Assurance : comment entre-t-on dans la carrière ?
L’AX s’intéresse en ce début d’année à la thématique des dirigeants, avec notamment un dîner de rencontre avec des hauts dirigeants le 18 mars, le lancement d’un groupe X dirigeants, et formation de codéveloppement dédiée aux dirigeants. Dans ce cadre et en liaison avec le thème de ce numéro consacré aux assurances, Isabelle Tanchou (X80) a interviewé un camarade devenu dirigeant dans les assurances.
Frédéric, peux-tu rappeler qui tu es, ton parcours et ce qui t’a amené dans le métier de l’assurance ? Ou doit-on parler de métiers, au pluriel ?
J’ai la chance d’avoir un parcours éclectique et, il faut bien le dire, assez atypique. À la sortie de l’X, j’ai hésité à rejoindre le secteur de l’assurance, mais finalement opté pour le corps de l’Armement, notamment pour ne pas rompre avec les sciences de l’ingénieur. Après l’école d’application, un DEA de Paris Saclay et un Master of Science de l’Université de Californie, j’ai travaillé pendant quatre ans au ministère de la Défense.
Une occasion se présentant au ministère de l’Economie, des Finances et du Budget, le DRH de la DGA m’a incité à rejoindre ce ministère, où j’ai exercé pendant sept ans. Ayant décliné la responsabilité du bureau Défense à la direction du Budget – pour éviter un conflit d’intérêt évident – j’y ai pris en charge le secteur des retraites, au moment de la « réforme Balladur », et j’ai ensuite été nommé conseiller technique au cabinet du ministre de l’Économie et des Finances, au moment de la « réforme Juppé » de 1995.
Ma rencontre avec l’assurance obligatoire (santé, retraite, chômage…) et la régulation des régimes d’assurance complémentaire date en fait de cette époque ; je n’imaginais pas qu’elle allait être aussi déterminante pour la suite de ma carrière professionnelle ! Ainsi, au début des années 2000, j’ai eu l’occasion d’exercer mes fonctions au sein de l’audit groupe de l’assureur AXA, avant de revenir dans le secteur public pour diriger l’Acoss (Agence centrale des organismes de sécurité sociale) et les Urssaf.
« En tant que directeur de cabinet du ministre de la Santé et de la Protection sociale, j’ai piloté la mise en œuvre de la réforme de l’assurance maladie de 2004. »
En tant que directeur de cabinet du ministre de la Santé et de la Protection sociale, j’ai piloté la mise en œuvre de la réforme de l’assurance maladie de 2004, à la suite de laquelle j’ai été nommé directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie et de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, poste que j’ai occupé pendant dix ans. À l’époque, l’ensemble des organismes d’assurance maladie, y compris les établissements de soins, employaient 97 000 salariés (de droit privé) et l’UNCAM (Union nationale des caisses d’assurance maladie) négociait (c’est toujours le cas) les conventions et les tarifs de toutes les professions libérales de santé (médecins, pharmaciens, dentistes, infirmiers…).
Après deux mandats passionnants, j’ai souhaité retourner dans le secteur privé pour diriger une entreprise de courtage d’assurance santé internationale et j’ai ensuite pris la direction générale des fonctions corporate du premier courtier d’assurance en France spécialisé dans les risques d’entreprise, le groupe Diot-Siaci. J’ai bien évidemment gardé des liens forts avec le secteur de la santé, ayant été élu membre libre de l’Académie nationale de médecine et présidant actuellement le conseil de surveillance du premier groupe de cliniques privées français, le groupe Elsan. J’ai donc effectivement eu la très grande chance d’exercer de nombreux métiers à la fois dans la santé, la retraite, l’assurance publique, l’assurance privée et le courtage d’assurance.
Quelle est la spécificité de ces métiers ? Quelles compétences faut-il avoir ou développer ?
Le secteur des assurances, dans une vision large incluant non seulement le privé, mais aussi le privé non lucratif et les assurances publiques obligatoires, gère des flux financiers massifs et présente une diversité de métiers très importante. Les cotisations d’assurance privée s’élevaient à 240 Mds € en 2022, les mutuelles et les institutions de prévoyance totalisaient 36 Md€ en assurance santé et prévoyance, les régimes obligatoires de base 572 Md€ (dont 241 Md€ en santé et 259 Md€ en retraite), la retraite complémentaire du secteur privé 94 Md€…
La gestion de ces flux et la maîtrise des systèmes d’information qui les gèrent (qui maintenant intègrent l’intelligence artificielle générative), le développement et la commercialisation des produits d’assurance, le pilotage des équilibres techniques et des réserves financières correspondantes, la gestion d’actifs, la maîtrise des risques – notamment liés au dérèglement climatique – et la lutte contre la fraude et la cyber criminalité, l’évolution de la règlementation et notamment la fiscalité, le développement des ressources humaines, toutes ces activités au cœur de l’assurance permettent d’exercer de nombreux métiers très divers et de développer des compétences professionnelles dans un contexte d’excellence particulièrement motivant.
« Ne pas hésiter à compléter la formation d’ingénieur avec des formations complémentaires. »
Bien évidemment, les ingénieurs, en particulier les polytechniciens, peuvent dérouler dans les différents secteurs de l’assurance un parcours professionnel épanouissant, et même passionnant compte tenu des enjeux humains et économiques en cause. Le secteur se caractérisant, nous l’avons évoqué, par la gestion prudentielle de flux financiers importants et notamment de l’épargne des assurés, il ne faut pas hésiter à compléter la formation d’ingénieur avec des formations complémentaires, par exemple par un diplôme d’actuariat.
En tant que dirigeant, quel conseil donnerais-tu à un X qui voudrait s’engager dans cette voie ? Quelle perspective de carrière peut-il avoir ?
En premier lieu, il ne fait pour moi aucun doute que le secteur de l’assurance, au sens large, est un secteur stratégique, dont le développement va continuer dans les années à venir. Donc, pour un jeune polytechnicien qui souhaiterait s’engager dans ce secteur, le choix de la dominante métier d’une première partie de carrière est un choix personnel mais assez déterminant pour la suite de la carrière. Bien évidemment, les polytechniciens et plus généralement les ingénieurs disposent d’un avantage concurrentiel, du fait de leur excellente maîtrise de la quantification des projets, de leur résolution, ce qui peut par ailleurs être transposé dans des domaines plus éloignés de leur formation initiale comme la fiscalité ou le droit, sous réserve bien évidemment d’une solide formation complémentaire adaptée.
Mais je conseillerais, éventuellement après une première expérience réussie dans un métier technique, économique ou financier, de compléter cette expérience à l’international et de développer ses compétences dans des fonctions où les qualités relationnelles sont déterminantes : les fonctions commerciales et le management. Car, dans un métier de services et plus généralement dans l’entreprise, qu’elle soit publique ou privée, la capacité de développer des relations humaines harmonieuses et d’accélérer le développement de l’entreprise grâce à l’alignement des efforts collectifs est déterminante dans la création de valeur. Les perspectives de carrière sont prometteuses, jusqu’au plus haut niveau – la communauté polytechnicienne continue de le démontrer par l’exemple – mais évidemment la concurrence est réelle !