Assainissement : anticiper les effets du changement climatique

Dossier : Le Grand Paris : Les territoires, espaces d‘anticipationMagazine N°676 Juin/Juillet 2012
Par Jacques OLIVIER

Les consé­quences pos­sibles du chan­ge­ment cli­ma­tique sont nom­breuses. Il aura un impact sur les volumes qui arri­ve­ront sur les usines, les charges à trai­ter et les per­for­mances à obte­nir pour pré­ser­ver la qua­li­té de la Seine qui aura été res­tau­rée au moins sur le plan de sa qua­li­té phy­si­co­chi­mique. Les volumes jour­na­liers de temps sec devraient pour­suivre leur ten­dance à la baisse ou connaître au mieux une sta­bi­li­sa­tion, le contexte de stress hydrique pou­vant conduire à la mise en place d’une véri­table poli­tique d’économie d’eau d’une part, et la baisse de la recharge des nappes ayant pro­ba­ble­ment pour consé­quence de limi­ter les apports d’eaux para­sites per­ma­nentes, d’autre part.

REPÈRES
Le chan­ge­ment cli­ma­tique peut affec­ter aus­si bien l’approvisionnement en eau, la qua­li­té des cours d’eau en amont de l’agglomération pari­sienne qui pour­rait se dégra­der du fait de la baisse des débits, que la capa­ci­té de la Seine à sup­por­ter les rejets pol­luants de l’agglomération pari­sienne. Le fleuve pour­rait connaître une pres­sion d’usages ren­dant néces­saire une réelle réduc­tion des consom­ma­tions d’eau potable.

Pollution croissante

Le contexte de stress hydrique peut mener vers une poli­tique d’économie d’eau

On observe depuis plu­sieurs années une baisse régu­lière des volumes arri­vant sur les usines du SIAAP alors que les charges de cer­tains pol­luants à trai­ter aug­mentent. Ces baisses de volumes affectent par­ti­cu­liè­re­ment, par­fois de manière impor­tante, la dyna­mique des flux arri­vant sur l’usine de Seine aval. En effet, les réseaux de trans­port sont faits pour fonc­tion­ner avec des volumes d’eau plus impor­tants que ceux ren­con­trés aujourd’hui. Dans de telles condi­tions, les effluents ont ten­dance à deve­nir sep­tiques, et la vitesse, très sou­vent faible, entraîne la for­ma­tion de dépôts dans les réseaux. Ces condi­tions sont très pré­ju­di­ciables à une bonne qua­li­té de l’épuration car, à la pre­mière pluie, les dépôts sont repris, pro­vo­quant des à‑coups de charge dif­fi­ciles à gérer par les exploi­tants des usines.

Gérer la variabilité des débits

La prise en compte des pol­lu­tions par temps de pluie va conduire le SIAAP et les autres maîtres d’ouvrage à mettre en œuvre des ouvrages de sto­ckage des­ti­nés à inter­cep­ter les rejets de temps de pluie pour les trai­ter sur les usines.

Moyen terme et long terme
À moyen terme, les débits jour­na­liers arri­vant sur les usines de retrai­te­ment devraient pour­suivre leur baisse. À plus long terme, ces débits pour­raient reve­nir à des valeurs proches de celles d’aujourd’hui en rai­son de l’augmentation démo­gra­phique pré­vue dans le cadre du déve­lop­pe­ment du Grand Paris.

Cela va créer une varia­bi­li­té nou­velle des débits et charges pour la ges­tion des ins­tal­la­tions du SIAAP qui, jusqu’à récem­ment, en rai­son du défi­cit de capa­ci­té épu­ra­toire, ont plu­tôt fonc­tion­né à débit constant. Dans ce contexte, le sys­tème de ges­tion dyna­mique des flux du SIAAP occu­pe­ra une place cen­trale dans la maî­trise des pro­blèmes évo­qués ci-des­sus. Les charges à trai­ter vont connaître des chan­ge­ments liés à l’augmentation démo­gra­phique et à l’évolution des volumes d’eau assu­rant le trans­port des pol­luants. Ain­si, la charge en azote réduit va suivre l’augmentation démo­gra­phique. L’interdiction en 2012 des phos­phates dans les les­sives tex­tiles indus­trielles et dans les les­sives pour lave-vais­selle devrait entraî­ner une baisse de la charge en phosphore.

Concentrations en hausse

Mau­vaises odeurs
Les dépôts de matière pol­luante dans les conduites génèrent des gaz toxiques et de mau­vaises odeurs. Pour limi­ter l’apparition d’H2S, le SIAAP uti­lise d’importantes quan­ti­tés de nitrate de cal­cium au bilan car­bone très néga­tif. La ges­tion des réseaux de trans­port pour mieux maî­tri­ser l’apparition de ces pro­blèmes figure par­mi les sujets de pré­oc­cu­pa­tion de demain.

Réduc­tion des volumes d’eau et évo­lu­tion démo­gra­phique vont ame­ner une hausse des concen­tra­tions. Ain­si l’azote réduit pour­rait pas­ser, vers 2030, en moyenne de 50 mg/L à 60 mg/L. Pour les autres para­mètres, en moyenne les concen­tra­tions devraient aug­men­ter avec des dif­fé­rences sen­sibles entre para­mètres en rai­son de l’incidence du temps de séjour dans les réseaux. La pro­por­tion entre les para­mètres pour­rait s’en trou­ver modi­fiée. Il est pro­bable que les phé­no­mènes de varia­tions de charges que l’on observe aujourd’hui s’amplifient dans le futur. En effet, la struc­ture actuelle du réseau, conçu pour fonc­tion­ner avec des quan­ti­tés impor­tantes d’eau pour assu­rer de bonnes condi­tions de trans­port, pour­rait néces­si­ter des modi­fi­ca­tions impor­tantes pour per­mettre soit d’atteindre les vitesses d’autocurage soit d’assurer des chasses hydrau­liques des dépôts résul­tant de l’insuffisance de la vitesse d’écoulement. La maî­trise de ces phé­no­mènes tout comme la capa­ci­té de les pré­voir seront pro­ba­ble­ment les clés de la qua­li­té des per­for­mances épuratoires.

Éviter une régression de la qualité

Les usines du SIAAP ont la capa­ci­té de trai­ter en condi­tions nomi­nales la charge cor­res­pon­dant à une popu­la­tion d’environ 9,8 mil­lions d’habitants, capa­ci­té toute théo­rique qui repose sur une répar­ti­tion des flux opti­male entre les usines.

Chasses natu­relles
Les chasses natu­relles pro­vo­quées par les épi­sodes plu­vieux sont dou­ble­ment déli­cates à gérer car, à l’aspect du phé­no­mène hydrau­lique tran­si­toire, viennent s’ajouter des varia­tions de charges mas­siques à la hausse ou à la baisse selon les para­mètres et leur sen­si­bi­li­té à la décan­ta­tion ou à la dilution.

Il n’est pas dit que le déve­lop­pe­ment urbain suive rigou­reu­se­ment celui des bas­sins d’apport de chaque usine. De plus, le SIAAP n’aura alors plus de réserve de secours pour assu­rer la sécu­ri­té d’exploitation pour les opé­ra­tions de chô­mage d’usine. La capa­ci­té des usines à trai­ter par voie bio­lo­gique les flux de pol­luants occa­sion­nés par les évé­ne­ments plu­vieux se rédui­ra pro­gres­si­ve­ment au fur et à mesure de l’augmentation des charges de temps sec. En effet, la marge de sécu­ri­té actuel­le­ment dis­po­nible per­met de trai­ter une frac­tion des eaux de pluie aux per­for­mances nominales.

L’accroissement des ren­de­ments épu­ra­toires attein­dra assez rapi­de­ment ses limites

Si les pré­vi­sions de baisse du débit d’étiage avec une période d’étiage pro­lon­gée se confir­maient, cela consti­tue­rait une évo­lu­tion fon­da­men­tale pour le res­pect des objec­tifs de qua­li­té de la Seine et un enjeu majeur pour le SIAAP confron­té à l’effet com­bi­né de l’augmentation des charges à trai­ter et de la dimi­nu­tion des charges à reje­ter en Seine dans l’optique de main­tien du bon état. Cela veut dire un accrois­se­ment per­ma­nent des ren­de­ments épu­ra­toires qui attein­dra assez rapi­de­ment ses limites.

D’où la crainte d’une lente régres­sion du bon état phy­si­co­chi­mique au fur et à mesure de l’accroissement démo­gra­phique et de l’amplification des effets du chan­ge­ment cli­ma­tique. La recon­quête de la Seine pour­rait n’avoir été qu’un inter­mède. Après des décen­nies de tra­vaux pour la recon­quête de la Seine cette évo­lu­tion serait contraire au prin­cipe de déve­lop­pe­ment durable. Ain­si, l’évolution démo­gra­phique et l’accroissement des contraintes sur la Seine, en lien notam­ment avec le chan­ge­ment cli­ma­tique, pour­raient néces­si­ter des com­plé­ments de moyens épu­ra­toires avec des per­for­mances très élevées.

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Article issu de l’ouvrage Bel­grand et son héri­tage, à paraître aux Presses des Ponts.

Commentaire

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Ber­trandrépondre
6 août 2012 à 12 h 04 min

en effet, les capa­ci­tés
en effet, les capa­ci­tés épu­ra­toires des sys­tèmes d’as­sai­nis­se­ment attein­dront des limites tech­no­lo­giques mais avant tout finan­cières, car le ser­vice public d’as­sai­nis­se­ment n’a pas les moyens de se payer des sta­tions high-tech. Par contre, si les délé­ga­taires et syn­di­cat s’in­té­ressent à l’aug­men­ta­tion des capa­ci­tés épu­ra­toires des cours d’eau (hydro­mor­pho­lo­gie et dés-imper­méa­bi­li­sa­tion du bas­sin ver­sant), les solu­tions existent.

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