Assurance-vie : innover face aux contraintes
REPÈRES
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1300 milliards d’euros. C’est le total des sommes que les Français ont décidé, à ce jour, de confier à leur placement préféré. Premier vecteur de l’épargne longue, l’assurance-vie a donné la preuve de sa résistance dans un contexte de crise financière où elle a fait figure de valeur refuge pour des épargnants guidés par leur besoin de sécurité. 42 % des ménages possèdent au moins une assurance-vie, produit qui offre un cadre fiscalement attractif, un rendement intéressant et la possibilité de sécuriser, au moins en partie, leur épargne.
Les contrats multisupports, qui sont aujourd’hui légion et qui proposent aux assurés de répartir leur investissement entre un fonds euros et de multiples supports en unités de compte, offrent un bon compromis entre sécurité, risque et performance. Les assureurs ont ainsi trouvé le parfait relais de croissance et de rentabilité pour gérer les contraintes actif-passif et la lente érosion des taux d’intérêt.
Les bancassureurs sont d’ailleurs les plus fervents soutiens des unités de compte qui leur ont permis de créer un produit financier performant en faisant le meilleur usage possible des synergies entre leurs filiales d’asset management, d’assurance, et leur réseau de distribution.
Diversifier les placements
La popularité de l’assurance-vie vient de la diversité des investissements qu’elle permet
Un autre atout, et pas des moindres, qui explique la popularité de l’assurance-vie, est la diversité des investissements qu’elle permet. Actions, obligations, immobilier ou liquidités, l’allocation des actifs est à la fois simple et souple pour qui s’y connaît un peu.
Et si on n’y connaît rien ? Les modes de gestion définis par les assureurs permettent désormais aux conseillers d’orienter leurs clients vers les supports ou les options de gestion les mieux adaptés, en fonction de leurs connaissances financières, de leur horizon de placement et de leur niveau d’aversion au risque.
Levier fiscal
Du côté de la fiscalité, l’année 2010 a été particulièrement agitée en matière de réflexion fiscale mais cela n’a donné lieu qu’à des réformes limitant légèrement le statut privilégié de l’assurance-vie (les prélèvements sociaux par exemple). Pour autant il ne faut pas croire que la fiscalité ne contribuerait qu’à réduire les avantages dont jouit l’assurance-vie. Une réflexion est d’ailleurs en train d’être menée sur la façon dont, par le biais de la fiscalité, on peut encourager la détention de contrats en actions.
Ces mesures d’incitation viendraient pallier la forte désaffection observée sur les actions, liée à l’instabilité des marchés financiers. Ce phénomène, qui semble s’estomper en 2010 (+10 % de collecte depuis janvier), doit cependant être surveillé attentivement puisque les remous des marchés sont loin d’être la seule explication au recul des unités de compte.
Contraintes prudentielles
L’horizon des marchés financiers est également assombri par la perspective de la réglementation Solvabilité II, qui s’imposera aux assureurs dès 2012. Avec une volonté annoncée de mieux parer aux risques financiers, les régulateurs européens formalisent actuellement cette réforme qui vise à mettre en adéquation le niveau des fonds propres des compagnies d’assurances avec le niveau d’exposition au risque de leurs activités.
Solvabilité II
Le véritable changement introduit par Solvabilité II réside dans le fait que les stratégies d’allocation d’actifs seront dirigées non plus uniquement dans une logique d’optimisation de la performance mais également dans une logique d’optimisation des fonds propres.
Si à ce stade les dispositions définitives ne sont pas encore connues, il faut être conscient du fait que des exigences en fonds propres trop importantes, ou trop volatiles, pourraient inciter les assureurs à désinvestir des actions, chères en fonds propres car risquées.
La première conséquence en est que la politique d’allocation d’actifs se verra profondément modifiée à la lumière des nouvelles dispositions. C’est donc en fonction des nouvelles contraintes en fonds propres que celle-ci sera optimisée. Il appartiendra à chaque assureur d’appliquer les normes apportées par Solvabilité II en fonction de la capacité de couverture dont il dispose déjà et de la capacité d’absorption de son passif.
La question qui se pose alors aux assureurs est de savoir de quelle manière ils vont pouvoir atteindre un niveau de performance acceptable, avec une prise de risque acceptable elle aussi.
La solution pourrait être d’attirer les assurés vers des produits de long terme, avec des garanties non pas à tout moment mais à des moments donnés de la vie du contrat, fixés au préalable.
En tarifant un produit sur le long terme, l’assureur sera ainsi à même de mieux absorber les variations du portefeuille.
Les épargnants se laissent en grande majorité séduire par les sirènes du fonds euros et de son capital garanti
Érosion des rendements
La nouvelle donne réglementaire pose aussi la question de la performance pour les assurés. Si ces derniers peuvent se réjouir des normes de sécurité accrues, il n’en reste pas moins que d’importantes répercussions dans les rendements servis en fin d’année sont à prévoir. Stratégies d’investissement prudentes et forte baisse des taux des obligations d’État contribuent à une lente érosion des rendements.
Nouveaux acteurs
Concurrence accrue
La multiplication des canaux de distribution et la concurrence que certains se livrent sont d’autant plus accentuées par l’ampleur qu’ont prise, depuis les débuts des années 2000, les médias spécialisés. Magazines et sites de comparatifs en ligne sont ainsi devenus pour certains épargnants le principal relais de leur information financière.
La situation est d’autant plus difficile à vivre que les acteurs de l’assurance-vie se multiplient à cause du mouvement de concentration qui s’opère dans le secteur bancaire. Les distributeurs par Internet, les Conseillers en gestion de patrimoine indépendants (CGPI) et les courtiers en tous genres alimentent le jeu de la concurrence entre les acteurs traditionnels du secteur, mais les poussent aussi à renforcer leur réactivité et leur force d’innovation.
La concentration du secteur, qui continuera sans doute, peut toutefois être optimisée par la mise en commun des expertises et le développement des synergies au bénéfice du client.
Devoir de conseil
Il faudra éviter de produire une communication qui manquerait de lisibilité
La multiplication des acteurs sur la scène de l’assurance montre bien toute l’importance que prend le devoir de conseil pour les assureurs, qui doivent donner la preuve qu’un conseil financier, personnalisé et incarné par un expert, est une valeur ajoutée réelle. Les dispositions de la directive MIFID, appliquées depuis novembre 2007, favorisent notamment la protection des investisseurs et renforcent les exigences en matière de devoir de conseil.
Ainsi, le profil investisseur, qui doit obligatoirement être défini, permet de situer les connaissances financières, l’horizon de placement, le niveau d’aversion au risque, et favorise donc une meilleure connaissance financière des clients.
Une information technique
Solvabilité II ira aussi dans ce sens puisque les assureurs devront communiquer une stratégie ou un plan d’action à long terme concernant la consommation des fonds propres. Toute la question réside donc dans la façon dont un assureur pourra traduire de façon intelligible pour ses assurés une information à très haute technicité, pour leur permettre d’opérer leurs choix en toute conscience.
MIFID
Cette directive vise à renforcer le cadre législatif communautaire des services d’investissement et des marchés réglementés, de manière à servir davantage deux grands objectifs : d’une part, protéger les investisseurs et préserver l’intégrité du marché, en fixant des exigences harmonisées pour l’activité des intermédiaires agréés ; et, d’autre part, promouvoir l’équité, la transparence, l’efficacité et l’intégration des marchés financiers.
Puisque cette communication sera de nature à générer des attentes, ou à influer sur les comportements d’investissement des assurés, il faudra à tout prix éviter de produire une communication qui, parce qu’elle manquerait de lisibilité, puisse être discriminante. L’évolution de la réglementation en termes d’information et de devoir de conseil va participer à une meilleure maîtrise des produits par les assurés et réduire les risques attachés.
Dans un environnement plus concurrentiel et plus réglementé, et sous la pression des tendances démographiques et économiques, la question qui se pose est la façon dont, pour continuer d’attirer les épargnants et maintenir l’assurance-vie dans son statut de placement préféré des Français, les assureurs vont pouvoir innover dans leur offre de produits.
Compléments de retraite
Épargne-retraite
Une majorité de Français souscrit un contrat d’assurance-vie en vue de la retraite. La FFSA a ainsi confirmé dans une étude publiée en juin 2010 que 66% des détenteurs d’une assurance-vie voient dans leur placement le support privilégié d’une épargne en vue de la retraite, voire de la dépendance.
Il est un aspect de l’assurance-vie qui, à la lumière des évolutions récentes qui ont marqué notre système de retraite, revêt une importance toute particulière. Face aux limites prévisibles du système par répartition et à l’allongement de l’espérance de vie des individus, commence à émerger l’idée que le financement des vieux jours relève de la responsabilité individuelle.
Les Français ont pris conscience qu’ils sont désormais responsables de leur confort financier à la retraite, et ils considèrent davantage les pensions publiques comme un soutien que comme la source principale de leurs revenus.
Flexibilité versus garantie
L’approche volontaire est donc assumée mais encore faut-il pouvoir proposer à ces assurés les solutions de placement qui offriront le juste équilibre entre garantie des revenus et flexibilité.
Cette dernière notion étant, dans l’imaginaire collectif, en parfaite antinomie avec le système des sorties en rente (un système qui vaut à un produit comme le PERP la réticence des Français, ces derniers étant attachés aux notions de capital et d’héritage), l’assurance-vie apparaît comme le placement idéal pour préparer sa retraite. Afin d’encourager cette épargne, il faut travailler à améliorer le fonctionnement du produit et mettre en place des mécanismes qui incitent l’assuré à conserver son placement le plus longtemps possible. Il faudrait bien sûr pour allonger ce délai de détention aligner l’orientation fiscale attachée.
Innovations
Contrats à annuités variables
Ce sont des placements en unités de compte, assortis de garanties optionnelles permettant de sécuriser les capitaux placés par les assurés.
Ils permettent à ceux-ci de recevoir une rente viagère garantie dont le minimum est connu à l’avance. Cette rente n’est versée qu’à partir d’un certain âge.
Au rang des innovations, certains produits récents commencent à faire parler d’eux et à séduire le marché français. Ce sont sur ces solutions nouvelles, complémentaires à l’assurance-vie, que doit se concentrer l’innovation. Parmi les nouveautés, les variable annuities, qui nous viennent des États-Unis. Quelques assureurs les ont développées cette année.
Bien qu’il s’agisse d’un produit assimilé à de la rente, et donc difficile à introduire sur un marché traditionnellement hostile à ce principe, celui-ci présente l’avantage de ne pas aliéner le capital et de garantir, pour toute la vie et à partir d’un moment donné, des revenus dont le montant est connu à l’avance. Ce produit est conseillé en complément de l’assurance-vie dont la logique de transmission du patrimoine vient compléter utilement ce produit retraite nouvelle génération.
Performance et besoin de sécurité
Les variable annuities sont une alternative crédible, mais pas une solution miracle pour autant, car il ne faut pas manquer de considérer le coût pour l’épargnant des garanties offertes par ce produit, et l’effort pédagogique qu’il requiert.
Certains contrats d’assurance-vie développent aussi des options financières qui fonctionnent avec un mécanisme de limitation à la baisse des moins-values (mécanisme de stop loss).
La multigestion diversifiée est une autre piste à surveiller attentivement. En sélectionnant les meilleurs experts d’un marché, d’un pays ou d’un secteur, elle apporte une diversification optimale et une meilleure maîtrise des risques au sein du portefeuille. Il n’y a pas de secret, « performance » continue de rimer avec « actions « . Il appartient dès lors aux assurés d’arbitrer entre leurs aspirations de performance et leur besoin de sécurité.
Engagements à long terme
Long terme
Favoriser les placements à long terme passe notamment par des produits qui offrent des garanties non pas à tout moment, mais à des dates spécifiques, définies par l’assuré.
Un produit de substitution ou plutôt une déclinaison à notre actuelle assurance-vie, à horizon de détention défini et à long terme, pourrait venir compléter utilement la gamme actuelle proposée pour l’épargne des Français.
Quel que soit le chemin que prenne l’innovation, une caractéristique doit cependant être commune à tous ces produits : un engagement de détention doit être mis en place pour favoriser la gestion financière des assureurs sur le long terme.
Il faut noter que, sur la dernière année, nous avons constaté une utilisation détournée de l’assurance-vie comme un placement à court terme. Cela ne peut bien entendu qu’être dommageable à la gestion financière sur le long terme des assureurs.
Il n’y a pas de secret, performance continue de rimer avec actions
Réintroduire l’horizon de long terme est donc une première chose mais les nouveaux produits se devront d’avoir également une vision plus assurantielle (et moins financière, liée simplement à l’optimisation d’un avantage fiscal) et s’inscrire dans la durée en offrant des horizons plus longs concernant réellement les problématiques de l’assurance : protection en cas de décès, façon de gérer les risques.
Solvabilité, fiscalité, baisse des rendements : des contraintes qui, à en croire les analystes et les prospectives, ne menacent pas pour autant la popularité du roi des placements. L’assurance-vie a encore de beaux jours devant elle et les assureurs ne manquent pas de ressources pour lui donner un nouvel élan.