Anton Bruckner : Symphonie n° 5
On a déjà parlé ici de l’orchestre le plus fabuleux du monde, celui qui réunit tous les étés à Lucerne les solistes et les chefs de pupitre les plus célèbres pour jouer des œuvres symphoniques lors de ce festival.
Le regretté Claudio Abbado a recréé cet orchestre, inspiré par ce qu’avait fait Toscanini dans les années trente : les artistes qu’il apprécie depuis des décennies, chefs de pupitre de l’Orchestre philharmonique de Berlin ou de Vienne, d’autres solistes internationaux tels que Sabine Meyer, Natalia Gutman, Wolfram Christ, Emmanuel Pahud, Renaud Capuçon, les membres des Quatuors Alban Berg et Hagen et bien d’autres, se réunissent tous les ans sous la direction du maestro.
Après avoir joué et enregistré les œuvres de Mahler en dix ans (procurez-vous les Blu-Ray Euroarts, pour l’Île déserte), Abbado a joué à l’été 2012 la Cinquième Symphonie de Bruckner (une Septième Symphonie avait été aussi filmée il y a quelques années, mais à notre sens sans atteindre la réussite de ses Mahler ou de cette Cinquième Symphonie).
On sait que d’exceptionnelles circonstances ne mènent pas systématiquement à un concert exceptionnel. Pourtant, à Lucerne, chaque année le miracle se reproduit et les concerts auxquels on assiste sont vraiment inoubliables.
Les symphonies de Bruckner ont été composées entre 1865 et 1896. Les musiciens de cette époque, en Allemagne comme en France, n’ont pas tous été influencés par Wagner. Bruckner, contrairement à Brahms par exemple, a pris clairement le parti du wagnérisme. Ce compositeur autrichien laisse à sa mort uniquement une dizaine de symphonies (seules neuf sont officiellement numérotées, comme chez Beethoven, Schubert, Dvorak et Mahler).
Ses symphonies, toutes sur la même structure en quatre mouvements (héritée de Beethoven), développent une orchestration wagnérienne assez impressionnante, pleine de contrastes et de puissance.
Des œuvres monumentales, puissantes, structurées. La Cinquième Symphonie, composée en 1876, présente la particularité d’une continuité thématique entre les quatre mouvements. Notamment, trois des mouvements sont introduits par des séquences de pizzicati très proches, sur lesquelles se déploie la mélodie.
Les amateurs se procurent tous les enregistrements filmés de l’Orchestre du festival de Lucerne et d’Abaddo depuis près de dix ans jusqu’à son décès en janvier dernier. Et année après année, on reconnaît les mêmes musiciens, leur placement varie en fonction de l’équilibre orchestral que le chef choisit de faire ressentir.
Cette année, l’orchestre est particulièrement fourni, avec pas moins de dix contrebasses par exemple, remarquablement impressionnantes lorsqu’elles lancent la fugue du dernier mouvement, mouvement grandiose de plus de vingt-cinq minutes.
Comme chaque fois, l’image est splendide, et les plans différents très nombreux grâce à un nombre impressionnant de caméras, très bien camouflées. L’interprétation tendue et éblouissante d’Abbado, qui dirige par cœur, rend ce disque indispensable.
Abbado a dirigé dans les mêmes circonstances l’année suivante, l’année de ses 80 ans, la Neuvième Symphonie. Espérons-en vite la parution.