rapidement son produit minimum viable, et l’aider à en valider le concept et les fonctionnalités ; si l’essai est concluant, mettre à sa disposition une capacité d’industrialisation qu’elle n’a pas.
L’arrivée à maturité des technologies d’intelligence artificielle, de la blockchain et de la réalité virtuelle marque ce que j’appelle de manière très originale le digital 2.0.
Or, cette nouvelle vague technologique va non seulement accélérer la mutation du B2C, mais également s’attaquer au B2B (ou marché entre entreprises), qui représente quatre fois la taille du B2C, sous le coup de cohortes de start-ups.
LES GRANDS GROUPES DEVRONT MAÎTRISER CES TECHNOLOGIES
Or, le problème des grands groupes est que l’accès à l’expertise technologique leur est très difficile : nous recevons par exemple régulièrement les CV de data scientists qui veulent venir travailler dans nos start-ups et ont refusé les ponts en or que leur font les entreprises du CAC 40.
Rien de surprenant : les experts sont rares et attirés par des start-ups. Quant aux start-ups constituées, elles rechignent à se lier à un grand groupe, de peur d’être phagocytées, même s’ils essaient de les attirer dans de beaux incubateurs.
IL FAUT SAVOIR DÉMARRER LÉGER
La création d’un produit est très souvent vouée à l’échec. En fait, pour innover dans le digital 2.0, il « suffit » d’identifier un problème reproductible, la taille de marché associée, et de voir dans quelle mesure un produit s’appuyant sur les technologies du digital 2.0 permet d’y répondre efficacement.
PRODUIT MINIMUM VIABLE
Un produit minimum viable est un concept popularisé par Éric Ries, et résulte d’une stratégie de mise sur le marché rapide, pour qu’il puisse y être testé en condition réelle de marché.
C’est ainsi une version intermédiaire du produit définitif imaginé, qui comporte toutes les propriétés jugées essentielles et suffisantes pour être testée auprès des primo-utilisateurs du segment de marché visé, et recueillir leur retour d’usage.
Cette étape intermédiaire évite de complètement développer en chambre un produit qui s’avérerait in fine inadapté à son marché pour des raisons qui n’avaient pas été anticipées.
Puis, bien sûr, construire un « MVP » (minimum viable product ou produit minimum viable) avec ses clients, expérimenter, corriger, s’adapter et recommencer jusqu’à ce que le produit rencontre son marché.
Dans la technologie et le B2B, produire coûte cher (développer des prototypes et trouver des compétences rares), et accéder au marché est difficile. De la même manière, les start-ups pourraient, via le codéveloppement de projets numériques avec des grands groupes, leur apporter leur savoir-faire et leur expertise, et les aider ainsi à se développer.
Le bon modèle d’accélération doit donc répondre à la fois au besoin des start-ups et des grands groupes.
METTRE EN PLACE UN ACCOMPAGNEMENT SUR MESURE
Pour aider une start-up technologique en phase d’accélération, il faut donc d’abord lui proposer non pas une simple incubation, mais un accompagnement sur mesure : at- elle besoin d’un directeur technique ? De concepteurs orientés vers la satisfaction des utilisateurs ? Ou de renfort sur sa stratégie marketing ?
“ La création d’un produit est le plus souvent vouée à l’échec ”
Il est plus efficace de lui fournir les experts de ces domaines, et des outils de développement déjà sur étagère, plutôt que lui faire perdre son temps à essayer de les recruter ou développer, alors qu’elle n’en a pas encore les moyens.
Google a supplanté Yahoo ! en dix ans par sa capacité d’innovation.
© BENNY MARTY / SHUTTERSTOCK, INC.
Ce faisant, la start-up peut se concentrer sur l’essentiel : produire au plus vite son MVP pour réussir ou échouer plus rapidement, et rebondir. Il faut ensuite lui donner accès aux grands groupes, pour qu’elle puisse réaliser avec eux des POC (proofs of concept, preuves de concept, ou démonstration de faisabilité), c’est-à-dire tester leur appétence en tant que client potentiel.
L’accélérateur doit jouer alors ce rôle d’acteur neutre, encadrant la mise en relation. Côté grands groupes, l’accélérateur attire précisément par l’étendue d’un portefeuille de projets et de start-ups portant sur les thématiques technologiques recherchées, leur offrant ainsi une véritable « usine à POC », et leur permettant de recruter les compétences qu’ils recherchent, sous la forme de prototypes aboutis.
Le modèle économique de l’accélérateur est alors celui d’une plateforme (marché biface), tirant sa valeur de la présence importante des deux côtés de start-ups et de grands groupes.
Commentaire
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Une plateforme éprouvée pour aider les start-ups en B2B
Bonjour,
« Les grands groupes [B2C] peuvent apporter (…) à une start-up [une capacité de] tester rapidement son produit minimum viable, [et] une capacité d’industrialiser ». Pour ces deux acteurs, il peut être stratégiquement opportun de considérer une chaîne de valeur étendue, en introduisant un tiers que sont les grands prestataires et qui portera l’innovation des start-ups vers les grands groupes B2C.
Voici, avec les moyens numériques, un cas de mise en œuvre de cette chaîne de valeur étendue, celui de la plateforme des achats de l’État (PLACE).
Sur ce même numéro : « Le numérique pour marier grands prestataires et PME innovantes »
Cordialement
Tru Do-Khac