Augmentation de la fréquence des allergies respiratoires : une conjonction de facteurs
Extrait du compte rendu de la réunion-débat du 28 octobre 1998 sur les risques d’allergies
La prévalence (terme médical pour exprimer le rapport du nombre de cas d’une maladie à l’effectif d’une population) des allergies est en croissance dans tous les pays. Toutes manifestations confondues, elle atteint 30% en France ; elle a doublé ou triplé, selon les cas, ces quinze à vingt dernières années. On ne peut incriminer des mutations dans l’espèce humaine qui auraient multiplié la proportion d’individus génétiquement prédisposés aux réactions allergiques. Les modifications de l’environnement jouent certainement un rôle majeur.
Augmentation de la charge allergénique
En se limitant aux facteurs d’allergies respiratoires, on constate une augmentation de la charge allergénique de l’air que l’on respire.
À l’intérieur des locaux
Les habitants ont augmenté le confinement en supprimant la ventilation, que ne sauraient remplacer quelques aérations sporadiques ; il s’agit d’une interprétation abusive de la politique d’économie d’énergie prônée depuis 1974, ces échanges d’air n’ayant qu’un effet secondaire par rapport aux autres modalités de pertes d’énergie. L’ambiance des logements s’est modifiée, avec augmentation de la température et de l’humidité, ce qui favorise la prolifération d’acariens, blattes et moisissures, grands pourvoyeurs d’allergènes. L’augmentation rapide en France du nombre d’animaux de compagnie (8 millions de chats et 8 à 10 millions de chiens) aggrave ce phénomène.
À l’extérieur des locaux
On a réalisé des espaces verts dans une bonne intention, mais on a souvent choisi pour cela des essences d’arbres parmi celles qui produisent les plus grandes quantités de pollens les plus allergènes, des bouleaux au nord de la Loire, des cyprès au sud. Et ces erreurs se poursuivent. Pourquoi ?
Augmentation des cofacteurs
La forte croissance de la prévalence des allergies respiratoires tient aussi à l’augmentation de « cofacteurs » qui facilitent les mécanismes allergéniques.
Interactions avec des virus
Il existe des interactions entre virus à tropisme respiratoire et pneumallergènes ; les bronchiolites (inflammation des ramifications des bronches) aiguës des nourrissons facilitent à terme le développement des symptômes d’allergies respiratoires : la production d’une « molécule d’adhésion », récepteur cellulaire pour le rhino-virus, valorise un type d’anticorps responsable de la réaction allergique. Or la fréquence de ces cas de bronchiolite augmente rapidement, de l’ordre de 9 % par an en moyenne, comme le montre le relevé ci-après.
Cette croissance aura comme conséquence à terme une accélération de l’augmentation de la prévalence de l’asthme qui a déjà doublé en quinze ans et dont le coût annuel a été évalué en 1992 à 7 milliards de francs.
Interactions avec des polluants atmosphériques
Le SO2, les fumées noires, l’ozone déclenchent des symptômes d’asthme, après un délai de trois à quatre jours, chez les patients exposés à des accroissements de pollution de fond (en dehors des « pics »).
L’ozone, résultant de réactions photochimiques où interviennent plusieurs polluants atmosphériques, accroît la réactivité bronchique des sujets sensibilisés à l’allergène ; les particules fines (moins de 2,5 microns, dites PM 2,5), notamment celles émises par les moteurs Diesel facilitent le mécanisme allergénique en favorisant la production d’IgE-dépendants ; le dioxyde de soufre provoque des irritations des bronches, qui facilitent l’effet des allergènes.
Réduire les facteurs de risques
En réalité, la situation est complexe :
Il y a déjà 3 millions d’asthmatiques en France et l’on estime à 2 000 morts prématurés par an les victimes de symptômes de plus en plus graves et fréquents.
Une politique de développement durable ne se conçoit pas sans que l’on cherche à maîtriser les causes non génétiques de l’aggravation.
Nous ne connaissons pas encore très bien les phénomènes en cause et il subsiste des incertitudes scientifiques.
Mais les perspectives de poursuite de l’évolution constatée sont suffisamment graves pour que, par une application adaptée du Principe de précaution, on prenne les mesures nécessaires pour réduire les facteurs de risques que l’on a pu dès à présent mettre en cause.