Autoconsommation résidentielle et transformation du paysage énergétique
C’est le monde de demain où une habitation, des quartiers commerciaux ou résidentiels sont équipés de panneaux photovoltaïques fonctionnant d’abord en autoconsommation, avec des box de répartition énergétique n’appelant le réseau de distribution qu’en cas de nécessité.
Le développement des énergies renouvelables dans le bâtiment a été le fait de pionniers désireux d’être autonomes en énergie, quitte à accepter un surcoût conséquent. Ce développement a ensuite été soutenu par des politiques publiques, conscientes de l’enjeu écologique et soucieuses de développer une filière nationale.
“ La vague d’installations photovoltaïques sur le bâtiment s’est ralentie à partir du moratoire de 2010 ”
Un choix politique structurant pour la filière a été de fixer en 2002 des tarifs de rachat d’électricité garantis. Cela a généré une vague d’installations photovoltaïques sur le bâtiment, qui s’est ralentie à partir du moratoire du 9 décembre 2010.
En conséquence, la grande majorité des 350 000 installations photovoltaïques sur toiture aujourd’hui injectent sur le réseau l’intégralité de l’énergie qu’elles produisent.
REPÈRES
La consommation d’énergie dans les habitations représente aujourd’hui 43 % de la consommation totale d’énergie en France. La plus grande partie de la consommation électrique est fournie par le réseau électrique national.
La production d’énergie à partir de sites résidentiels est aujourd’hui limitée et est principalement d’origine renouvelable : éolienne, photovoltaïque…
Mais les 350 000 maisons en France équipées de panneaux solaires représentent une faible part au regard des dizaines de millions d’habitations en France.
UNE NOUVELLE DONNE
En premier lieu, le coût des énergies renouvelables a considérablement baissé, celui du solaire photovoltaïque en particulier. Au début des années 90, le solaire photovoltaïque revenait à plus de 1 euro le kilo wattheure pour un particulier, alors qu’en 2017 il peut être produit à 10 centimes d’euro.
On en est à la « parité réseaux » : le coût de la production renouvelable devient inférieur au prix de l’électricité qui arrive par le réseau. Car, en parallèle, le coût de l’électricité pour le particulier augmente : le prix au kilowattheure est passé de 11 centimes d’euro en 2003 à 15 centimes en 2016.
Ensuite, en France, les décisions gouvernementales ont cessé de favoriser la revente au réseau de l’électricité produite sur le lieu de consommation, et commencent à encourager l’autoconsommation.
Enfin, les progrès du numérique commencent à modifier en profondeur le monde de l’énergie. Le développement des capteurs et de l’Internet des objets permet de produire des données détaillées et précises sur les sources de consommation et les points de production.
Grâce à l’explosion du big data, le traitement rapide de ces données ouvre des perspectives : gestion d’unités de production décentralisées et dispersées, équilibrage entre l’offre et la demande sur des périodes de plus en plus courtes, modifications rapides de la demande en réponse à un signal prix…
UN NOUVEAU PAYSAGE SE DESSINE
D’abord, le nombre d’installations photovoltaïques individuelles sur bâtiment va croître fortement, poussé par les prix bas de l’électricité autoproduite par rapport à celui de l’électricité achetée au réseau. Selon RTE, ce nombre pourrait s’élever à 4 millions d’ici 2030.
UN CHANGEMENT DES INCITATIONS PUBLIQUES
Avec l’arrêté tarifaire du 9 mai 2017, les tarifs garantis d’achat d’électricité d’origine renouvelable s’effacent au profit de primes aux installations d’autoconsommation.
L’autoconsommation collective a également un cadre réglementaire depuis l’ordonnance du 27 juillet 2016.
Ces installations seront toutes équipées de systèmes numériques pour optimiser la consommation de l’énergie produite en pilotant les usages électriques du foyer.
L’électricité nécessaire hors des périodes de production solaire pourra être fournie par le réseau électrique ou par des batteries chargées par la production solaire.
Ensuite, sur des immeubles résidentiels, dans des habitats mixtes commerciaux et résidentiels ou dans des quartiers, une unique source de production d’énergie locale pourra alimenter plusieurs points de consommation.
Enfin, une box énergétique, nœud de collecte des données et de pilotage des appareils, sera au cœur de toutes ces solutions. Selon l’UFE, ces box énergétiques seront généralisées à l’ensemble des foyers en 2040. En effet, même dans les logements non équipés d’une source de production locale, elles permettront d’organiser les consommations électriques du foyer pour réagir à un signal prix : les usages électriques qui peuvent être reportés le seront automatiquement vers le moment où l’énergie est la moins chère.
Les box énergétiques permettront aussi de répondre à des demandes des opérateurs de réseau (délestage, réglage primaire de fréquence).
Petit à petit, le paysage de production électrique français va donc se modifier. L’organisation de la production passera de quelques grandes centrales de production décentralisées à une multitude de petits producteurs d’énergie répartis sur tout le territoire et connectés entre eux.
UNE TRANSFORMATION À ENCOURAGER, MAIS AUSSI À SURVEILLER
La grande majorité des 350 000 installations photovoltaïques sur toiture aujourd’hui injectent sur le réseau l’intégralité de l’énergie qu’elles produisent. © FOVIVAFOTO/FOTOLIA.COM
La multiplication des installations photovoltaïques en autoconsommation sur les toits de France est un mouvement inéluctable, même si sa vitesse de déploiement est difficile à évaluer. Ce mouvement qui contribue au déploiement des énergies renouvelables et à la diminution de l’empreinte carbone doit être encouragé.
Mais non sans vigilance : certains risques ont été pointés du doigt. Ainsi, bientôt, il pourra être rentable pour un promoteur immobilier de construire un quartier totalement séparé du réseau grâce à des panneaux photovoltaïques et des batteries. Si cette situation se généralise, le manque à gagner pourrait être critique pour les opérateurs de réseau qui devront gérer les mêmes infrastructures avec des revenus moindres.
Le coût de l’électricité fournie par le réseau national pourrait alors augmenter, au détriment de ceux qui n’ont pas les moyens d’investir dans une installation photovoltaïque. Les revenus des opérateurs de réseau baisseraient alors, et il serait de plus en plus difficile pour eux d’assurer un service correct, ce qui encouragerait d’autres utilisateurs à s’isoler du réseau.
VERS UNE INTERCONNEXION GÉNÉRALISÉE
Plutôt que d’opposer les opérateurs de réseau et les installations d’autoconsommation résidentielles, pourquoi ne pas au contraire favoriser leur forte interconnexion ? Le réseau pourrait s’appuyer sur ces milliers d’installations modulables pour gérer les pics de demande, qui est le facteur clef de dimensionnement du réseau.
“ Les progrès du numérique modifient en profondeur le monde de l’énergie ”
Selon le Rocky Mountain Institute, avec le digital, il est ainsi possible de baisser d’environ 20 % les frais de réseau. Les opérateurs de réseau privilégieraient ainsi des solutions de gestion de la demande à des solutions plus coûteuses d’infrastructure, rationalisant ainsi leurs investissements.
Le citoyen en autoconsommation, toujours connecté au réseau, en sortirait gagnant également puisqu’il serait rémunéré pour ses services au réseau.
Le système de production électrique français en sortirait plus résilient, plus compétitif et plus vert.
3 Commentaires
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Enérgie décentralisé ou bien toujours – nucléaire ?
Énergie décentralisé ou bien toujours produite par le nucléaire ?
Pardon de vous poser cette question, mais la conclusion de cet article intéressant ne contredit-elle pas ce qui précède ? Tout semble plaider pour l’abandon de la production et de la distribution centralisée de l’électricité que la conclusion remet en selle. Ne s’agirait-il pas de garder un système offrant aux X de nombreux privilèges ?
Synergies entre la production décentralisée et le réseau
Bonjour,
L’article présente l’avènement rapide de multiples producteurs d’énergie de manière décentralisée. Si la consommation électrique reste la même, celle-ci remplacera alors partiellement la production centralisée.
La conclusion traite plutôt des interactions entre la production décentralisée et le réseau électrique. Mon objectif était de montrer que la montée de la production décentralisée pouvait se faire en s’appuyant sur le réseau, et non contre lui.
Autoconsommation
« Ainsi, bientôt, il pourra être rentable pour un promoteur immobilier de construire un quartier totalement séparé du réseau grâce à des panneaux photovoltaïques et des batteries » – en métropole ? Les besoins d’électricité sont plus importants en hiver et la production solaire alors bien plus faibles.
Sans solution économique de stockage inter-saisonnier, on a un fort déficit en hiver… ou un fort surplus en été. Non ?