Au sujet de L’emploi (n° 527, août-septembre 1997)
« Le numéro de septembre de La Jaune et la Rouge consacré à l’emploi m’a laissé sur ma faim. Le constat fait par les divers camarades auteurs des articles sont brillants. Mais bien peu ont simplifié l’analyse des causes du chômage en France pour n’en retenir que l’essentiel. Cet essentiel, quel est-il ? Il tient, à mon avis, en quelques mots simples : saturation des marchés traditionnels (marché intérieur en particulier), mondialisation de la concurrence sur de nombreux produits traditionnels et incitation aux délocalisations et à la robotisation, insuffisance de la création de “ produits nouveaux ”.
Le premier point exige d’aller chercher à l’extérieur les débouchés que l’on ne trouve plus chez nous (automobiles par exemple). Le problème est que ces débouchés se trouvent dans des pays actuellement insolvables. D’où un premier axe d’action : organiser la solvabilité de ces pays dans les échanges avec nous.
Le second point nécessite de mettre en place des freins fiscaux pour rendre plus progressive une évolution inéluctable. Il est économiquement et moralement sain que des délocalisations aient lieu. Mais leur rythme doit être contrôlé et raisonnable, pour ne pas créer des poches de désespoir et de misère chez les “ délocalisés ”.
Le troisième point, enfin, nécessite une politique fiscale favorable aux “ entrepreneurs ” et aux investissements à risque. On en est très loin aujourd’hui !
Que ces trois politiques soient suivies et qu’en attendant qu’elles portent pleinement leurs fruits, on adopte quelques mesures intelligentes comme celle proposée par le camarade Michel Berry, et le problème du chômage pourra être résolu.
Le “ travail ” n’est pas une quantité constante qu’il faut “ partager ”. Seul, le rapport coût/rentabilité du nouvel embauché détermine le niveau de l’embauche. »
J. FAUCOUNAU (47)
« En lisant les articles de votre numéro 527 sur l’emploi, je me suis étonné de n’y pas retrouver mention de l’intéressante proposition de Lauré, dans les pages de votre revue il y a quelques mois. J’espère ne pas trop déformer sa pensée en résumant qu’il proposait que les producteurs exportant en France depuis certains pays à bas niveau de salaire déposent une somme d’argent, lors de l’entrée de leurs produits. Loin d’être un droit de douane, cette somme serait la garantie dudit producteur s’engageant à réexporter la valeur correspondante de biens fabriqués en France. Une sorte d’obligation de compensation, garantie par ce dépôt.
Je n’ai jamais vu aucune discussion sérieuse de cette proposition, et dans vos articles, tous les auteurs considèrent comme une donnée de base que notre économie doit rester ouverte à toutes les concurrences, sans autre discussion.
Les conclusions en sont ensuite toutes attristantes, puisqu’elles se résument en gros à rechercher la meilleure façon de partager la baisse de pouvoir d’achat.
La seule allusion à la possibilité de contrôler la concurrence est dans les trois lignes, page 13 de l’article de M. Berry. Il rejette l’idée en deux arguments, l’un que la concurrence se fait surtout entre entreprises de pays développés, l’autre que le consommateur achète le moins cher.
Le deuxième argument est tautologique, le consommateur achète le moins cher qui est disponible, donc si le moins cher disponible est fabriqué en France, le consommateur l’achètera. Le premier argument ne vaut guère mieux ; en effet nous ne parlons pas ici de la nationalité de la société qui commercialise, mais de l’endroit où les biens sont produits, c’est-à-dire d’emploi. Bien souvent les moyens de production sont délocalisés ; même quand ils ne le sont pas, les prix sont dramatiquement tirés vers le bas par le petit pourcentage du marché qui est tenu par les produits des pays à bas salaires.
On lit dans d’autres revues que, au niveau économique, que l’on prélève du pouvoir d’achat pour payer des biens plus chers à des ouvriers qui travaillent sur le sol national, ou que l’on prélève des impôts sur les travailleurs résiduels pour distribuer des allocations chômage à ceux qui sont sortis du marché c’est identique au plan macro-économique, c’est de toute façon du pouvoir d’achat en moins. C’est oublier les problèmes psychologiques et les effets pervers du chômage qui sont par ailleurs largement et de façon convaincante discutés dans la plupart des articles. De toute façon, la proposition de Lauré échappe à cette critique puisqu’elle tend à spécialiser la France dans les productions où elle est encore compétitive, avec sa structure actuelle de rémunération et donc tend à créer des emplois compétitifs. »