Carte des zones d’aléas sismiques, volcaniques et cycloniques

Les mégapoles face aux risques et aux catastrophes naturelles

Dossier : Les mégapolesMagazine N°606 Juin/Juillet 2005
Par Yvette VEYRET
Par Bernard CHOCAT

Qu’ils soient d’o­ri­gine hydro­cli­ma­tique (dont les catas­trophes repré­sentent 79% de l’en­sembles des catas­trophes natu­relles du XXè siècle), sis­miques ou vol­ca­niques, les risques doivent être ana­ly­sés en fonc­tion de la vul­né­ra­bi­li­té des espaces urbains qui, elle-même, dépend de mul­tiples fac­teurs. Mal­gré la dif­fi­cul­té, la ges­tion des méga­poles doit tous les inté­grer et éga­la­ment éva­luer les effets induits d’une catras­trophe natu­relle. Mais l’i­né­ga­li­té face aux risques conti­nue­ra d’être forte entre villes de pays riches et des pays pauvres et le le risque de repré­sen­ter un indi­ca­teur des inéga­li­tés sociales.

Au début du troi­sième mil­lé­naire, 47,2 % de la popu­la­tion est urbaine, 75 à 80 % de cette popu­la­tion se regroupe dans les grandes villes. En 2015 la pla­nète devrait por­ter, dans les condi­tions de crois­sance actuelle, 33 villes dépas­sant 8 mil­lions d’ha­bi­tants, 33 méga­poles au sens strict, la plu­part étant situées sur des espaces lit­to­raux, ce qui ren­voie à la ques­tion du réchauf­fe­ment cli­ma­tique et à ses effets sur ces villes lit­to­rales. Quatre méga­poles font excep­tion : São Pau­lo, Mexi­co, Del­hi et Pékin. Six seule­ment de ces grandes méga­poles devraient être dans les pays riches du Nord : Tokyo, New York, Los Angeles, Osa­ka, Paris et Mos­cou. Existe-t-il des risques spé­ci­fi­que­ment urbains ? Le risque est-il inhé­rent aux sys­tèmes urbains ? Est-il, dans ce cas, indi­ca­teur d’un dys­fonc­tion­ne­ment de la ville et de son orga­ni­sa­tion ? Peut-on consi­dé­rer que la ville ne fait qu’ag­gra­ver les effets des aléas qui s’ex­priment ailleurs et qui seraient d’o­ri­gine exo­gène ? Quel sens faut-il don­ner à l’exis­tence de risques en ville alors que la ville a été per­çue pen­dant long­temps comme » l’es­pace pro­tec­teur « , le lieu sécu­ri­taire dans lequel on se réfu­giait à l’a­bri des murailles quand la cam­pagne était par­cou­rue par les bandes armées (au Moyen Âge notamment).

L’é­vo­lu­tion des sys­tèmes urbains actuels, notam­ment le pro­ces­sus de métro­po­li­sa­tion ou la consti­tu­tion de ce que les Anglo-Saxons appellent mega­ci­ties, » villes géantes « , ne porte-t-elle pas en germe une vul­né­ra­bi­li­té d’un type nou­veau et donc de fac­to une aug­men­ta­tion des risques ? Ne faut-il pas dis­tin­guer des situa­tions dif­fé­rentes entre méga­poles des pays riches et méga­poles des pays pauvres ?

Toutes les villes, et plus encore les méga­poles, se carac­té­risent par des risques induits, des risques dif­fé­rés, par une chaîne de risques qui asso­cie risques natu­rels, risques tech­no­lo­giques, risques éco­no­miques, risques sociaux ou géo­po­li­tiques. Il est de plus en plus dif­fi­cile de ne trai­ter que du risque naturel.

De nom­breuses grandes villes sont sou­mises à des pro­ces­sus natu­rels que l’on nomme aléas, elles subissent plus ou moins régu­liè­re­ment des catas­trophes. Il faut dis­tin­guer risque et catas­trophe. Le risque est un » objet social » qui s’a­na­lyse en termes de repré­sen­ta­tion, de per­cep­tion du dan­ger. Les catas­trophes, au contraire, s’en­vi­sagent en termes de coûts, en termes de recons­truc­tion, de réamé­na­ge­ment, de réha­bi­li­ta­tion. La conscience du risque résulte en géné­ral du dérou­le­ment d’une crise ou d’une catas­trophe ; à par­tir de cet évé­ne­ment sou­vent dra­ma­tique et qui peut se repro­duire, on réa­lise ce que l’on nomme » un retour d’ex­pé­rience » qui conduit à la prise de conscience du risque.

Le risque se décline en termes de pré­ven­tion, il doit être inté­gré aux poli­tiques d’a­mé­na­ge­ment du ter­ri­toire tan­dis qu’il convient d’an­ti­ci­per la catas­trophe afin d’é­ta­blir des scé­na­rios adap­tés per­met­tant la ges­tion la plus rapide et la plus effi­cace de l’é­vé­ne­ment lors de son déclenchement.

Com­ment défi­nir le risque natu­rel ? Le risque qui inclut l’a­léa, et l’ex­pres­sion de cet aléa sur un espace vul­né­rable, est com­po­sé de deux pôles fon­da­men­taux, l’a­léa et la vulnérabilité.

La variété des aléas affectant les mégapoles

Ils se répar­tissent en deux groupes, les aléas hydro­cli­ma­tiques et les aléas d’o­ri­gine géo­lo­gique (séismes, vol­cans, tsu­na­mis, mou­ve­ments de ter­rain) (figure 1).

Les aléas hydro­cli­ma­tiques : ils sont nom­breux. Évo­quons les tem­pêtes de neige à Mont­réal, à New York, ain­si que la cani­cule dont l’Eu­rope nous a four­ni un exemple récent. Les épi­sodes pro­lon­gés de séche­resse comme les pré­ci­pi­ta­tions très abon­dantes sont aus­si source de dan­ger pour les popu­la­tions. Ces gros abats d’eau peuvent être dus aux oura­gans qui balayent fré­quem­ment les régions inter­tro­pi­cales et affectent les façades est des conti­nents où se situent un cer­tain nombre de grandes villes, en Chine, au Japon et des villes amé­ri­caines (Flo­ride). Liés à ces oura­gans s’a­joutent l’ef­fet de vents très vio­lents, des inon­da­tions et des mou­ve­ments de masse ain­si que des phé­no­mènes lit­to­raux spé­ci­fiques de sur­cote. Les inon­da­tions en Europe peuvent certes être asso­ciées à des épi­sodes de tem­pêtes, mais dans la plu­part des cas elles relèvent d’autres évé­ne­ments cli­ma­tiques (série de per­tur­ba­tions d’ouest ou très fortes pluies d’au­tomne en péri­phé­rie de la Médi­ter­ra­née). Le pro­ces­sus de l’i­non­da­tion, défi­ni comme l’é­ta­le­ment du cours d’eau dans son lit majeur ou lit d’i­non­da­tion, résulte donc sim­ple­ment du débor­de­ment de ce cours d’eau, mais il peut éga­le­ment être dû à la remon­tée des nappes, au ruis­sel­le­ment plu­vial ou au débor­de­ment des réseaux ; dans beau­coup de cas, ces causes se com­binent et expliquent l’am­pleur du processus.

Les catas­trophes d’o­ri­gine hydro-cli­ma­tique consti­tuent 79 % de l’en­semble des catas­trophes natu­relles du xxe siècle ; elles l’emportent lar­ge­ment sur celles géné­rées par les pro­ces­sus géo­lo­giques (21 %). Sta­tis­ti­que­ment, les inon­da­tions ne sont pas à l’o­ri­gine du plus grand nombre de vic­times mais pro­voquent un grand nombre de sinis­trés. Il reste qu’une seule inon­da­tion affec­tant une méga­pole (Dac­ca par exemple) ou une région très peu­plée en Chine peut entraî­ner de nom­breuses victimes.

Les aléas sis­miques concernent les grandes villes de la bor­dure paci­fique où Los Angeles, San Fran­cis­co, les villes des Andes (Qui­to, La Paz…) et du Japon (Tokyo, Kobe…) sont mena­cées. Ces aléas sont impor­tants sur le vaste domaine d’af­fron­te­ment des plaques qui s’é­tire du Por­tu­gal en Chine : ain­si Lis­bonne, Alger, Athènes, Istan­bul, Téhé­ran… sont direc­te­ment concer­nées. Liés aux aléas sis­miques, il faut comp­ter aus­si avec les tsu­na­mis. Les mou­ve­ments de masse peuvent éga­le­ment affec­ter des quar­tiers entiers de cer­taines grandes villes ; c’est le cas à Rio de Janei­ro où l’ins­tal­la­tion de quar­tiers infor­mels sur les pentes des » demi-oranges » recou­vertes de grandes épais­seurs d’al­té­rites aggrave l’ins­ta­bi­li­té de ces for­ma­tions super­fi­cielles et favo­rise leur glissement.

Figure 1
Carte des zones d’aléas sis­miques, vol­ca­niques et cycloniques

Source : Y. Vey­ret, “ Géo­gra­phie des risques naturels ” –
Docu­men­ta­tion pho­to­gra­phique, Docu­men­ta­tion fran­çaise, 2001.

L’a­léa vol­ca­nique est par­fois asso­cié à l’a­léa sis­mique, mais ce n’est pas sys­té­ma­tique. Il concerne les villes andines, les villes japo­naises, celles d’In­do­né­sie. Un peu plus de la moi­tié des vol­cans actifs et 55 % des épi­centres des failles actives ou très actives se loca­lisent dans l’es­pace inter­tro­pi­cal qui ne repré­sente que 25 % de la sur­face des continents.

Les actions anthro­piques peuvent aggra­ver, voire pro­vo­quer aléas et risques natu­rels. Ain­si la construc­tion des bar­rages sur le Mis­sis­si­pi explique la dimi­nu­tion de la masse de maté­riaux arri­vant à la côte et en consé­quence le recul du del­ta, au moins loca­le­ment. Cette situa­tion aug­mente les risques d’i­non­da­tion enre­gis­trés par la Nou­velle-Orléans. La sub­si­dence liée au pom­page d’eau ou de pétrole peut aggra­ver les inon­da­tions dans cer­taines villes lit­to­rales comme c’est le cas à Bang­kok. Il faut insis­ter aus­si sur le rôle du réchauf­fe­ment cli­ma­tique, qui en dépit des inter­ro­ga­tions qu’il sus­cite encore, ne man­que­ra pas d’a­voir des effets gra­vis­simes sur les méga­poles littorales.

La vulnérabilité

Outre les aléas, l’élé­ment clé de l’a­na­lyse du risque est la vul­né­ra­bi­li­té des espaces urbains et notam­ment des méga­poles. La vul­né­ra­bi­li­té est humaine, socioé­co­no­mique, ins­ti­tu­tion­nelle. Elle inclut l’exis­tence ou l’ab­sence de mesures de pro­tec­tion que cer­tains pays prennent et d’autres non. Elle met en ques­tion la rési­lience de la socié­té face à ces » crises » d’o­ri­gine natu­relle. Le fait que la popu­la­tion de cer­taines villes des pays en déve­lop­pe­ment conti­nue à accep­ter le risque et la catas­trophe, encore lar­ge­ment consi­dé­rés comme envoyés par Dieu ou le diable, est un fac­teur sup­plé­men­taire de vulnérabilité.

La vul­né­ra­bi­li­té implique une approche sys­té­mique, indis­pen­sable mais com­plexe notam­ment quand il s’a­git d’a­na­ly­ser la ville et plus encore la méga­pole. La ville mul­ti­plie, ampli­fie, diver­si­fie les fac­teurs de vul­né­ra­bi­li­té, laquelle découle du fonc­tion­ne­ment même de la ville, de ses logiques d’or­ga­ni­sa­tion spa­tiale et des dyna­miques ter­ri­to­riales. Les aspects éco­no­miques, sociaux et orga­ni­sa­tion­nels, le patri­moine, les élé­ments envi­ron­ne­men­taux peuvent être des fac­teurs de vul­né­ra­bi­li­té comme l’in­dique le tableau 1.

L’exemple des inon­da­tions per­met d’in­sis­ter sur quelques aspects de la vul­né­ra­bi­li­té des méga­poles. Celle-ci tient à des rai­sons his­to­riques – au fait que beau­coup de ces villes sont implan­tées au bord de l’eau par exemple -, à des rai­sons éco­no­miques et spa­tiales – l’es­pace est pré­cieux ce qui conduit par­fois à uti­li­ser des ter­rains à risque. Des rai­sons tech­niques peuvent s’a­jou­ter telles que l’in­ter­dé­pen­dance des réseaux sou­vent mal cali­brés et incom­plets (Le Caire ou Bue­nos Aires). La ville contri­bue à aug­men­ter le risque en dimi­nuant les pos­si­bi­li­tés d’in­fil­tra­tion des eaux, en concen­trant les flux.

Dans bien des cas, l’am­pleur de l’a­léa ne jus­ti­fie pas l’am­pleur de la catas­trophe : le fac­teur expli­quant l’im­por­tance des dégâts, voire le nombre de vic­times relève lar­ge­ment de la vulnérabilité.

La difficile gestion du risque dans les mégapoles

Gérer le risque en pre­nant en compte tous ces élé­ments est extrê­me­ment dif­fi­cile. C’est notam­ment le cas dans les méga­poles des pays pauvres où les flux de popu­la­tion ori­gi­naires des cam­pagnes viennent sou­vent s’ins­tal­ler dans des quar­tiers infor­mels pré­ci­sé­ment situés dans les espaces les plus dan­ge­reux (Le Caire, Yaoun­dé, Rio de Janei­ro, Istanbul…).

Tableau 1
Rap­pel de quelques fac­teurs qui font de la ville un espace vulnérable

La den­si­té de popu­la­tion, l’extension du bâti.

Les fac­teurs techniques :
– mau­vaise qua­li­té de la construc­tion, mau­vaise maî­trise de l’eau,
– sous-dimen­sion­ne­ment des ouvrages d’évacuation et de trai­te­ment des eaux usées…

Les élé­ments socio-économiques :
– ils défi­nissent au moins pour par­tie les modes d’occupation des sols, la ségré­ga­tion sociale, la frag­men­ta­tion spatiale.

L’acceptation du danger :
– le dan­ger est par­fois accep­té contre un loge­ment ou un emploi ; la pau­vre­té comme fac­teur de vulnérabilité.

Les fac­teurs psychologiques :
– igno­rance du dan­ger, absence de conscience du risque (risque bana­li­sé, inté­gré au quotidien);
– aspects reli­gieux d’ac­cep­ta­tion (le risque envoyé par Dieu ou le diable).

Les fac­teurs poli­tiques et ceux liés à l’histoire des socié­tés : les fac­teurs ins­ti­tu­tion­nels et politico-administratifs :
– absence de pro­gramme de prévention ;
– légis­la­tion laxiste ;
– absence de réflexion sur les pro­grammes de pla­ni­fi­ca­tion urbaine ;
– absence d’une culture du risque au sein du groupe social ;
– décou­pages admi­nis­tra­tifs : les ter­ri­toires des risques, la mul­ti­tude des acteurs, la dilu­tion des responsabilités

Les fac­teurs structurels :
– loca­li­sa­tion et moment pré­cis de l’impact ;
– dys­fonc­tion­ne­ments fonc­tion­nels et tech­niques imprévisibles.

Les fac­teurs fonctionnels :
– mau­vaise ges­tion des crises, mau­vaise orga­ni­sa­tion des aspects tech­niques et humains ;
– absence de sys­tème d’alerte, absence d’une pré­vi­sion efficace.

Les ges­tion­naires ont beau­coup de dif­fi­cul­tés à maî­tri­ser les ques­tions fon­cières et très sou­vent ils ne dis­posent pas de légis­la­tion appli­cable (ou vrai­ment appli­quée) de pré­ven­tion des risques. Dans ces méga­poles la pau­vre­té contri­bue à accroître le risque. L’in­dice de déve­lop­pe­ment humain (IDH), créé par les Nations unies, est un mar­queur de cette vul­né­ra­bi­li­té (faibles reve­nus, anal­pha­bé­tisme, moyens réduits en matière de san­té). Le risque ren­force la ségré­ga­tion socio­spa­tiale : les espaces à risque sont, dans la plu­part des cas, consa­crés aux popu­la­tions les plus pauvres ; ain­si à Rio de Janei­ro, les fave­las les plus expo­sées sont sur les pentes instables des » demi-oranges » ou dans des bas-fonds mal drainés.

La ges­tion des risques dans une méga­pole de pays riche n’est pas tou­jours aisée. L’exis­tence de centres anciens à forte valeur patri­mo­niale en témoigne, ils sont rare­ment adap­tés aux risques. Ain­si, la reprise des bâti­ments anciens pour les adap­ter au risque sis­mique n’est pas for­cé­ment pos­sible ; elle est, à tout le moins, coû­teuse. Il en va de même dans les zones inon­dables des quar­tiers his­to­riques de Paris. Mais que dire des réseaux (métro­po­li­tain, RER…) dont l’im­plan­ta­tion s’est faite indé­pen­dam­ment de toute inté­gra­tion du risque ?

La ges­tion des méga­poles doit donc inté­grer tous ces fac­teurs et éva­luer les effets induits d’une crise (catas­trophes natu­relles agis­sant sur cer­taines ins­tal­la­tions indus­trielles sen­sibles, effets éco­no­miques, dégra­da­tion de l’i­mage de la ville…). Une telle éva­lua­tion se révèle par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile et cela d’au­tant plus que les grandes métro­poles fonc­tionnent désor­mais en réseau dans le cadre de la mon­dia­li­sa­tion. Les tra­vaux récents du minis­tère de l’In­té­rieur por­tant sur l’ag­glo­mé­ra­tion pari­sienne en témoignent. Une grande inon­da­tion de type 1910 à Paris aurait des effets désas­treux pour la popu­la­tion pari­sienne. Sur le plan éco­no­mique, cela se tra­dui­rait par des pertes pour les entre­prises dans l’ag­glo­mé­ra­tion mais les consé­quences par le biais des effets induits affec­te­raient d’autres espaces fran­çais, euro­péens voire mon­diaux de manière dif­fi­ci­le­ment chif­frable. De même des cher­cheurs japo­nais ont envi­sa­gé les consé­quences qu’au­rait un séisme de même inten­si­té que celui de 1923 à Tokyo ; il en résul­te­rait un nombre consi­dé­rable de vic­times et la néces­si­té, pour recons­truire la méga­pole, de rapa­trier les capi­taux japo­nais épars dans le monde, ce qui aurait des effets dif­fi­ci­le­ment cal­cu­lables pour l’é­co­no­mie mon­diale et serait peut-être res­pon­sable de l’ef­fon­dre­ment de celle-ci.

À la suite ou paral­lè­le­ment à des poli­tiques de pro­tec­tion conduites depuis long­temps (digues, bar­rages pour pré­ve­nir les inon­da­tions) et qui dans bien des cas ont mon­tré leurs limites, la pré­ven­tion des risques a pris une réelle ampleur dans cer­taines villes des pays riches. Des zonages de l’es­pace urbain sont pro­po­sés, impo­sés par l’É­tat en France, ou plus ancrés dans le local en Angle­terre et au pays de Galles (l’É­cosse dis­pose d’une autre orga­ni­sa­tion admi­nis­tra­tive en matière de ges­tion des risques). En revanche dans les pays du Sud, la pré­ven­tion est peu déve­lop­pée faute d’un pou­voir suf­fi­sant pour éta­blir et faire appli­quer les régle­men­ta­tions d’ur­ba­nisme, par mécon­nais­sance du fonc­tion­ne­ment de la ville et en rai­son sou­vent du poids du foncier.

Comment la mégapole réagit-elle à la catastrophe ?

On parle de capa­ci­té d’a­dap­ta­tion ou de rési­lience, défi­nie comme l’ap­ti­tude de la ville à réagir aux per­tur­ba­tions que sont les catas­trophes natu­relles dans le but de retrou­ver un état proche de la situa­tion de départ. Les fac­teurs qui favo­risent la rési­lience semblent rele­ver d’une bonne san­té éco­no­mique du pays et de la ville, d’une tech­no­lo­gie suf­fi­sante, d’in­fra­struc­tures et d’ins­ti­tu­tions effi­caces. Il est évident que les capa­ci­tés d’a­dap­ta­tion sont supé­rieures dans les pays riches à ce qu’elles sont dans les autres. Le port de Kobe a été recons­truit au plus vite après le séisme de 1995 pour main­te­nir les acti­vi­tés de com­merce au Japon et plus pré­ci­sé­ment dans la ville, mais cela a été pos­sible parce que le Japon a pu consa­crer des finances suf­fi­santes pour une telle répa­ra­tion. Qu’en serait-il dans une méga­pole d’un pays pauvre où cer­taines catas­trophes natu­relles englou­tissent une part impor­tante du PNB ? Peut-on aller plus loin que ce constat d’é­vi­dence ? La rési­lience, qui sus­cite encore de nom­breux tra­vaux notam­ment amé­ri­cains, est-elle un concept opé­ra­tion­nel pour la ges­tion du risque affec­tant les mégapoles ?

En conclu­sion, il est utile de rap­pe­ler que la ges­tion des risques natu­rels ne peut se suf­fire de réponses tech­niques mais implique une vision plu­ri­dis­ci­pli­naire qui la rend par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile à abor­der. Les nou­veaux amé­na­ge­ments effec­tués dans une ville devraient être réa­li­sés en inté­grant les risques natu­rels. En revanche, quand la ville existe, la ges­tion du risque se révèle bien plus pro­blé­ma­tique. S’il est tota­le­ment uto­pique de pen­ser atteindre le risque zéro, il faut tout de même rap­pe­ler l’i­né­ga­li­té criante face aux risques entre popu­la­tions et villes des pays riches et des pays pauvres. Le risque est fina­le­ment un indi­ca­teur des inéga­li­tés sociales et des dys­fonc­tion­ne­ments socioé­co­no­miques et spatiaux.

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