Améliorer les partenariats public-privé : un enjeu majeur de l’innovation
Pour les instituts de recherche, la croissance des budgets va de pair avec une exigence d’efficacité, en particulier dans les partenariats noués avec l’industrie. Cela leur impose une révision de leur mode de fonctionnement en matière de planification, une adaptation de leur modèle de coopération avec le secteur privé et une organisation interne plus orientée vers les clients.
REPÈRES
Un peu partout dans le monde, les instituts de recherche font le lien entre les industriels et la recherche académique. Ils sont le plus souvent financés par les États pour faire progresser les connaissances fondamentales et contribuer au développement des technologies. Plusieurs milliers d’instituts de recherche existent de par le monde dont les plus connus sont : le Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux États-Unis, les Fraunhofer allemands, le National Physical Laboratory au Royaume-Uni et le CNRS en France.
Malgré la récession, les investissements en R&D ont continué à croître à l’échelle mondiale au cours des dernières années, les dépenses en R&D ont ainsi augmenté d’environ 15% sur la période 2007–2009 pour les 15 premiers pays dans ce domaine (cf. figure 1).
De plus en plus, les instituts de recherche doivent démontrer leur valeur ajoutée
La situation des instituts de recherche n’est néanmoins pas aussi rose que cet indicateur peut laisser croire. De plus en plus, ces instituts doivent démontrer leur valeur ajoutée à des gouvernements attentifs à leurs investissements, et sont tenus par ailleurs d’accroître la part des financements privés pour équilibrer leur budget. La part de financement public dans les budgets de ces instituts varie considérablement suivant les pays. Même si cette part est aujourd’hui en dessous de 50% pour une grande partie de ces instituts, elle demeure néanmoins vitale. Elle est, par ailleurs, à l’origine des quelques difficultés que rencontrent les instituts dans la définition de leur rôle, devant répondre à des objectifs d’intérêt public, fixés en contrepartie des financements reçus, tout en demeurant attractifs au regard des clients du secteur privé.
Pression concurrentielle
De même, les industriels du secteur privé mettent en compétition ces instituts sur un marché des sciences de plus en plus mondialisé, créant une pression concurrentielle entre les centres de recherche. Certains clients potentiels leur reprochent une culture trop peu orientée client et un tropisme en faveur des sciences, au détriment d’une approche marché.
Peu à peu, les critères d’excellence de ces instituts ont évolué pour donner plus d’importance aux transferts de technologie et aux projets menés en partenariat avec les industriels. Ainsi, les plus en pointe intègrent dans leurs critères de performance les impacts en matière de créations d’entreprises ou les dépôts de brevets qui découlent de leurs travaux de recherche. L’évolution des critères d’excellence de ces instituts traduit une volonté de renforcer les collaborations avec l’industrie. Mais, cette tendance se heurte encore à deux obstacles : des objectifs différents (reconnaissance scientifique versus rentabilité) et des divergences de points de vue sur les modalités de partage de la valeur (propriété intellectuelle). Sur la base de sa collaboration avec plus de 60 instituts de recherche et laboratoires privés, Arthur D. Little a identifié trois leviers principaux pour améliorer la collaboration entre ces instituts et l’industrie.
Planification stratégique
Le premier axe d’amélioration passe par la mise en place d’une planification stratégique mettant en cohérence les travaux des instituts et les objectifs de leurs clients.
Il est parfois difficile de valoriser le brevet développé par un institut de recherche
En effet, les instituts de recherche rencontrent souvent des difficultés dans la définition de leur rôle ou le cadrage de leur stratégie. La mission ou les orientations définies initialement par ces instituts changent souvent au cours du temps à travers des changements mineurs de directions qui ne s’adaptent pas aux évolutions des besoins.
L’existence d’une stratégie de recherche claire couplée à un système de mesure de performance et de rémunération se révèle primordiale pour ces instituts qui, à défaut, dérivent vers un fonctionnement proche de celui des universités : les intérêts individuels des chercheurs prennent alors le dessus sur la vision de l’institut qui ressemble peu à peu à un regroupement d’unités de recherche indépendantes en lieu et place d’une organisation unique à objectifs communs.
Coopérer dans l’innovation
Deuxième levier, le développement d’un modèle d’innovation collaboratif centré sur le partage de connaissances et de compétences au sein d’un réseau de partenariat public-privé. Le mode de collaboration le plus courant reste fondé sur des partenariats de recherche suivis de transferts de technologie. Cependant, il est parfois difficile de transformer le brevet développé par un institut en une application exploitable sur le plan commercial. Pour atténuer cette barrière, il s’agit d’organiser un partage de compétences dans une dynamique de collaboration à long terme.
L’essentiel de l’actif réside dans la valeur des équipes
Cela peut notamment consister à impliquer des chercheurs dans l’équipe de management de l’industriel. Et inversement, de financer de jeunes chercheurs chargés d’identifier les innovations ayant un potentiel commercial, comme cela fut expérimenté au Royaume-Uni par le London Technology Network.
Les instituts doivent enfin construire des réseaux internationaux qui garantissent aux industriels un accès aux meilleures compétences. Les industriels, dont le terrain de jeu est international, recherchent souvent des collaborations à l’échelle internationale sur les sujets spécifiques qui les intéressent. Un exemple de ce type est le Hewlett-Packard Consortium for Advanced Scientific and Technical Computing rapprochant des chercheurs et des utilisateurs du monde entier.
Nouvelle organisation
Critères d’évaluation
Il est nécessaire de faire évoluer les modèles de reconnaissance pour prendre en compte les objectifs des industriels en complément des critères classiques dans le public. La performance des chercheurs se trouve ainsi souvent évaluée presque exclusivement sur la création scientifique (nombre de publications) et non sur d’autres critères non moins importants comme la satisfaction des grands clients, la qualité ou le niveau d’exécution des projets.
Le troisième levier d’action vise à faire évoluer l’organisation et les procédures des instituts pour renforcer l’orientation client. Une organisation structurée autour de domaines d’applications industrielles permet aux instituts de mieux servir leurs clients, avec des relations plus directes entre les équipes. Il faut aussi prévoir un fonctionnement transverse pour que les scientifiques réussissent à poursuivre le développement de leurs compétences académiques en évitant les fonctionnements en silos entre les différentes équipes de recherche. L’évolution de l’organisation passe enfin par la mise en place de processus de gestion des ressources humaines (comme les processus de recrutement ou de gestion des carrières) qui s’avère primordiale dans ces organisations – comme dans toutes les organisations – où l’essentiel de l’actif réside dans la valeur des équipes.
La compétition en matière d’innovation ne peut plus se satisfaire des anciens carcans entre public et privé, mais devra dépasser ces oppositions en s’appuyant sur les avantages de chaque modèle et en les combinant.
Arthur D. Little regroupe plus de 1000 consultants opérant dans plus de 20 pays. Créée en 1886, cette société occupe une place privilégiée parmi les cabinets de conseil de direction générale. Elle collabore avec plus de 60 instituts de recherche et laboratoires privés.