Albert Jacquard (45) Un juste
Albert y prenait part dans sa manière à lui : d’exceptionnelles qualités d’écoute, qu’il couplait, lors d’interventions peu fréquentes mais lumineuses, à une expression claire, aux formulations incontestables, car d’une grande justesse ; souvent même aphoristiques.
Des cabinets ministériels à la génétique des populations
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Sa biographie (Wikipédia)
Né à Lyon en 1925, double bachelier (mathématiques élémentaires et philosophie) en 1943, après deux ans de prépa à Sainte-Geneviève (Versailles), il entra à l’École polytechnique en 1945.
À sa sortie de l’École, il fut recruté dans des cabinets ministériels jusqu’en 1964, lorsque, pour le citer, il servit de « fusible entre le ministre de la Santé et Pompidou ».
Dès lors, il entra en 1965 à l’Institut national d’études démographiques (Ined). Après un séjour de deux ans à l’université Stanford (1966−1968), qui lui apporta énormément, il devint en 1970 directeur à l’Ined du service de génétique des populations, jusqu’en 1991.
Des travaux savants
Citons les titres de quelques-uns de ses travaux savants :
- Panmixie et consanguinité, quelques précisions de langage (1968),
- Comparaison, du point de vue de la stérilité et de la mortalité infantile, d’un ensemble de couples consanguins à un ensemble de couples témoins (1968),
- Systèmes de mariage et structures génotypiques (1969),
- Panmixie et structure des familles (1970),
- Choix du conjoint et homogamie (1971),
- Mariages et filiations dans la vallée pyrénéenne de l’Ouzom depuis 1744 (1975),
- Loi de distribution des homozygotes identiques dans une population (1976),
- Transmission des gènes et transmission des caractères (1976),
- Démographie historique et génétique des populations : la concentration géographique d’une maladie héréditaire rare (1979).
Pourfendre les idées fausses
La fable de Donogoo-Tonka
Albert Jacquard aimait à citer la pièce de théâtre (et fable) de Jules Romains, Donogoo-Tonka : « En créant une société à Paris d’exploitation de l’or de Donogoo-Tonka (la ville qu’un célèbre géographe n’était pas arrivé à trouver), cela a amené à armer un bateau pour une expédition à Donogoo-Tonka. Puis, fatigués de chercher, des chercheurs d’or, français bien sûr, créent un camp qu’ils baptisent par dérision Donogoo- Tonka. Attirés par la pancarte d’autres chercheurs s’installent petit à petit donnant naissance à une ville importante. »
L’audience restreinte de ses publications savantes, touchant pourtant à des questions de société (« y a‑t- il des races humaines ? », entre autres), est ce qui convainquit Albert d’écrire pour le grand public.
Bernard Pivot, se plaisait-il à rappeler, au vu de Structures génétiques des populations (1970), farci d’équations, lui suggéra de le traduire en un texte plus accessible. Albert suivit cette recommandation, écrivit Éloge de la différence (1978), vendu à plus de 100 000 exemplaires.
Dorénavant, le personnage public prit le dessus. Il consacra toute son énergie à son rôle de pourfendeur d’idées fausses, et milita pour les causes qui lui tenaient à cœur. C’était un juste.