Armagnac : l’eau-de-vie des mousquetaires
Doyen des eaux-de-vie, l’armagnac existe depuis le XVe siècle. Il n’a pas eu la chance de bénéficier des mêmes facilités de transport que le cognac et a donc connu un destin plus confidentiel, moins international. Mais il possède des caractéristiques qui le classent parmi les plus grandes eaux-de-vie.
D’abord, les cépages autorisés pour le produire sont très variés : on retrouve l’ugni blanc (le cépage du cognac), mais aussi le colombard, le picpoul ou “ folle blanche ”, le jurançon, le baco, qui apportent une grande diversité aromatique. Ce sont des cépages tardifs, qui donnent un vin léger mais très parfumé.
Le vin de distillation est élaboré de manière traditionnelle : le soufrage et la chaptalisation sont interdits. La région de production pratique les deux types de distillation existants, la charentaise (double distillation) et la distillation en continu, qui donne des eaux-de-vie vieillissant plus rapidement.
Après la distillation, l’armagnac va passer cinq, dix, voire même vingt ans ou plus dans un fût de chêne qui lui apportera une complexité aromatique supplémentaire, et permettra, grâce à la “ part des anges ” ou évaporation (qui peut atteindre 3 % de l’eau-de-vie contenue dans le fût par an), “ d’oxyder ” l’armagnac et de dompter sa fougue alcoolique (l’alcool s’évaporant plus vite que l’eau, le degré alcoolique baisse de 1° à 1° 5 environ par an).
Une simplification des dénominations a été adoptée en 1999, il existe désormais quatre catégories d’eau-devie : la blanche d’armagnac (sans vieillissement), l’armagnac (assemblage de moins de six ans), le vieil armagnac (assemblage de plus de six ans) et les millésimes (une seule année de production et au moins dix ans de maturation).
La zone d’appellation est répartie en trois secteurs principaux : • Le Haut-Armagnac, le plus au sud, ne produit que 5% de l’appellation, des eaux-de-vie surtout utilisées pour les assemblages. • La Ténarèze, autour de Condom, donne des eauxde- vie corsées, qui vieillissent très bien. • Le Bas-Armagnac, à cheval sur les Landes et le Gers, avec ses “ sables fauves ” donne les armagnacs les plus fins et les plus aptes à vieillir.
Un des intérêts de l’armagnac est le recours aux millésimes indiqués sur l’étiquette, qui permet de faire de beaux cadeaux d’anniversaire, d’autant que l’armagnac doit vieillir plus longtemps que le cognac pour exprimer toutes ses qualités, plus de dix ans pour les hors d’âge et bien sûr davantage pour les millésimes. Les meilleurs armagnacs ont une saveur aromatique, un côté délicat et racé qui donne une sensation de perfection et d’harmonieuse plénitude. Ils sont dans tout l’éclat de leur maturité entre quinze et vingt ans. Trop jeunes, ils ont tendance à brûler le palais par leur feu, passé vingt ans, ils risquent de perdre de leur fruit et de leur vivacité. Rappelons qu’il s’agit du temps passé en fût et non du millésime (l’armagnac ne vieillit plus, une fois mis en bouteille). Vous pouvez donc déguster sans crainte un 1961 ou un 1970, qui n’aura passé que vingt ans en fût…
Classiquement, on déguste l’armagnac en digestif. Il accompagne très bien le café car les arômes liés à l’élevage (boisé, grillé, fumé, café, cacao…) correspondent bien aux arômes du café. L’accord avec le cigare est aussi excellent. Qu’ils viennent de La Havane, du Honduras ou encore de Saint-Domingue, leurs arômes de miel, de cuir, de mousse de chêne, de poivre et de caramel sont très complémentaires de ceux de l’armagnac.
L’armagnac peut aussi se déguster en apéritif, avec un tonic et une rondelle de citron, comme il peut être la base de plusieurs cocktails originaux. Il s’accorde aussi très bien avec quelques plats, particulièrement les plats sucréssalés comme le magret de canard au miel, ou plus classiquement les desserts comme la tarte Tatin ou un moelleux au chocolat.
On peut aussi l’utiliser en cuisine, pour flamber des volailles ou des crustacés, déglacer une préparation, aromatiser une crème ou une pâtisserie. Il y a mille façons d’aborder cette eau-de-vie sensuelle et gourmande, la plus ancienne des eaux-de-vie françaises.