Aller chercher aux États-Unis des solutions aux problèmes français ?

Dossier : Le SursautMagazine N°619 Novembre 2006
Par Hervé GOURIO (59)

La ques­tion peut paraître incon­grue alors que, pour tant de nos conci­toyens, les États-Unis ne sont pas un modèle.
Par­mi les autres, beau­coup veulent bien leur concé­der de nom­breux suc­cès mais ils pensent sou­vent alors que ce qui a mar­ché là-bas ne peut pas être trans­plan­té ici à cause de spé­ci­fi­ci­tés françaises.
Pour avoir eu la chance d’être expo­sé de façon très intense à la socié­té amé­ri­caine sans y être jamais com­plè­te­ment immer­gé ces dix der­nières années, j’ai pu, au gré de mes allers retours si fré­quents, regar­der les deux pays avec un cer­tain recul.
Comme nous tous, j’ob­serve que la socié­té fran­çaise absorbe aisé­ment et de façon conti­nue de nom­breux com­por­te­ments d’outre-Atlan­tique. Mais sur­tout j’ai été convain­cu que nous gagne­rions beau­coup à adop­ter un grand nombre de carac­tères amé­ri­cains et que ce ne serait pas très ardu. À condi­tion tou­te­fois de ne pas par­tir du prin­cipe que la France doit deve­nir un clone des États-Unis dans tous les domaines, comme cer­tains thu­ri­fé­raires. Mais au contraire en pre­nant le par­ti de choi­sir là-bas ce qui nous res­semble, qui est déjà presque nôtre, et que donc on pour­rait cher­cher à fran­ci­ser sans nous américaniser.

Quel rapport entre cette démarche et X‑Sursaut, demanderez-vous peut-être ?

Il est simple. Le rap­port Cam­des­sus, notre réfé­rence fon­da­trice, affirme la néces­si­té de défi­nir un nou­vel équi­libre socioé­co­no­mique entre Fran­çais pour sor­tir « par le haut » de la crise actuelle. Cette démarche est néces­saire afin de rendre accep­tables les efforts et sacri­fices que l’im­pé­ra­tif de crois­sance impo­se­ra aux Fran­çais. Le rap­port contient d’ailleurs un cer­tain nombre de pro­po­si­tions conçues pour recher­cher ce nou­vel équi­libre social sans aller pour autant jus­qu’à décla­rer que le « modèle social fran­çais » est obsolète.

Homme de ter­rain, je crois que l’a­vè­ne­ment d’un nou­veau modèle, sans conteste néces­saire à mes yeux, ne sera pas le pro­duit « tout armé » de la réflexion d’un groupe de l’é­lite fran­çaise, fût-il aus­si dis­tin­gué que la com­mis­sion Camdessus.

Le pro­ces­sus d’a­dop­tion des com­por­te­ments d’o­ri­gine amé­ri­caine ouvre ici une piste. Il se fait de façon beau­coup plus spon­ta­née, démo­cra­tique, « popu­laire », par séduc­tion, sno­bisme, inté­rêt, faci­li­té, etc.

C’est cette piste que j’ai vou­lu suivre en cher­chant quelques exemples de trans­ferts à la fois atti­rants pour leur uti­li­té et leur proxi­mi­té avec des valeurs fran­çaises. Ils me font ima­gi­ner avec un opti­misme peut-être exces­sif que notre pays peut réus­sir à les ins­tal­ler ici.

Fau­dra-t-il cacher leur ori­gine ? Oui si elle pro­voque la résis­tance auto­ma­tique, presque réflexe, devant ce qui vient de là-bas.

Mais leur adop­tion ne sera pas tou­jours si dif­fi­cile, tant cer­taines de ces solu­tions ne sont à la véri­té que des « retours à l’en­voyeur » c’est-à-dire des trans­ferts euro­péens qui ont pris toute leur ampleur là-bas et qui peuvent main­te­nant « reve­nir au pays ».

Suis-je pour autant un pro-amé­ri­cain incon­di­tion­nel, un traître à l’i­den­ti­té fran­çaise, en cher­chant l’ins­pi­ra­tion là-bas pour intro­duire un nou­veau che­val de Troie dans notre Europe ?

Bien au contraire, je me délecte de la diver­si­té de nos com­por­te­ments euro­péens et j’ai même la fai­blesse de pen­ser que le métis­sage amé­ri­ca­no- euro­péen pour­rait pro­duire de ce côté-ci de l’At­lan­tique, plus faci­le­ment que de l’autre, un modèle social supé­rieur au modèle amé­ri­cain d’aujourd’hui.

Cette pré­ten­tion fera sans doute sou­rire bien des Amé­ri­cains qui voient nos insuf­fi­sances dans tant de domaines où eux-mêmes excellent. Mais, s’il faut leur répondre, ne connais­sons-nous pas tous de nom­breux Amé­ri­cains qui trouvent que « la recherche du bon­heur », aus­si impor­tante que la vie et la liber­té dans la Décla­ra­tion d’In­dé­pen­dance, est plus facile en France qu’aux États-Unis ?

Quand j’ai com­men­cé cette réflexion, je n’i­ma­gi­nais pas qu’elle pour­rait être aus­si fructueuse.

Au moment de rédi­ger, pla­cé devant l’embarras du choix, le plus facile est de prendre le par­ti de la pro­vo­ca­tion. Au lieu de célé­brer le bon­heur des entre­pre­neurs aux USA, si immé­dia­te­ment évident pour tous ceux qui y exercent, j’ai pré­fé­ré par­tir des valeurs chères à tous les Fran­çais pour trou­ver aux États-Unis des exemples de chan­ge­ment qui per­met­tront à la fois de les ravi­ver ici et de contri­buer au redres­se­ment de notre pays.

Démocratie

Écouter

Appe­ler à écou­ter les pro­blèmes des « gens », uti­li­ser les son­dages pour com­prendre ce qui les dérange ou com­plique leur vie, ce n’est pas du popu­lisme comme on l’en­tend trop sou­vent ici, c’est la base de la démo­cra­tie. Cette dis­ci­pline, elle est immé­dia­te­ment évi­dente aux États-Unis, où on vous regar­de­ra avec des yeux effa­rés si vous ratio­ci­nez au lieu de cher­cher à com­prendre et ana­ly­ser l’o­pi­nion d’un expert ou d’un client. Cette rigueur, nous la sui­vons dans les entre­prises en écou­tant nos clients, direc­te­ment ou par études de mar­chés inter­po­sées. Faut-il une impo­sante Com­mis­sion du débat public pour que le gou­ver­ne­ment écoute les ques­tions des citoyens au lieu de don­ner la prio­ri­té à des enjeux mineurs ou hors de sa por­tée et au lieu de suivre les soi-disant solu­tions qu’ils approuvent par sondages ?

Sur­tout com­ment jus­ti­fier la sourde oreille quand dans des scru­tins répé­tés les Fran­çais expriment leur décep­tion devant les médiocres résul­tats des poli­tiques publiques ?

Les prio­ri­tés gou­ver­ne­men­tales sont de trai­ter les pro­blèmes clés des Fran­çais, ce sont eux qui fixent l’agenda.

Débattre

Dans une entre­prise amé­ri­caine, le patron par­ti­cipe obli­ga­toi­re­ment à des fré­quents « town hall mee­tings » en per­sonne ou par télé­phone pour répondre à toutes les ques­tions d’où qu’elles viennent. Dès leur enfance, à l’é­cole, nos amis ont appris à poser des ques­tions pré­cises et à ana­ly­ser leurs pro­blèmes. Serait-ce si dif­fi­cile à ensei­gner immé­dia­te­ment ici dans toutes les classes ? et à stig­ma­ti­ser les débats inau­dibles et les ora­teurs qui ne pensent qu’à cou­per la parole à leurs contradicteurs ?

L’argument d’autorité

Nous sommes nom­breux à consta­ter que la France est le pays, peut-être le der­nier du monde occi­den­tal, où sévit encore le « Füh­rer­prin­zip » que nos amis alle­mands ont main­te­nant aban­don­né depuis long­temps. Ici, la parole du chef est a prio­ri res­pec­table même lors­qu’il émet une opi­nion hasar­deuse ou lors­qu’il sug­gère une orien­ta­tion où vos com­pé­tences, recon­nues, vous amènent à des conclu­sions dif­fé­rentes. Cette révé­rence est d’au­tant plus éton­nante que le res­pect de la loi n’est pas chez nous la chose la plus répan­due et alors qu’aux États-Unis la dis­ci­pline est ger­ma­nique lors­qu’il s’a­git d’un ordre don­né ès qua­li­tés par le chef mais où, au contraire, la libre expres­sion est de règle lors­qu’on étu­die un projet.

Ne pour­rions-nous pas pra­ti­quer moins de ser­vi­li­té ? Et renon­cer à des marques de res­pect qui inhibent la cri­tique, même modé­rée ? Pour en défi­ni­tive abou­tir à de meilleures solu­tions aux pro­blèmes posés.

Débattre des vrais enjeux

Ici, même si, par chance, l’o­ra­teur prin­ci­pal ne tombe pas dans ce tra­vers dans un débat public, au lieu d’une ques­tion on enten­dra une opi­nion des­ti­née à mon­trer qu’on sait mieux que les autres recons­truire le monde. Cette recons­truc­tion pro­cé­de­ra sou­vent de choix, d’une vision idéo­lo­gique. Dans Rio Bra­vo, le film de Howard Hawks, John Wayne attire promp­te­ment notre sym­pa­thie car il va lut­ter presque seul contre une bande de voyous. Mais le jeune Ricky Nel­son, à notre éton­ne­ment, est plus sou­cieux de « s’oc­cu­per de ses affaires » que de la juste cause de John Wayne, qu’il fini­ra quand même par seconder.

Il est frap­pant en France de voir que presque tout le monde a un avis sur presque tout et en par­ti­cu­lier sur les ques­tions qui ne les concernent pas directement.

Qu’il s’a­gisse des abus de biens sociaux, des rému­né­ra­tions des patrons, ou des régimes spé­ciaux de Sécu­ri­té sociale ou des avan­tages par­ti­cu­liers de telle ou telle caté­go­rie de fonc­tion­naires, le gou­ver­ne­ment ou le légis­la­teur impose une solu­tion en se sub­sti­tuant aux per­sonnes éven­tuel­le­ment lésées. Ce com­por­te­ment de touche-à-tout médio­cre­ment com­pé­tent prête à sou­rire quand on consi­dère l’am­pleur des efforts néces­saires pour gérer comme il fau­drait la sphère publique. Mais il invite nos conci­toyens à les imi­ter et à se trans­for­mer en démiurge à la petite semaine.

Ne pour­rions-nous pas à chaque fois deman­der si celui qui parle pâtit ou béné­fi­cie de la situa­tion qu’il incri­mine ou bien s’il adopte le point de vue de Sirius ?

Liberté

Individualisme

On se sou­vient du débat télé­vi­sé entre le Pré­sident de la Répu­blique et un échan­tillon de jeunes pen­dant la cam­pagne pour le réfé­ren­dum euro­péen de mai 2005. Lui rap­pe­lait les enga­ge­ments de la France et com­bien le trai­té en dis­cus­sion pro­té­ge­rait les inté­rêts de la France. Eux, majo­ri­tai­re­ment, posaient la ques­tion amé­ri­caine : « What’s in it for me ? » (Et à moi ça rap­porte quoi ?).

Il est bien dom­mage que Jacques Chi­rac n’ait pas su répondre. Ce n’é­tait pour­tant pas impos­sible. Une réponse pré­cise aurait aus­si indi­qué au pays que la ques­tion au ton amé­ri­cain n’é­tait pas, n’est pas, indé­cente, que nos conci­toyens ont le droit de pen­ser à leurs inté­rêts propres sur­tout quand les résul­tats récents de la construc­tion euro­péenne en faveur des plus défa­vo­ri­sés de nos conci­toyens (ou des jeunes !) n’é­taient pas éclatants.
Le grand « tran­quilli­seur » de l’É­ly­sée avait-il rai­son face aux dési­rs des jeunes ?

Cet indi­vi­dua­lisme a bien des mérites alors même que nous consta­tons trop sou­vent la pro­pen­sion à l’as­sis­tance et la « pré­fé­rence » pour les emplois de fonc­tion­naires rap­por­tées par les son­dages. Sur­tout quand la créa­tion d’en­tre­prises s’am­pli­fie ces der­nières années dans un envi­ron­ne­ment pour­tant peu favorable.

Pour­quoi le mépriser ?

Entreprises

Là-bas, l’é­co­no­mie de mar­ché est équi­va­lente à la liber­té poli­tique. L’at­teinte à la concur­rence est un délit aus­si hon­teux que la fraude électorale.

Grâce à l’Eu­rope, la France a beau­coup avan­cé dans la même direction.

Mais en France, il existe un fort par­ti des adver­saires de l’en­tre­prise et de l’é­co­no­mie de marché.

Libre à eux, toutes les opi­nions peuvent être exprimées.

Mais qui au gou­ver­ne­ment ou au Par­le­ment dit tout sim­ple­ment que la crois­sance éco­no­mique, ce n’est pas une alchi­mie com­plexe des déci­sions d’é­co­no­mistes – key­né­siens de pré­fé­rence – mais, en tout pre­mier lieu, le suc­cès des entre­prises et la confiance des entre­pre­neurs dans la conti­nua­tion de ce suc­cès dans l’avenir ?

Per­sonne ! La pos­ture natu­relle pour tous les gou­ver­ne­ments fran­çais quels qu’ils soient est de vou­loir se parer des plumes du paon lors des rares embel­lies de la conjonc­ture inter­na­tio­nale alors même que per­durent les obs­tacles à la crois­sance des entre­prises qu’ils n’ont rien fait pour sup­pri­mer. Ils pré­tendent même vou­loir rendre compte des reve­nus plus ou moins équi­tables des sala­riés français.

L’é­co­no­mie, ici comme là-bas, joue un rôle clé dans le résul­tat des élections.

À tout le moins les gou­ver­ne­ments fran­çais devraient-ils aug­men­ter la mise alors que la part de hasard dans leurs résul­tats éco­no­miques est plus impor­tante qu’aux États-Unis ?

Égalité

Privilèges

La France, pays béni des dieux par sa terre et son cli­mat, a accou­tu­mé ses enfants à sa richesse ances­trale, et, indi­rec­te­ment, les a conduits à pen­ser que la ques­tion clé était celle du par­tage du gâteau. Culture du mono­pole encore pré­gnante dans de fré­quents com­por­te­ments anti­con­cur­ren­tiels, aux anti­podes de l’es­prit de conquête amé­ri­cain incul­qué aux plus déshé­ri­tés des Euro­péens qui s’y ins­tal­lèrent il y a envi­ron un siècle.

Nous avons appris de cet esprit de conquête éco­no­mique grâce à l’ou­ver­ture des fron­tières dont la France a tant béné­fi­cié contrai­re­ment à ses pho­bies anciennes. Mais pour autant nous ne vou­lons pas renon­cer à des pri­vi­lèges afin de nous assu­rer que notre part de gâteau ne dimi­nue pas.

Com­ment expli­quer autre­ment que les Grandes Écoles accueillent moins de fils d’ou­vriers et d’employés qu’il y a trente ans ?

Nos recru­te­ments ne sont-ils pas trop ins­pi­rés par le confort de retrou­ver des lan­gages et des com­por­te­ments familiers ?

La plu­part de nos conci­toyens pensent que la classe diri­geante du pays est à l’a­bri et indif­fé­rente à leurs sou­cis et qu’ils ne peuvent pas s’y faire une place sauf mérites écla­tants. Cela peut-il durer ?

Même s’il est plus sélec­tif que dans les années soixante, l’as­cen­seur social conti­nue de fonc­tion­ner aux États-Unis, car il n’ac­corde pas la même impor­tance qu’i­ci à la réus­site sco­laire, dont on sait à quel point elle est déter­mi­née par l’o­ri­gine socio­cul­tu­relle des enfants.

Se battre « à armes égales »

Il paraît que les Fran­çais auraient peur de la com­pé­ti­tion, de la concur­rence. Trop petits, mal pré­pa­rés, contre plus grands et plus forts que nous.

Accep­tons un ins­tant de rai­son cette malé­dic­tion même si elle est démen­tie par de nom­breux suc­cès fran­çais. C’est que nous avons encore en mémoire les cri­tiques acerbes des anti­eu­ro­péens contre la « concur­rence non biai­sée » au sein du mar­ché unique européen.

En la matière, l’ob­ses­sion amé­ri­caine est celle du « level playing field » : les concur­rents doivent se battre sur un ter­rain au même niveau autre­ment dit plat. Il est curieux que nous devions tra­duire cela en sup­po­sant qu’on puisse avoir des armes égales. Bien sûr les armes ne sont pas égales. Il faut res­pec­ter la tra­duc­tion de l’a­mé­ri­cain à la lettre. Les concur­rents doivent par­tir de la même ligne de départ. C’est cela que la « concur­rence non biai­sée », expres­sion vili­pen­dée dans le débat euro­péen de 2005, vou­lait dire.

Croyons-nous qu’il y ait beau­coup de Fran­çais pour sou­hai­ter que le ter­rain ne soit pas égal ? Sauf bien sûr ceux qui veulent choi­sir leurs supé­rieurs et leurs infé­rieurs avec des cri­tères qui n’ont rien à voir avec leur uti­li­té sociale et qu’eux-mêmes fixe­raient et qu’ils n’ont pas eu l’é­lé­gance de nous faire connaître.

Fraternité

Droit à l’erreur

Tout comme pour le Füh­rer­prin­zip, nous sommes pro­ba­ble­ment, en France, les der­niers à cacher nos erreurs avec autant d’ap­pli­ca­tion. Ain­si de l’af­fir­ma­tion péremp­toire de beau­coup de fonc­tion­naires s’in­di­gnant à l’i­dée qu’une erreur puisse être com­mise par leur ser­vice. Comique d’une cer­taine manière, ce com­por­te­ment devient bien triste si on le voit avec les yeux de l’exé­cu­tant qu’on rend ain­si timo­ré et servile.

Le droit à l’er­reur, c’est d’a­bord l’i­dée que nous appre­nons par nos erreurs, qu’elles sont donc un bien­fait puis­qu’elles nous conduisent sur la voie de l’a­mé­lio­ra­tion indi­vi­duelle et col­lec­tive. Accor­der ce droit est aus­si un témoi­gnage de fra­ter­ni­té pour nos col­lègues qui s’y exposent, c’est leur dire que nous sommes bien de la même espèce qu’eux. Nous aus­si avons appris par le même pro­ces­sus et ils peuvent pro­gres­ser dans la socié­té tout comme nous avons pro­gres­sé nous-mêmes.

Bien loin de l’ar­ro­gance qu’ex­prime le déni d’er­reurs pour­tant bien réelles.

Responsabilité sociale de l’entreprise

Le débat est aus­si ardent aux États-Unis qu’a­tone ici.

Là-bas, les entre­prises se demandent si leur seule uti­li­té sociale est de gérer au mieux les fac­teurs de pro­duc­tion et, en défi­ni­tive, de maxi­mi­ser leur résul­tat d’ex­ploi­ta­tion ou bien, au contraire, si elles doivent agir en faveur du déve­lop­pe­ment social ou envi­ron­ne­men­tal au prix de cer­taines dépenses non indis­pen­sables à leur exploitation.

Ici, beau­coup d’en­tre­prises ne négligent pas leur rôle social mais, à contre-cou­rant des attentes de la majo­ri­té des Fran­çais, n’osent plus en par­ler tant les hommes poli­tiques sont prompts à mon­ter sur le devant de la scène pour s’ap­pro­prier leurs efforts en les consi­dé­rant comme le fruit de leurs injonctions.

Faut-il s’é­ton­ner que les entre­prises les plus sociales pré­fèrent gar­der un pro­fil bas en dehors du péri­mètre immé­diat de leurs programmes ?

Alors que l’ac­tion sociale du gou­ver­ne­ment fata­le­ment éga­li­taire ne peut trai­ter la diver­si­té et la com­plexi­té des situa­tions indi­vi­duelles avec dis­cer­ne­ment, le moment est sans doute venu d’ex­pé­ri­men­ter le rem­pla­ce­ment du mar­teau-pilon de l’ac­tion indif­fé­ren­ciée, donc coû­teuse, du gou­ver­ne­ment par des pro­grammes plus spé­ci­fiques qui pour­raient être gérés par des asso­cia­tions et finan­cés par des ini­tia­tives pri­vées appor­tant des résul­tats meilleurs à un coût moindre.

Patriotisme

Au début de la pré­si­dence Rea­gan, les ban­nières étoi­lées flot­taient par cen­taines, devant chaque entre­prise, à chaque coin de rue. Les temps ont un peu chan­gé, on voit aujourd’­hui moins de dra­peaux. À cette aune pour­tant le patrio­tisme amé­ri­cain est cent fois plus fort que le patrio­tisme français.

Peut-on en blâ­mer nos com­pa­triotes quand nos gou­ver­ne­ments ne montrent pas des ver­tus qui nous per­met­traient d’être bien natu­rel­le­ment fiers d’eux, et de nous par voie de consé­quence : montrent-ils de la luci­di­té ? de l’au­dace ? de la géné­ro­si­té dans leurs efforts ?

Pour­tant, dès les pre­miers suc­cès dans la Coupe du monde de foot­ball, les ban­lieues se sont cou­vertes de tri­co­lore. Les por­teurs de dra­peaux étaient peut-être bien les mêmes qui sif­flaient La Mar­seillaise avant un match inter­na­tio­nal quelques mois plus tôt.

Le mes­sage n’est-il pas clair ? Nous serons patriotes quand les suc­cès seront ceux de gens comme nous, quand nous serons ain­si recon­nus comme Français.

Aux USA, la dis­ci­pline du res­pect, même for­mel, même imbi­bé de l’hy­po­cri­sie du « poli­ti­cal­ly cor­rect » a eu rai­son de cette « frac­ture ». En serions-nous incapables ?

* * *

La liste pour­rait être beau­coup plus longue et par­tir de valeurs plus uni­ver­selles – ou plus tri­viales – que celles que j’ai retenues.

Il y aurait beau­coup à dire en par­ti­cu­lier en par­tant de notre aspi­ra­tion com­mune à être un exemple pour le reste de l’Humanité.

Beau­coup d’A­mé­ri­cains veulent tou­jours construire une cité idéale, l’é­glise scin­tillante sur la col­line que le pré­di­ca­teur puri­tain évo­quait dès 1630.

Beau­coup de Fran­çais croient encore en toute bonne foi que nous pou­vons ser­vir d’exemple à d’autres pays.
Les réflexions qui pré­cé­dent avaient seule­ment pour but de rap­pe­ler que nous devons nous regar­der plus sou­vent avec les yeux des étran­gers, que cet exer­cice est émi­nem­ment fécond.

Et d’a­bord pour nous-mêmes afin de nous convaincre que le che­min à par­cou­rir n’est pas si dif­fi­cile pour­vu que nous le mesu­rions avec luci­di­té et sans pré­ju­gé. Serait-ce trop attendre de nos conci­toyens et de nos diri­geants politiques ?

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