Alain Bugat (68), ingénieur, chercheur et entrepreneur
Alain Bugat est décédé le 20 janvier 2019. Spécialiste du monde nucléaire, il avait mené une carrière remarquable au service tant de la France que des techniques.
Notre camarade ne faisait pas la une des médias. Pourtant, les hautes responsabilités qu’il a exercées lui ont permis de servir deux enjeux majeurs pour la collectivité nationale : la capacité énergétique et la diffusion des technologies de pointe.
Un parcours diversifié et cohérent
Passionné par les sciences au travers d’une excellente émission de vulgarisation qui précédait chaque samedi le tournoi des cinq nations, Alain a forgé très tôt sa vocation. À l’X, c’est encore le sport qui suivait les études : sur les stades, il rivalisait en triple saut avec son camarade Gérard Mestrallet. Comme 39 élèves de la promotion 1968, Alain Bugat rejoignit à la sortie de l’École le corps de l’armement récemment constitué et s’orienta vers le CEA.
Il y effectua un premier parcours d’une quinzaine d’années à la direction des applications militaires, entrecoupé d’un passage de deux ans au ministère de l’Industrie dans l’équipe d’un autre grand serviteur de l’État, Louis Gallois.
Il entra ensuite à la société CISI Ingénierie, filiale du CEA, dont il devint directeur général. Puis revint au CEA pour occuper de 1992 à 1999 le poste de directeur des technologies avancées. Il avait pour mission de diffuser dans le tissu industriel, notamment vers les petites et moyennes entreprises, les connaissances technologiques acquises au titre des programmes nucléaires. Il dirigea ensuite la société Technicatome qui avait pour activités principales la production et la maintenance des réacteurs nucléaires de sous-marins et porte-avions de la Marine nationale. Il en élargit l’activité aux travaux d’ingénierie et de conception dans le domaine nucléaire civil. Il réalisa notamment les bancs d’assemblage de l’A380 et fut chargé de la maîtrise d’ouvrage des nouvelles rames du métro MF 2000.
À la tête du Commissariat à l’énergie atomique
La reconnaissance des talents d’Alain Bugat dans tous ces postes, techniques et de direction, étatiques ou industriels, s’est traduite par sa nomination en 2003 au poste prestigieux d’administrateur général du CEA, renouvelée jusqu’en 2009. Ses prédécesseurs étaient pour la plupart des ingénieurs généraux des Mines dont trois exercèrent plus tard des fonctions ministérielles (Pierre Guillaumat, André Giraud et Gérard Renon).
Afin de mieux répondre aux priorités du moment, il s’agissait pour le CEA d’étendre ses activités au-delà de la mission d’origine assignée par le général de Gaulle en 1945 : la recherche en vue de l’utilisation de l’énergie nucléaire notamment pour la production d’électricité et la défense. Alain Bugat a conduit l’orientation vers les énergies non émettrices de gaz à effet de serre, les technologies de l’information et celles de la santé. Sa réussite dans cet élargissement est illustrée par le changement de nom annoncé en 2009 par le président de la République, le CEA devenant « Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives ». Elle n’est probablement pas étrangère à une nouvelle mission d’intérêt national confiée au CEA en 2012, qui s’est concrétisée par l’installation d’équipes régionales chargées d’accompagner les entreprises dans leurs démarches d’innovation.
Des fonctions de direction au rayonnement intellectuel
À l’issue de son mandat au CEA, Alain Bugat est parti vers une nouvelle aventure en participant à la création de la société de conseil, Nucadvisor, au carrefour de questions techniques, stratégiques et de sécurité. Il est actif jusqu’au bout, puisqu’en 2018 ses partenaires lui demandaient de poursuivre encore au moins deux ans. Parallèlement, il est élu en 2010 à l’Académie des technologies. Il en devient le président en 2015.
De grandes qualités humaines
Alain Bugat laisse le souvenir d’un homme à la fois droit et direct, simple et chaleureux. Il n’est pas indifférent de se dire qu’en choisissant de pratiquer le handball à l’X, il montrait son goût pour l’action en équipe. Ceux qui l’ont connu savent combien il était attentif à sa famille. Et tel de ses camarades lui est encore reconnaissant de l’avoir aidé dans une période difficile de son parcours. Quant à sa trajectoire dans la société, on ne peut s’empêcher de penser qu’elle a été marquée par une fidélité à la patrie et aux sciences et, quelle que fût la modestie de l’homme, empreinte de gloire.