Maurice Allais et la physique » Un parcours atypique de physicien »
Nul ne s’en étonnera : » le courant » n’est jamais bien passé entre certaines institutions scientifiques de notre pays et Maurice Allais, physicien autodidacte, disons » franc-tireur « , comme si l’économie (cette « pseudoscience ») ne suffisait pas à sa quête de reconnaissance.
Rigueur et clarté
Laissons de côté les épisodes de cette fracture pour en retenir le malentendu : Maurice Allais s’est toujours considéré comme, d’abord et viscéralement physicien, vocation ayant absorbé pas moins de 40 % de son temps, à laquelle il n’entendait renoncer sous aucun prétexte.
Si l’économie offrait un vaste champ d’investigation, ce devait être à l’image de la nature pour le physicien, exigeant les mêmes rigueur et clarté, pour en dégager des lois auxquelles elle ne saurait se dérober sans faillir. Que l’on ne se méprenne pas : le physicien y précède l’économiste pour mieux l’épauler et c’est bien au premier que l’on doit ses approches les plus innovantes de son oeuvre magistrale en économie.
Découvrir ce que l’on cherche
N’est-il pas étrange que les phénomènes énigmatiques, que dit nous révéler Maurice Allais, aient pu échapper jusqu’ici aux observateurs ? (Assertion inexacte comme nous le verrons.) Que sont-ils en réalité ? Des perturbations locales à caractère périodique et d’amplitude faible (quelques 10-5 au plus), de moyenne nulle sur des périodes plus ou moins longues (diurne, mensuelle lunaire sidérale, entre équinoxes, annuelle).
De telles perturbations, indétectables dans des observations isolées, exigent, pour être mises en évidence, des mesures suffisamment nombreuses, échelonnées dans le temps (même pour 24 heures). S’y ajoute la nécessaire mise en œuvre de procédures ad hoc destinées à découvrir uniquement ce que l’on cherche. D’une manière générale, quand on veut détecter un signal dans un bruit de fond, il faut d’abord conjecturer son existence pour provoquer l’effet de résonance approprié. Il en va de même des régularités présumées dans des séries temporelles où, par le biais de filtrages, on relève phases et amplitudes, et teste par la suite leur validité statistique, c’est un travail méthodique exigeant motivation, rigueur et professionnalisme d’expérimentateur. Ces conditions, Maurice Allais va bientôt les incarner au plus haut niveau.
Premières expériences (1954−1960)
Comme tout passionné de physique, Maurice Allais est hanté par l’exigence unitaire des quatre forces fondamentales de la nature et le défi posé par ces insaisissables ondes gravitationnelles. Instruit d’anomalies observées lors de mesures de triangulation comme de déviations optiques1, il va bientôt, servi par les circonstances, faire le pari d’une mise en évidence des interactions entre champs électromagnétique et gravifique, liées à des anisotropies de l’espace.
Responsable d’un laboratoire à l’Institut de recherches sidérurgiques, Maurice Allais va s’y livrer à des expériences mémorables dans la perspective d’une éclipse totale de Soleil, le 30 juin 1954. Il s’y prépare en mettant au point son pendule paraconique2.
Au cours de ce rodage, il vérifie et mesure soigneusement les effets prévisibles, comme ceux de Foucault. Une série mensuelle d’observations, centrée sur la date de l’éclipse, révèle alors un phénomène inattendu et depuis lors inexpliqué : une brusque déviation du plan d’oscillation du pendule durant l’éclipse (confirmé cinq ans plus tard lors de l’éclipse du 2 octobre 1959, puis à Bucarest en 1965, puis au début de notre siècle en Chine).
L’effet d’Allais
The Allais effect3 eut, à l’époque, un retentissement international plus particulièrement aux États-Unis, à la Nasa, où il intrigua W. von Braun. Les expériences qui s’ensuivirent ont compris une série de campagnes mensuelles échelonnées, année après année, sur la base de relevés de 14 minutes renouvelés toutes les 20 minutes du plan d’oscillation du pendule (plus exactement du grand axe de l’ellipse décrite) tandis que, pour s’assurer de l’insignifiance d’effets pervers externes, des expériences identiques effectuées en parallèle dans un couloir souterrain de l’IGN à Bougival donnèrent les mêmes résultats.
Fort de cette moisson de résultats, Maurice Allais entreprend de diversifier le champ de ses expériences. En simultanéité avec celles du pendule, il procède, en juin-juillet 1968, à l’IRSID, à des visées sur mires, et l’année suivante, dans un couloir souterrain de l’IGN, à des visées sur mires et collimateurs.
Un siècle de découvertes
Avant de passer à la deuxième phase des travaux de Maurice Allais replaçons- les dans leur perspective historique.
- Rappelons que les Théories de la relativité restreinte, puis générale d’Einstein, voient respectivement le jour en 1905 et 1916.
- En 1925–1926, le docteur Miller, expérimentateur hors pair, au mont Wilson et à Cleveland, alors président de la Société américaine de physique, renouvelle les expériences de Michelson-Morley avec un interféromètre bien plus précis (c’est ainsi que la longueur du trajet lumineux est multipliée par 30!). Il diversifie les mesures et surtout innove en les étalant sur un an. Ses expériences confirment celles de ses prédécesseurs : entre deux directions orthogonales précisées avec soin, date et heure sidérale à l’appui, on relève bien en moyenne sur l’année une différence de vitesse de la lumière, de l’ordre de 6 à 10 km/s.
» Si les résultats du docteur Miller sont confirmés, la Théorie de la relativité s’écroule, l’expérience est le juge suprême « , commente alors Einstein à leur annonce, qui ne s’en heurte pas moins à un scepticisme général : on conclut sans preuve aucune à des » effets pervers ayant faussé les mesures « . - À peine deux ans plus tard (1927- 1928), un nouveau signal se produit : l’astronome français, Ernest Esclangon, révèle l’existence d’une très légère dissymétrie entre rayons incident et réfléchi sur un miroir, due à l’entraînement de ce dernier par le mouvement de la Terre sur son orbite avec pour conséquence un effet d’aberration sur l’année solaire. S’y ajoute une deuxième dissymétrie optique est-ouest (imputable à la rotation terrestre?).
- Il eût sans doute été plus sage de se dire que l’on s’était peut-être débarrassé un peu vite de » l’éther « , du moins de ce milieu-support bien réel, au prétexte qu’il était inassimilable à un fluide substantiel (Henri Poincaré s’était clairement expliqué à ce sujet).
Ce doute, pour peu qu’il en subsiste, allait être effacé par une découverte de nature à jeter autrement trouble et interrogations dans les esprits à commencer chez Einstein. En 1929, Hubble observe que les galaxies lointaines s’éloignent de nous, ce qui remettait en question l’idée que l’on s’était faite, a priori , de la constante cosmologique de la Relativité générale. - Est-il besoin de rappeler comment, par la suite, le modèle quantique (après avoir surmonté bien des mises à l’épreuve) avait fait une irruption irrésistible en astrophysique, notamment à l’initiative de Richard Feynman, réhabilitant au moins partiellement le concept de trajectoire mis à mal par le principe d’incertitude d’Heisenberg.
Apparaît bientôt une équation de Schrödinger relativiste « astronomique » fournissant une bonne approximation de la dynamique gravitationnelle régissant l’évolution de structures assez grandes pour figurer le chaos : dans de nombreux systèmes, un nuage de matière piégé dans le champ de gravitation d’un corps massif subissait son accrétion, comme s’il était façonné par une telle équation.
Maurice Allais et les observations de Miller
En 1933, le docteur Miller, alors découragé, meurtri par le scepticisme et les railleries de ses confrères, avait pris soin de sauvegarder ses milliers de pointés en les publiant dans l’espoir que la postérité les prendrait enfin au sérieux. Ce réflexe salutaire, Maurice Allais va en tirer le meilleur parti, aidé en cela par son intuition et son savoir-faire en matière d’analyse harmonique des séries temporelles de mesure. Les observations interférométriques de Miller, portant sur les azimuts en temps sidéral et les vitesses de la lumière, couvraient quatre périodes hebdomadaires centrées sur les dates 1⁄4, 1⁄8, 15⁄3, 8⁄2, les azimuts correspondant au maxi des franges lors d’un demi-tour d’horizon du dispositif (ne permettant pas de distinguer deux vitesses de signe opposé), tandis que les variations de vitesse étaient déduites du déplacement des franges.
Maurice Allais dissipe le soupçon d’effets pervers ayant pu biaiser les observations de Miller
Rappelons que, selon la théorie classique, l’hodographe de la projection de la vitesse de la Terre sur le plan horizontal est une ellipse symétrique par rapport au méridien dont le grand axe est perpendiculaire à ce dernier. Après lissage de ses observations par substitution de moyennes sur 6 à 10 jours consécutifs, Miller avait au moins clairement mis en évidence une périodicité diurne sidérale avec des écarts de vitesse étroitement corrélés aux azimuts. En opérant sur des moyennes mobiles des observations propres aux quatre périodes, Maurice Allais parvient à reconstituer empiriquement les hodographes des vitesses avec leurs ajustements elliptiques en temps réel pour constater leur perpendicularité aux directions moyennes, non des méridiens (selon la théorie classique) mais des azimuts, assortie d’une très forte interdépendance entre les vitesses et ces derniers.
Ces hodographes mettent en évidence des régularités tout à fait remarquables : les quatre points correspondant à une même heure sidérale (0, 1, 2…) se situent sur un même cercle et il en va de même pour leurs centres, permettant d’associer à chaque époque une direction centrale moyenne (un lien dont il est malheureusement impossible de suivre l’évolution, en raison de l’insuffisance des données). Par ailleurs l’analyse harmonique des variations de leurs paramètres permet de découvrir des structures périodiques semi-annuelle ou annuelle avec des maxima au voisinage du 21 mars, équinoxe du printemps.
Un phénomène perturbateur de caractère cyclique et local du champ de gravitation
Cet ensemble de périodicités, confirmant l’existence d’une structure sous-jacente particulièrement cohérente, dissipe le soupçon d’effets pervers ayant pu biaiser les observations de Miller. La mise en évidence de ces corrélations apparaît ainsi comme révélatrice d’un phénomène nouveau, d’un tout autre ordre de grandeur (103 à 105 fois celui prévisible par les théories actuelles). Le premier pays concerné par l’analyse fine des observations du docteur Miller était les États-Unis. Quelle diffusion, quel accueil y furent faits à L’Anisotropie de l’espace ? Nous l’ignorons, sauf qu’à la Nasa The Allais effect refit surface deux ans plus tard4.
Concluons cette deuxième phase en faisant précisément retour à la » case départ » de la première : ce fameux effet d’éclipse rebelle à toute explication » conventionnelle« 5 serait, selon toute vraisemblance, la manifestation extrême d’un phénomène perturbateur plus général de caractère cyclique et local du champ de gravitation sur notre globe, dû à l’action à distance du Soleil et de la Lune, en phase avec les configurations des trois astres.
Un avenir en question
L’éther en mouvement
La conception de » l’éther » en mouvement de Maurice Allais repose sur l’hypothèse d’égalité entre la vitesse d’une planète en tout point de sa trajectoire orbitale (environ 30 km/s pour la Terre) et celle de son « éther » environnant. Maurice Allais l’appuie sur un calcul emprunté à la mécanique des fluides (l’accélération étant comptée avec sa composante sur l’axe Terre-Soleil). Il fait la même hypothèse pour tout satellite d’une planète. Un calcul simple appliqué au couple Terre-Lune (assorti de la troisième loi de Kepler) montre que si la vitesse de la Lune sur son orbite est de l’ordre de 1 km/s, celle de l’éther au voisinage de la Terre devrait être de 8 km/s, c’est-à-dire dans la fourchette (6−10) des écarts observés par Miller.
Maurice Allais, expérimentateur passionné, comme le fut Miller en son temps, va-t-il passer à la postérité ? Observons que sa position à cet égard est bien meilleure, non seulement il valorise les expériences de son prédécesseur (comme le fit jadis Kepler de celles de Tycho Brahé), mais il peut les appuyer sur les siennes. En outre, on sait aujourd’hui que la Relativité générale, sésame d’une époque, ne rend pas exactement compte de la réalité, échouant notamment à unifier les forces de la nature.
Même si les précisions numériques apportées par Maurice Allais sont encore trop partielles, l’existence même des phénomènes » dérangeants « , clairement cernés dans leur cohérence, paraît difficilement contestable.
Ayons donc la sagesse d’accueillir, de garder au moins en mémoire tout ce qui, non compris aujourd’hui, peut le devenir demain ou après-demain, dans le cadre plus général de quelque nouveau modèle.
Diligenter une enquête auprès de spécialistes
Une attitude plus porteuse et active serait cependant bien préférable, consistant à diligenter une enquête auprès de spécialistes a priori concernés, à commencer par ceux des mesures interférométriques et ceux des techniques GPS. L’emploi de ces dernières peut-il être adapté pour effectuer des séries de pointés révélatrices d’écarts significatifs de vitesse de la lumière (selon la latitude, l’heure, etc.) ?
La découverte » d’exoplanètes » (dès 1997) a permis à Laurent Nottale de proposer un modèle général très plausible de quantification des systèmes planétaires, ces » grands systèmes » intégrables de Poincaré, dont nous découvrons peu à peu l’extraordinaire diversité dans leur connivence avec la mécanique quantique (et l’existence probable de divergences locales, cycliques, liées aux orbites composantes).
Il serait en second lieu très utile d’inviter des astrophysiciens à réagir, à donner leurs diagnostics sur les travaux de Maurice Allais dans la mesure où ils s’y sont déjà intéressés, sinon à leur recommander d’y porter attention. Notons ici que plusieurs de nos camarades travaillent dans des laboratoires d’astrophysique et peuvent servir de relais auprès de leur entourage.
Insistons enfin sur ce terrain exceptionnellement novateur et dynamique de la recherche actuelle en astrophysique où notre vision du cosmos a été bouleversée depuis la découverte de forces antigravifiques d’une » énergie noire » provoquée par l’effondrement de coeurs stellaires et de leur prépondérance (d’où l’expansion accélérée du cosmos). Des modèles innovants voient le jour, tel celui de la « Relativité d’échelle« 6 développé par Laurent Nottale.
À ses yeux la constante cosmologique proviendrait de deux sources : un terme de nature géométrique, l’autre gravitationnel des fluctuations du vide quantique jouant un rôle dominant au-dessous d’une certaine échelle.
Ajoutons encore une remarque : l’existence (dûment constatée ?) de vitesses supraluminiques transverses autour de certains sites cosmiques7 serait de nature à conforter l’hypothèse allaisienne d’un éther porteur solidaire de la rotation de corps célestes éteints.
1. Une faible déviation optique (mesurée en radian) entraîne une varation relative égale de la vitesse de la lumière.
2. Un cône d’acier, une tige en bronze (amagnétique) de 83 cm, fixée sur un étrier reposant sur une bille, elle-même posée sur un plateau (selon deux versions : anisotrope et isotrope du dispositif et des procédures). Précision importante : si, dans les théories admises de la gravitation, les effets d’origine astrale sont indépendants de la longueur du pendule, dans l’hypothèse d’une anisotropie de l’espace, ils sont inverses de celle-ci.
3. Ne doit pas être confondu avec The Allais paradox, l’un de ses premiers succès « antidogme » démontrant que l’application du postulat de J. von Neumann et Morgenstern (longtemps référence de base de l’approche » rationnelle » des comportements humains), dans la théorie des jeux, ne tenait pas devant l’expérience, sauf à l’assortir d’un correctif (cf. La Jaune et la Rouge, février 2011, Lévy-Garboua).
4. Déconcerté par la perte de trois sondes spatiales (Pioneer 10 et 11, Ulysse) détournées de leurs trajectoires sous l’effet d’accélérations insolites plus ou moins en phase avec des anomalies gravimétriques, le docteur Noever prit l’initiative de promouvoir un vaste programme expérimental autour de The Allais effect. Malheureusement Noever ayant quitté la Nasa en décembre 1999, d’autres » priorités » prévalurent.
5. A review of conventional explanations of anomalous observations during solar eclipses par Chris. P. Duf, 11/8/2004, université de Delft. (Note assortie d’une cinquantaine de références sur ce sujet.)
6. Référence : Pour la Science, n° 309, juillet 2003.
7. Pensons, par exemple, aux « pulsars binaires » dont l’un orbite autour d’une étoile morte à neutrons (un » trou noir avalant ») tournant très vite sur elle-même.
Site Internet :
http://allais.maurice.free.fr
Commentaire
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ICA
Cette analyse des travaux de Maurice Allais en physique est très intéressant.
Une réflexion sur les bases de la physique moderne est nécessaire.
Celles-ci sont bien moins rigoureuses qu’on ne le pense. Les théories physiques actuelles font des approximations conceptuelles et mathématiques. Elles n’ont donc pas plus que la physique classique une valeur universelle et définitive.
Il faudrait donc que les physiciens acceptent de se soumettre à une analyse critique, sans tabous, des vérités qu’ils croient définitivement établies.