Anatole Chouard (X16) Youtubeur et conférencier pour l’environnement
Après Polytechnique, Anatole Chouard (X16) a lancé sa propre chaîne YouTube « Chez Anatole » sur laquelle il aborde de manière pédagogique et dynamique les grandes questions environnementales actuelles. C’est un moyen pour lui de mettre ses compétences scientifiques au service du plus grand nombre.
D’où viens-tu ? Quelles sont tes origines ?
Je suis parisien mais j’ai vécu à Londres de deux à six ans : j’ai fait ma primaire en Angleterre dans une école Montessori, un système qui laisse beaucoup de liberté. Mes deux parents sont professeurs et je suis le troisième de quatre enfants.
Quel a été ton parcours avant Polytechnique ? Et pourquoi le choix de l’X ?
J’ai fait mes études au lycée Henri-IV, j’y suis resté en prépa Physique-Chimie, ce qui m’a permis de toucher à pas mal de sciences différentes. Après une année de 5⁄2, je suis arrivé à Polytechnique sans savoir exactement ce que je voulais faire dans la vie. J’hésitais surtout entre l’astrophysique et l’environnement, donc j’ai choisi les mathématiques appliquées pour garder les deux portes ouvertes !
Un binet qui m’a marqué lors de mon passage à l’X est celui de la FDA, French Debating Association. Notre équipe a gagné la finale de ce tournoi de débat à l’Assemblée nationale, un de mes plus beaux souvenirs.
En 4A je suis parti à Londres pour mon master à UCL (University College London) en modélisation mathématique. Le campus en ville, comme celui de UCL, offre des avantages et des inconvénients : la proximité de la ville permet beaucoup d’activités, mais on ressent l’absence d’une véritable vie de campus, notamment pour les séances de sport. J’y ai réalisé ma thèse de master en astrophysique sur les exoplanètes – les planètes en dehors du système solaire – pour analyser les atmosphères et essayer de trouver de la vie ailleurs que sur Terre. Je n’en ai pas trouvé !
Je suis rentré en France pour le confinement en milieu de 4A et, une fois le master terminé, je me suis lancé dans le projet de ma chaîne YouTube : j’avais envie d’être utile et de parler d’environnement.
Le dernier moment marquant a été la cérémonie de la remise des diplômes l’année dernière, qu’on a présentée avec mon amie Marine Decuypère (X16), elle aussi membre de la FDA.
Pourquoi as-tu ressenti le besoin de créer ta chaîne YouTube ?
J’ai été moi-même biberonné à la vulgarisation scientifique sur YouTube ! Bon j’exagère, c’est surtout à partir du lycée, avec des chaînes anglo-saxonnes comme “Veritasium” ou “MinutePhysics”, encore actives aujourd’hui. J’ai toujours beaucoup regardé de vidéos ; une bonne partie de ma culture scientifique vient de là et le format vidéo m’a toujours attiré. J’ai voulu devenir acteur plutôt que de rester uniquement consommateur. Et surtout le faire sur les sujets environnementaux, qu’on pense connaître par cœur tellement on en entend parler, mais dont on ne connaît pas tous les détails.
La chaîne s’appelle « Chez Anatole ». Pourquoi ce choix d’utiliser ton prénom ?
Je ne sais absolument pas si c’est le bon nom pour une chaîne YouTube ! Au début elle s’appelait « Sur tous les tableaux », puis je l’ai personnalisée en l’appelant « Chez Anatole ». J’ai voulu lui donner mon prénom pour ne pas me focaliser sur un type de contenu et me laisser la liberté de pouvoir changer de sujet plus tard. Si jamais j’ai envie d’étendre l’éventail des thèmes et de parler d’autres sciences, par exemple, au hasard… d’exoplanètes, je me laisse une porte ouverte.
Découvrir « Chez Anatole », la chaîne YouTube d’Anatole Chouard : https://www.youtube.com/c/ChezAnatole
Tu ne donnes jamais ton opinion directement, même si on la comprend d’une façon globale. Est-ce un choix réfléchi ou est-ce une stratégie pour ne pas se faire d’ennemis ?
C’est impossible d’enlever toute subjectivité : j’ai sûrement des biais dans mon choix des sources, dans la structure de mes vidéos et la manière de présenter les faits. Mais j’essaie de tendre le plus possible vers une présentation objective. Par exemple, mes deux premières vidéos ont été consacrées aux avantages et inconvénients de tous les moyens de produire de l’énergie. J’adore aussi faire des vidéos de résumés de rapports scientifiques comme ceux du GIEC. Ce que je peux apporter, c’est l’explication des informations, l’animation des graphiques et la clarté des résumés (enfin je l’espère !). Je mets bien sûr toutes les sources en description pour ceux qui veulent aller plus loin.
“ Ce que je peux apporter, c’est l’explication des informations, l’animation des graphiques et la clarté des résumés (enfin je l’espère !).”
Comment prépares-tu les vidéos ?
C’est principalement un travail de recherche dans lequel les visuels jouent un rôle fondamental. J’ai une phobie : raconter des inexactitudes face à la caméra. Parce que c’est très difficile de modifier une vidéo une fois qu’elle est en ligne, contrairement à un article écrit par exemple. Je fais relire les scripts des vidéos à des amis ou des professionnels du domaine que j’aborde pour m’assurer de la véracité des arguments, comme pour ma vidéo sur le futur de l’agriculture. Je l’ai écrite avec l’aide de Basile Verdeau (X16), qui fait sa thèse sur la précarité alimentaire et l’alimentation durable. Pour le montage, au début je le faisais sans être très fort dans le domaine, maintenant une monteuse professionnelle travaille avec moi.
J’évite de parler de sujets d’actualité qui font le buzz quelques semaines mais ne captivent plus personne ensuite. Des amis m’avaient proposé de faire des résumés du programme en environnement des candidats aux élections présidentielles, par exemple, mais quelques jours après les élections ça n’aurait plus eu d’intérêt. Je préfère travailler sur des sujets qui restent dans le temps : les rapports du GIEC, les différents secteurs émetteurs, la biodiversité, l’énergie, etc.
L’écologie est le fil conducteur de toutes tes vidéos. Est-elle une passion que tu cultives depuis des années ?
Pendant pas mal de temps j’étais à l’écoute de ce sujet, mais sans en être particulièrement passionné. C’est la raison pour laquelle j’ai hésité sur le choix de ma formation : je voulais me laisser des portes ouvertes au-delà de ma spécialisation en mathématiques appliquées. Mon déclic pour le passage à l’action est arrivé à l’École grâce au binet DDX, aujourd’hui NeXt. Pour moi ils ont été une des associations les plus actives sur le campus. Je me rappelle qu’ils avaient organisé beaucoup d’événements : pendant une semaine ils avaient introduit de petits défis, comme manger végétarien ou baisser le chauffage, des actions à grand impact individuel. Après une semaine je ne voulais plus m’arrêter, mais passer aussi à un impact au niveau collectif : pendant le deuxième confinement, je me suis lancé dans le projet de ma chaîne YouTube.
“ Mon déclic pour le passage à l’action est arrivé à l’École grâce au binet DDX, aujourd’hui NeXt.”
Tu collabores avec des experts, des professionnels, des figures académiques qui sont invités dans ta chaîne. Comment as-tu créé ce réseau ?
Je ne suis pas vraiment timide dans la vie, mais en ligne beaucoup plus ! Je me suis forcé et j’ai commencé à envoyer des courriels pour inviter des personnes sur différents sujets de vidéo. Ma chaîne YouTube, même si elle est encore assez petite, me permet aussi de me faire connaître. Et, grâce à des amis, j’ai pu rencontrer des personnalités publiques comme Jean-Marc Jancovici (X81) qui a participé, comme invité, à une de mes vidéos. Je suis aussi conférencier, cela aide beaucoup pour rencontrer du monde.
Le sujet des conférences est-il focalisé strictement sur l’environnement ?
Oui, principalement. Comme je le dis souvent, pour choisir un sujet de conférence, c’est comme au restaurant : le menu est la chaîne YouTube, vous – entreprises, universités, collèges, lycées, associations – choisissez entrée, plat, dessert parmi les vidéos présentes sur la chaîne, qui sont aussi disponibles en format conférence. Je m’adapte aussi selon les besoins, les sujets choisis et le public en face de moi. J’utilise souvent l’interaction avec le public car j’adore le contact avec les gens. Je commence et finis mes conférences en faisant des expériences sociales dans l’objectif de les sensibiliser au passage concret à l’action.
Quel est ton moyen d’action préféré entre les conférences et les vidéos ?
Je préfère présenter une conférence pour l’interaction directe avec le public. De plus une conférence génère toujours de l’adrénaline, ce qui me stimule au quotidien. Cela me permet aussi de rencontrer des abonnés à ma chaîne YouTube, ce qui est toujours agréable ! Mais les deux formats sont complémentaires, je n’aimerais pas être seulement conférencier ou seulement sur YouTube. J’aime beaucoup le fait d’effectuer des recherches en vue de la construction et de la préparation de mes vidéos.
Est-ce que le fait d’être un polytechnicien te donne de la légitimité ?
Je pense que la plupart des gens ne le savent pas. Personnellement je préfère ne pas le dire, mais ce dont je me rends compte, c’est que j’ai moins de difficultés à être appelé pour faire des conférences que d’autres vulgarisateurs, car les gens intéressés se renseignent et retrouvent facilement ma formation sur LinkedIn.
Penses-tu que la formation polytechnicienne a aidé au succès de tes vidéos, toujours très rigoureuses et précises ?
Merci ! Oui je pense que ça m’aide beaucoup pour l’analyse et le résumé de papiers de recherche. Aussi en prépa il y avait une matière appelée analyse des documents scientifiques (ADS), consacrée à l’étude et à la comparaison de papiers assez techniques. À l’époque ce n’était pas ma matière préférée, mais elle m’a appris la bonne méthode. Je commence maintenant à développer une sorte de passion pour les méta-analyses scientifiques !
Est-ce que parler de ces sujets, si sensibles et actuels, te touche personnellement ?
C’est vrai que parler de sujets qui nous impactent directement est quelque chose de compliqué, anxiogène et parfois effrayant. On peut parfois être déprimé en regardant la réalité, mais le plus important, c’est d’être conscient du constat pour passer directement à l’action. Quelquefois les gens me demandent comment je peux rester neutre face à certains sujets. Je pense que montrer ma peur serait contre-productif (je me trompe peut-être), donc j’essaie de rester calme. Personnellement j’aime être le plus neutre possible. Je me vois comme un scientifique qui fait de la vulgarisation pour transmettre les concepts de base d’une façon claire et simple.
Est-ce que tu connais le groupe X Urgence écologique ?
Oui, j’ai rencontré Aurélie Moy (X13) qui en fait partie, il y a aussi le collectif « Pour un réveil écologique » dont les créateurs appartiennent à ma promotion. Je suis à distance les activités des collectifs, mais je suis heureux de voir que de nouveaux projets émergent régulièrement. Beaucoup de promos sont très actives et je m’en réjouis.
Es-tu en liaison avec des camarades ?
J’ai gardé pas mal d’amis bien sûr, mais je suis aussi en liaison avec d’autres X qui sont vulgarisateurs sur YouTube. Par exemple, j’ai fait des vidéos avec Lê Nguyên Hoang (X07) et Romain du Marais (X14). Sur leurs chaînes « Science4all » et « Pour 1nfo », ils vulgarisent les risques de l’intelligence artificielle et de la cybersécurité, respectivement. Je trouve ça très pertinent car ce sont des sujets qui sont en train de bouleverser les choses et qui sont assez mal traités dans les médias.
Quels sont tes projets pour l’avenir ?
Je vais bien sûr continuer mon travail sur YouTube et ma carrière de conférencier. Mais j’aimerais à l’avenir élargir cette vulgarisation scientifique en parlant d’autres sujets scientifiques : la science de la musique, du sport, l’astrophysique, etc. Bien sûr les sciences de l’environnement seront toujours présentes car essentielles, mais ça me permettra d’agrandir à la fois mon « menu » et mon appétit pour les sciences !