Auguste COMTE, l’enfant terrible de l’École polytechnique
C’est une somme importante que Bruno Gentil, jusqu’à récemment président de la Maison Auguste Comte, consacre au premier philosophe polytechnicien – au moins chronologiquement parlant.
Son éditeur, Erik Egnell (57), avait fait remarquer la prolixité de Comte, qui a tant écrit – c’était son unique arme, qui l’a bien servi. Qu’apporte le livre de Gentil dans ce contexte ? Il examine de manière transverse, ce qui avait été peu fait auparavant, les rapports de Comte avec l’École polytechnique.
Elle a été pour lui l’alma mater, un référent permanent dans sa carrière.
Concepteur d’une doctrine philosophique (le positivisme), d’une branche disciplinaire (la sociologie), inspirateur sous la IIIe République d’un courant politique toujours vivace, Comte cherchera pourtant sa vie durant la reconnaissance dans la science exacte, auprès de l’Académie des sciences ou de l’École polytechnique.
La relation d’amour et de rage qu’il entretient avec cette dernière trouve son acmé lors de « l’affaire Comte » de 1842. Comte était répétiteur d’analyse (1832−1844) et examinateur d’admission (1837−1847) : mais il n’eut de cesse d’être nommé professeur d’analyse – ce que ses « camarades » lui refuseront, le considérant au mieux comme bon vulgarisateur.
La « préface personnelle » du tome VI du Cours de philosophie positive (1842) est un morceau d’anthologie de cette épopée : l’auteur s’en prend pêle-mêle à Poisson (examinateur permanent), au Conseil de perfectionnement, à Arago et à sa « désastreuse influence », et appelle à son secours, tels les enfants de la veuve, les jeunes « générations polytechniques ».
C’est ce combat d’une vie que Gentil nous retrace : il donne à son ouvrage un plan chronologique – un plan thématique eût peut-être été préférable, mais difficile à tenir compte tenu du foisonnement chez Comte de la prose polytechnique (j’emploie l’épithète à la manière comtienne). Grâce aux riches citations de l’ouvrage, on est immergé dans la pensée et le raisonnement du maître.
Toute personne intéressée à l’essor de Polytechnique au XIXe siècle, au développement du positivisme, aux rapports entre science exacte, philosophie et société, ainsi qu’à la diffusion de l’œuvre d’une vie pourra se plonger avec profit dans cet ouvrage.