Améliorer la performance à travers l’approche par processus

Dossier : Les consultantsMagazine N°539 Novembre 1998
Par Bertrand BARET (87)
Par Michel BARTH (79)

Un nou­veau modèle d’organisation et de fonc­tion­ne­ment des entre­prises émerge depuis quelques années, en rup­ture avec les struc­tures fonc­tion­nelles traditionnelles.
Ce modèle construit l’entreprise autour de ses pro­ces­sus, de façon trans­verse et tour­née vers le client, afin de répondre à des exi­gences de com­pé­ti­ti­vi­té sans cesse accrues : réac­ti­vi­té, flexi­bi­li­té, qua­li­té de ser­vice et réduc­tion des coûts notamment.
Il per­met des accrois­se­ments de per­for­mance bien au-delà de ce qu’offrent les méthodes clas­siques d’amélioration continue.
Il devient ain­si fré­quem­ment pos­sible d’atteindre une réduc­tion des coûts glo­baux de fonc­tion­ne­ment de 20 à 40 %, d’accroître consi­dé­ra­ble­ment la réac­ti­vi­té tant com­mer­ciale – dimi­nu­tion d’un fac­teur 10 des délais de trai­te­ment d’une com­mande, qu’industrielle – délai de pro­duc­tion pas­sant de trois mois à trois jours – cycle de déve­lop­pe­ment réduit d’un fac­teur 2 à 4 –, ain­si que d’élever de façon très signi­fi­ca­tive la qua­li­té de ser­vice au client.

La mise en œuvre de ce modèle s’ap­puie sur les pro­ces­sus clés de l’en­tre­prise, et met en œuvre de façon étroi­te­ment liée cinq prin­cipes fondamentaux :

  • remise en cause des enchaî­ne­ments entre tâches et éli­mi­na­tion des tâches super­flues sans valeur ajoutée,
  • réor­ga­ni­sa­tion des pro­ces­sus de déci­sion, dimi­nu­tion des contrôles inutiles et dimi­nu­tion du nombre de niveaux hiérarchiques,
  • mise en place d’é­quipes auto­nomes et plurifonctionnelles,
  • inté­gra­tion des four­nis­seurs et des clients dans les processus,
  • exploi­ta­tion sys­té­ma­tique des pos­si­bi­li­tés offertes par les sys­tèmes d’information.

Cette réflexion s’ins­crit dans la conti­nui­té de l’ar­ticle de novembre 1996, « L’en­tre­prise en mou­ve­ment », de Fran­cis Mes­ton, et s’at­tache à détailler les fac­teurs clés de suc­cès concrets du chan­ge­ment. En effet, de nom­breuses expé­riences enga­gées et réus­sies par A.T. Kear­ney au cours de ces der­nières années per­mettent de faire res­sor­tir les dix condi­tions de suc­cès de ce chan­ge­ment qui, s’il est tou­jours com­plexe car bou­le­ver­sant pro­fon­dé­ment la struc­ture de l’en­tre­prise et les habi­tudes des hommes qui la com­posent, n’en conduit pas moins à de spec­ta­cu­laires sauts de performances.

Une vision stratégique claire

La défi­ni­tion d’un cadre stra­té­gique pré­cis consti­tue le préa­lable indis­pen­sable à tout pro­jet de refonte d’une orga­ni­sa­tion. Ce cadre stra­té­gique concerne autant la vision du posi­tion­ne­ment de l’en­tre­prise dans une pers­pec­tive de cinq à dix ans, que son plan stra­té­gique clients et pro­duits à trois ans. Il est de plus indis­pen­sable qu’il soit par­fai­te­ment com­pris et par­ta­gé par tous les éche­lons de l’entreprise.

C’est en effet à par­tir de ces élé­ments qu’est fixé le cadre de tra­vail du pro­jet de chan­ge­ment : iden­ti­fi­ca­tion des prin­ci­paux enjeux, cadre stra­té­gique de réfé­rence, prise de conscience par tous de l’am­pleur des trans­for­ma­tions à conduire par mesure de l’é­cart entre la situa­tion actuelle de l’en­tre­prise et ses objec­tifs de compétitivité.

Par ailleurs, seule la connais­sance des objec­tifs stra­té­giques de l’en­tre­prise per­met de garan­tir la cohé­rence des tra­vaux avec ceux-ci, et donc d’as­su­rer leur pérennité.

Ain­si par exemple, la remise à plat d’une struc­ture et des pra­tiques com­mer­ciales ne pour­ra qu’être pos­té­rieure à la fixa­tion d’une stra­té­gie com­mer­ciale pré­cise : quels mar­chés viser, quels canaux de dis­tri­bu­tion pri­vi­lé­gier, quel niveau de ser­vice client atteindre. De même, la refonte d’un outil de pro­duc­tion ne pour­ra être menée effi­ca­ce­ment qu’a­près une cla­ri­fi­ca­tion du plan pro­duit de l’en­tre­prise : quels déve­lop­pe­ments pro­duits, quelle poli­tique « make or buy ».

Une méthodologie garantissant la dynamique du changement

Face à l’am­pleur du défi que repré­sente un tel pro­jet de trans­for­ma­tion, une approche struc­tu­rée et prag­ma­tique, asso­ciant étroi­te­ment refonte des pro­ces­sus et conduite du chan­ge­ment est un gage de succès.

Cette démarche garan­tit une mobi­li­sa­tion des éner­gies et un main­tien constant de la moti­va­tion tout au long de cinq étapes successives :

  • cadrage et foca­li­sa­tion sur les pro­ces­sus clés de l’en­tre­prise – en géné­ral entre 5 et 10 qui pré­sentent les plus forts leviers en termes d’a­mé­lio­ra­tion de la per­for­mance (satis­fac­tion des clients, accrois­se­ment de la qua­li­té, réduc­tion des coûts…),
  • ana­lyse détaillée de l’exis­tant et fixa­tion des objec­tifs d’amélioration,
  • refonte des pro­ces­sus et défi­ni­tion de la cible,
  • éla­bo­ra­tion de plans d’ac­tions détaillés,
  • mise en œuvre.

En bali­sant le che­min du chan­ge­ment (tâches à accom­plir, pro­duits finis et résul­tats à obte­nir), cette métho­do­lo­gie légi­time les tra­vaux, ras­sure les par­ti­ci­pants et assure le res­pect d’un plan­ning qui se doit d’être ten­du pour cris­tal­li­ser l’en­tre­prise autour de son pro­jet de trans­for­ma­tion : entre quatre et six mois pour les quatre pre­mières phases, de neuf à dix-huit mois pour l’en­semble, par­fois plus.

Elle per­met enfin de garan­tir que soient abor­dées conjoin­te­ment les pro­blé­ma­tiques de refonte des pro­ces­sus, d’or­ga­ni­sa­tion de l’en­tre­prise, de redé­fi­ni­tion des prin­cipes de ges­tion et de pilo­tage et d’é­vo­lu­tion des sys­tèmes d’information.

Une structure de projet et des moyens alloués significatifs

La struc­ture de pro­jet s’or­ga­nise autour de groupes de tra­vail plu­ri­dis­ci­pli­naires trans­verses cor­res­pon­dant aux pro­ces­sus étu­diés, com­po­sés d’ac­teurs opé­ra­tion­nels de bon niveau et pilo­tés par un res­pon­sable de groupe motivé.

Ces groupes sont pla­cés sous la res­pon­sa­bi­li­té d’un chef de pro­jet, ayant en charge la maî­trise d’œuvre opé­ra­tion­nelle du pro­jet et rat­ta­ché direc­te­ment à la Direc­tion géné­rale pour garan­tir son indépendance.

L’in­dis­pen­sable impli­ca­tion de la Direc­tion géné­rale est de plus assu­rée à tra­vers un Comi­té de Pilo­tage, ras­sem­blant le PDG et les prin­ci­paux direc­teurs, qui fixe les prio­ri­tés, attri­bue les res­sources, valide les tra­vaux et réa­lise les arbi­trages néces­saires. La fré­quence de ses réunions suit le rythme des tra­vaux (typi­que­ment toutes les trois semaines durant les quatre à six mois de diag­nos­tic et de défi­ni­tion de la cible et des plans d’actions).

La dis­po­ni­bi­li­té réelle des membres de l’é­quipe de pro­jet, sou­vent acca­pa­rés par leurs res­pon­sa­bi­li­tés opé­ra­tion­nelles ou d’autres pro­jets paral­lèles, consti­tue un fac­teur de risque impor­tant pour le pro­jet. L’ex­pé­rience montre une néces­saire dis­po­ni­bi­li­té à temps plein du chef de pro­jet et des res­pon­sables des groupes pro­ces­sus, ain­si qu’à mi-temps pour les membres de ces groupes. La rédac­tion d’une lettre de mis­sion pour cha­cun et l’a­li­gne­ment des objec­tifs indi­vi­duels avec ceux du pro­jet garan­tit cette impli­ca­tion (il peut être néces­saire, par exemple, de revoir les objec­tifs annuels de chiffre d’af­faires des commerciaux).

Une écoute attentive et spécifique des clients

Les opé­ra­tion­nels, en contact jour­na­lier avec leurs clients, déclarent sou­vent bien connaître les besoins de ceux-ci, et il n’est alors, selon eux, nul besoin d’en­ga­ger une démarche client spé­ci­fique lors d’une opé­ra­tion de « reen­gi­nee­ring ». L’é­tude menée début 1997 par les cabi­nets A.T. Kear­ney et Mana­ge­ment Sur­vey auprès de 200 entre­prises fran­çaises montre bien ce rela­tif dés­in­té­rêt vis-à-vis de l’ex­terne dans les opé­ra­tions de chan­ge­ment, ce fac­teur étant clas­sé avant-der­nier sur une liste de huit critères.

Notre expé­rience indique, tout au contraire, la néces­si­té d’en­ga­ger une démarche spé­ci­fique d’é­coute des clients, la per­cep­tion en interne étant sou­vent défor­mée et incom­plète. Le contraste entre cette per­cep­tion interne et la hié­rar­chie véri­table des attentes des clients peut alors créer un véri­table élec­tro­choc mobi­li­sa­teur. De plus, l’en­tre­prise dis­pose de ce fait d’une réfé­rence pour faire les bons choix lors du « reen­gi­nee­ring ».

En effet, la notion de dys­fonc­tion­ne­ment interne peut alors s’ap­pré­cier non plus par rap­port à un sché­ma de « nor­ma­li­té » pou­vant man­quer d’am­bi­tion, reflet en fait d’ha­bi­tudes accu­mu­lées, mais plu­tôt en réfé­rence à une situa­tion idéale telle que sou­hai­tée par le client. Ce nou­veau point de vue dyna­mise l’en­tre­prise et four­nit l’ob­jec­tif juste.

Un étalonnage externe participatif (benchmark)

La mobi­li­sa­tion créée par la prise en compte des attentes clients peut se révé­ler insuf­fi­sante pour créer le mou­ve­ment. En effet, le décou­ra­ge­ment peut au contraire s’ins­tal­ler lorsque la situa­tion interne est trop éloi­gnée de l’ob­jec­tif idéal. De plus, les solu­tions pour chan­ger ne viennent pas tou­jours à l’es­prit d’ac­teurs trop en prise avec leur envi­ron­ne­ment opé­ra­tion­nel immédiat.

C’est alors que peut inter­ve­nir un éta­lon­nage concret impli­quant des acteurs clés de l’en­tre­prise, y com­pris par­mi les plus réti­cents au chan­ge­ment. Plu­sieurs visites sont menées auprès de socié­tés lea­ders dans un domaine d’ac­ti­vi­té trans­po­sable. Nous avons pu sou­vent consta­ter quelle rup­ture s’o­père alors dans les esprits, tan­dis que se confirme la pos­si­bi­li­té d’a­mé­lio­ra­tions consi­dé­rables : les par­ti­ci­pants à l’é­ta­lon­nage deviennent les cham­pions internes du chan­ge­ment, après s’être appro­priés des idées nou­velles qui ont ame­né le suc­cès ailleurs.

Par la suite, des séances de créa­ti­vi­té peuvent prendre le relais, et ain­si géné­rer des idées nou­velles favo­ri­sées par un cli­mat géné­ral plus ouvert. De plus, les contacts créés forment le noyau d’un véri­table club poten­tiel d’é­change d’ex­pé­rience pour ain­si contri­buer à péren­ni­ser l’ou­ver­ture de l’en­tre­prise sur l’extérieur.

Une indispensable ouverture vers le développement et la croissance

C’est à par­tir du bilan des dys­fonc­tion­ne­ments consta­tés au sein des groupes de tra­vail trans­verses que les axes de pro­grès poten­tiels sont identifiés.

Pour être plei­ne­ment effi­cace, toute action de refonte des pro­ces­sus se doit, dans la sélec­tion de ces axes de pro­grès, de s’ap­puyer conjoin­te­ment et de façon équi­li­brée sur les deux leviers de ren­ta­bi­li­té de l’en­tre­prise : la réduc­tion des coûts et le déve­lop­pe­ment du chiffre d’af­faires. En effet, c’est seule­ment en met­tant plei­ne­ment l’ac­cent sur ses poten­tiels de crois­sance que l’en­tre­prise mobi­lise réel­le­ment son per­son­nel et péren­nise son déve­lop­pe­ment et sa com­pé­ti­ti­vi­té à moyen et long termes.

De plus, à l’is­sue d’o­pé­ra­tions de for­ma­tion ad hoc, il est sou­vent pos­sible d’as­su­rer ce déve­lop­pe­ment en réaf­fec­tant une par­tie des per­son­nels libé­rés par la pro­duc­ti­vi­té géné­rée par les opé­ra­tions de transformation.Ce levier, de par le fait qu’il est sou­vent plus dif­fi­cile à appré­hen­der et à quan­ti­fier que les réduc­tions de coûts, et qu’il conduit à des résul­tats moins immé­diats, est aujourd’­hui très lar­ge­ment sous-exploi­té dans les opé­ra­tions de trans­for­ma­tion des entre­prises fran­çaises, ain­si que l’a mon­tré l’é­tude A.T. Kear­ney – Mana­ge­ment Survey.

Une quantification des axes de progrès : le cas économique

Au sein des axes de pro­grès iden­ti­fiés, la déter­mi­na­tion concrète des actions d’a­mé­lio­ra­tion doit être com­plé­tée d’une éva­lua­tion de leur inci­dence en termes de bilan éco­no­mique pour l’en­tre­prise : déve­lop­pe­ment du chiffre d’af­faires, accrois­se­ment de la marge, réduc­tion des coûts de stock, de non-qualité…

Une telle éva­lua­tion est dif­fi­cile à mener pré­ci­sé­ment, sur­tout en termes de crois­sance du niveau d’ac­ti­vi­té, et les groupes de tra­vail hésitent bien sou­vent à s’en­ga­ger sur des chiffres.

Néan­moins, un pre­mier niveau d’es­ti­ma­tion, suf­fi­sam­ment ambi­tieux sans être irréa­liste, met en géné­ral en évi­dence des gains impres­sion­nants, suf­fi­sants pour ser­vir de base à une logique d’in­ves­tis­se­ment dans le pro­jet de chan­ge­ment, en met­tant en regard ces enjeux de pro­grès et les coûts de trans­for­ma­tion asso­ciés. Par ailleurs, de telles don­nées consti­tuent éga­le­ment un des piliers de la mobi­li­sa­tion des sala­riés autour du projet.

Une refonte simultanée du système d’information et des processus

La refonte de l’or­ga­ni­sa­tion et des pro­ces­sus est à elle seule une source impor­tante de pro­grès, en par­ti­cu­lier dans l’a­mé­lio­ra­tion des inter­faces entre des fonc­tions cloi­son­nées, ou dans la réduc­tion des « délais de corbeille ».

Néan­moins, s’ar­rê­ter là est insuf­fi­sant, car est alors négli­gé un fon­de­ment majeur de la plu­part des pro­ces­sus actuels de l’en­tre­prise, à savoir les sys­tèmes d’in­for­ma­tion. Leur refonte est por­teuse d’en­jeux de pro­grès consi­dé­rables, pour­vu qu’on les consi­dère non pas sim­ple­ment comme une occa­sion d’au­to­ma­ti­sa­tion de tâches par­fois désuètes, mais plu­tôt comme un ins­tru­ment de trans­for­ma­tion de l’en­tre­prise, per­met­tant entre autres la dis­tri­bu­tion large de l’in­for­ma­tion et sa faci­li­té d’ac­cès, ain­si qu’une véri­table aide à la décision.

De plus, l’im­por­tance des inves­tis­se­ments consen­tis et la lour­deur de la mise en œuvre de nou­veaux sys­tèmes d’in­for­ma­tion rendent de telles opé­ra­tions stra­té­giques pour l’entreprise.

L’ex­pé­rience montre que seule la refonte simul­ta­née des sys­tèmes d’in­for­ma­tion et des pro­ces­sus per­met d’op­ti­mi­ser les per­for­mances atteintes et de mini­mi­ser le temps et les efforts de déve­lop­pe­ment, en évi­tant le cercle vicieux d’une refonte infor­ma­tique péren­ni­sant des modes de tra­vail péri­més. Ceci se tra­duit notam­ment à tra­vers la par­ti­ci­pa­tion d’ex­perts du sys­tème d’in­for­ma­tion aux groupes de tra­vail pro­ces­sus, pour prendre en compte en amont les contraintes ain­si que les oppor­tu­ni­tés de ce sys­tème. Le prin­cipe de la refonte cou­plée sys­tème d’in­for­ma­tion-pro­ces­sus per­met enfin d’é­vi­ter le syn­drome de déve­lop­pe­ments infor­ma­tiques tour­nés vers la per­for­mance tech­nique, en orien­tant les choix rete­nus en fonc­tion des attentes réelles des clients.

Une communication explicative, rassurante et mobilisatrice

Si l’im­por­tance de la com­mu­ni­ca­tion est una­ni­me­ment recon­nue, elle n’en est pas moins sou­vent négli­gée, fai­sant ain­si cou­rir un risque d’é­chec signi­fi­ca­tif au pro­jet par manque de mobi­li­sa­tion et de com­pré­hen­sion par les opé­ra­tion­nels des objec­tifs poursuivis.

Une com­mu­ni­ca­tion infor­melle s’é­ta­blit grâce aux membres de l’é­quipe de pro­jet, notam­ment à tra­vers la prise de conscience par cha­cun des consé­quences de ses méthodes de tra­vail au sein des dif­fé­rents ser­vices de l’entreprise.

Mais cette com­mu­ni­ca­tion doit être relayée, ren­for­cée et for­ma­li­sée pour lever réel­le­ment les résis­tances au chan­ge­ment, com­por­tant sou­vent un fort aspect émo­tion­nel, que sou­lève toute trans­for­ma­tion profonde.

Pour cela, il est indis­pen­sable de mettre en place un dis­po­si­tif de com­mu­ni­ca­tion dédié au pro­jet, sous l’au­to­ri­té d’un res­pon­sable dési­gné, et qui fasse l’ob­jet de revues au cours des Comi­tés de pilo­tage au même titre que les tra­vaux de refonte des pro­ces­sus. De nom­breux outils existent, qui per­mettent de ryth­mer les grandes phases du pro­jet : créa­tion d’une « lettre de pro­jet », mise en place d’une boîte à idées pro­jet (phy­sique et élec­tro­nique), orga­ni­sa­tion de « road show » - séances iti­né­rantes de pré­sen­ta­tion et d’en­ri­chis­se­ment des résul­tats des groupes pro­ces­sus à tra­vers les dif­fé­rents sites de l’en­tre­prise, « pro­ject room » avec entrée libre où sont affi­chés les résul­tats des tra­vaux menés, vidéos de pré­sen­ta­tion des attentes clients (entre­tiens filmés)…

Ce plan de com­mu­ni­ca­tion glo­bal, qui doit per­mettre à cha­cun d’ex­pri­mer ses vues et de trou­ver réponse à ses ques­tions, pour­ra au besoin être com­plé­té d’ac­tions spé­ci­fiques à des­ti­na­tion de popu­la­tions iden­ti­fiées comme par­ti­cu­liè­re­ment réfrac­taires au chan­ge­ment, et ce dès le lan­ce­ment du projet.

Une planification rigoureuse de la mise en œuvre

Un écueil fré­quent dans lequel tombent beau­coup d’en­tre­prises consiste à décré­ter la mise en œuvre des actions de pro­grès, et à lais­ser faire par la suite, avec le risque de voir retom­ber le niveau de mobi­li­sa­tion de tous autour du pro­jet après le moment d’eu­pho­rie consti­tu­tif à la défi­ni­tion de la cible. C’est en effet à ce moment que des pro­blèmes tels que des enjeux de pou­voir internes, des conflits de prio­ri­tés ou des res­tric­tions bud­gé­taires peuvent contri­buer à brouiller pro­gres­si­ve­ment l’ob­jec­tif à atteindre, et créer insen­si­ble­ment mais sûre­ment une dérive vers un chan­ge­ment moins ambitieux.

Le chan­ge­ment est alors garan­ti par la conti­nui­té d’un noyau dur de la struc­ture du pro­jet ini­tial ain­si que la pour­suite des réunions du Comi­té de pilo­tage, en pilo­tant la trans­for­ma­tion à par­tir d’un tableau de bord concret mesu­rant l’a­van­ce­ment des résul­tats vis-à-vis des moyens engagés.

Par ailleurs, le chan­ge­ment doit s’or­ga­ni­ser par phase, par paliers suc­ces­sifs, en gérant les tran­si­tions entre ces paliers, depuis les pre­mières expé­ri­men­ta­tions jus­qu’aux actions lourdes de mise en œuvre. En par­ti­cu­lier, l’i­den­ti­fi­ca­tion et la mise en œuvre d’ac­tions rapides d’a­mé­lio­ra­tion, por­teuses de résul­tats tan­gibles en quelques mois seule­ment, dopent la moti­va­tion et font pas­ser le pro­jet dans le domaine du concret.

Enfin, le plan d’ac­tion de chan­ge­ment doit prendre en compte des fac­teurs psy­cho­lo­giques liés au com­por­te­ment dif­fé­rent face au chan­ge­ment de plu­sieurs popu­la­tions d’ac­teurs de l’en­tre­prise, et déployer des mesures adap­tées à chaque cas (for­ma­tion, accompagnement…).

Deux exemples concrets significatifs

• Le cas Lei­ces­ter Royal Infirmary
A.T. Kear­ney a récem­ment conduit un « reen­gi­nee­ring » du Lei­ces­ter Royal Infir­ma­ry NHS Trust, un des plus impor­tants hôpi­taux uni­ver­si­taires d’An­gle­terre avec 6 000 employés gérant plus de 300 ser­vices, dans le cadre du pro­gramme de « reen­gi­nee­ring » du Natio­nal Health Ser­vice lan­cé par le gou­ver­ne­ment britannique.

Les résul­tats obte­nus à tra­vers une remise à plat totale de l’or­ga­ni­sa­tion s’a­vèrent spec­ta­cu­laires en termes de qua­li­té de ser­vice ren­du au patient et d’ef­fi­ca­ci­té. Par exemple, le nou­veau pro­ces­sus de visite médi­cale per­met à 95 % des patients de jour d’être reçus dans les trente minutes, alors que ce taux était de 0 % au préa­lable. Le gain de temps obte­nu équi­vaut à plus de cin­quante années d’at­tente ! Par ailleurs, la qua­li­té de ser­vice est trans­for­mée, avec notam­ment la réduc­tion de qua­torze à deux jours du délai moyen écou­lé entre la récep­tion de la lettre de recom­man­da­tion du géné­ra­liste et le ren­dez-vous, et des éco­no­mies sub­stan­tielles annuelles sont réa­li­sées, de l’ordre de 360 000 livres ster­ling par an.

• Le cas d’une socié­té fran­çaise de maté­riels et sys­tèmes électroniques
Afin d’a­mé­lio­rer le ser­vice aux clients et d’ac­croître la com­pé­ti­ti­vi­té, un « reen­gi­nee­ring » com­plet a été récem­ment conduit par A.T. Kear­ney en préa­lable au renou­vel­le­ment des solu­tions infor­ma­tiques de ges­tion com­mer­ciale et de ges­tion de pro­duc­tion de l’en­tre­prise. Les tra­vaux ont cou­vert les pro­ces­sus-clés, à savoir l’é­la­bo­ra­tion des pré­vi­sions com­mer­ciales à moyen/long terme, l’é­la­bo­ra­tion des devis et la prise de com­mandes, le sui­vi des com­mandes, la pla­ni­fi­ca­tion et l’or­don­nan­ce­ment de la pro­duc­tion, les pro­ces­sus finance/gestion (bud­get, repor­ting, comptabilité…).

Les résul­tats ont per­mis de défi­nir un objec­tif d’a­mé­lio­ra­tion glo­bale de 80 MF du résul­tat net pour un chiffre d’af­faires de 1 mil­liard envi­ron. Cet objec­tif était réa­li­sable en dix-huit mois envi­ron. À cette réduc­tion de coût s’est ajou­tée une nette amé­lio­ra­tion de la qua­li­té du ser­vice ren­du aux clients ain­si que du niveau de flexi­bi­li­té de l’entreprise.

Ain­si par exemple, le délai moyen de réponse à un client est pas­sé de trois jours à une demi-jour­née, la pro­por­tion d’offres com­plètes lors de la remise au client de 50 à 100 %, les dérives de plan­ning sur les affaires de 60 à 5–10 % des cas, les clients aver­tis d’un retard pré­vi­sible de 0 à 100 %, la durée totale du cycle de pro­duc­tion des pro­duits phares de un ou deux mois à deux ou trois jours entre les pre­mières fabri­ca­tions de sous-ensembles et l’ex­pé­di­tion du pro­duit inté­gré et tes­té, la charge de tra­vail de réa­li­sa­tion du bud­get de cin­quante-six mois x hommes sur la période août-décembre à trente mois x hommes sur octobre-novembre, la dis­po­ni­bi­li­té du repor­ting men­suel de quinze à six jours après la fin du mois, avec des pre­mières esti­ma­tions après seule­ment deux jours…

Rôle du consultant

Dans cet envi­ron­ne­ment en pleine tran­si­tion, le rôle du consul­tant est mul­tiple. Il assure l’ap­port métho­do­lo­gique indis­pen­sable ; il crée l’ef­fet d’en­traî­ne­ment et de mobi­li­sa­tion pour un chan­ge­ment dyna­mique ; il contri­bue à la défi­ni­tion de solu­tions inno­vantes et ambi­tieuses grâce à son expé­rience de situa­tions simi­laires ; il com­prend et gère les résis­tances au chan­ge­ment ; il veille à l’ap­pro­pria­tion par tous et, bien sûr, il fait en sorte que soient réunies les condi­tions clés du suc­cès de la transformation.

Par la suite, après l’at­teinte des résul­tats visés et en capi­ta­li­sant sur cette approche, l’en­tre­prise pour­ra alors s’en­ga­ger dans une logique ver­tueuse d’a­mé­lio­ra­tion conti­nue, vers tou­jours plus de com­pé­ti­ti­vi­té et de qua­li­té de ser­vice à ses clients, dans un sou­ci per­ma­nent d’ac­crois­se­ment de valeur.

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